Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 461.

30 nov 1848 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Le pape et les Bonaparte – Un élève gravement malade – Je me sens lâche et coupable – Jésus-Christ, aimant sa créture malgré ses péchés, doit être votre modèle – Des promesses à rappeler.

Informations générales
  • PM_XIV_461
  • 0+595 a|DXCV a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 461.
  • Orig.ms. ACR, AD 608; D'A., T.D. 20, pp. 47-49.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 AVENT
    1 DEVOTIONS
    1 ECOLES
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 LACHETE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PECHE ORIGINEL
    1 SAUVEUR
    1 TRISTESSE
    2 BARTHELEMY, DE
    2 BONAPARTE, LES
    2 DES MOLLES
    2 NAPOLEON III
    2 PATY, ISIDORE DE
    2 PIE IX
    2 POUJOULAT, JEAN-JOSEPH
    3 FRANCE
    3 NIMES
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 30 nov[embre] 1848.
  • 30 nov 1848
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
  • *Monsieur*
    *Monsieur de Paty sous-chef*
    *à l'administration centrale des Postes*
    *Paris.*
La lettre

Ma chère fille,

Encore aujourd’hui je ne vous dirai que deux mots. Le préfet, qui est très obligeant pour moi, n’a rien reçu. A quoi tient ce retard ? J’ai une grave nouvelle à vous annoncer. Le Pape, vous le savez, a quitté Rome, mais ce qui l’empêche de venir en France, c’est l’attitude que les Napoléon ont prise à Rome. Si leur cousin Louis est nommé président, la place ne serait pas tenable chez nous. On va exploiter cela dans les pays catholiques et Napoléon y perdra bien des voix.

Vous désirez que je vous parle un peu de vous, ma chère fille, et vous avez bien raison. Vous vous occupez tant de moi que ce devrait être une aumône [à vous rendre de ma part](1). Mais pour le faire avec un peu de détail, il faudrait que je n’eusse pas l’esprit préoccupé comme je l’ai par un pauvre enfant de onze ans, qui est au lit depuis près de trois semaines et sans connaissance depuis huit jours. Il y a quinze jours que le délire l’a pris. Alors il n’y avait pas de danger, et il n’y a pas eu moyen de trouver un instant lucide pour le faire confesser. Il a fallu lui donner l’absolution et l’extrême onction, tandis qu’il était dans cette léthargie dont rien ne peut le tirer. Son père et un de ses frères sont auprès de lui, et deux autres frères pensionnaires dans la maison. Mais cette situation est bien triste, et la présence des parents ajoute encore à ce qu’a d’affreux un état pareil, à cause de leur chagrin.

Vous voyez bien, ma chère enfant, que je ne suis pas sans tribulations. Et toutefois, tout en vous disant ceci, je me garde bien de me plaindre, car je me trouve bien loin d’être ce que je devrais être devenu, après tout ce que je sens que Dieu demande de moi. Je me sens excessivement lâche et coupable, et je ne vois pas ce que je fais pour sortir de cet état, malgré mes bonnes résolutions.

Je reviens à vous, et c’est pour vous dire que ma grande conviction est celle-ci : que vous devez vous appliquer à changer le mal en bien, c’est-à-dire à vaincre en vous toutes choses, comme Jésus-Christ les a vaincues en lui, lorsqu’il s’est fait homme pour nous pécheurs, malgré nos péchés; car il nous aimait, lorsque nous étions dans le mal, et s’il ne nous eût pas aimés, malgré le péché originel et les autres qui en sont la suite, il ne se fût pas livré pour nous. C’est donc Jésus-Christ aimant sa créature, malgré les péchés dont elle est couverte, que je vous propose comme modèle; et ce sera un excellent sujet de réflexions pour le temps de l’Avent que cet amour du Sauveur, qui nous recherche au-delà de nos péchés. Vous pourrez comparer ses divines dispositions aux vôtres, et je ne doute pas que ce ne vous soit un grand sujet de confusion et d’abaissement.

Voilà que je m’arrête, on me dérange. Je me propose de prier beaucoup pour vous pendant l’Avent; rendez-le moi. Je ne puis vous dire combien je vous veux toute la sainteté, qui ferait de vous une épouse digne de Notre-Seigneur.

M. des Molles, M. Poujoulat, M. de Barthélemy ont dû parler ou parleront pour moi; mais il faudrait leur rappeler leurs promesses. Si M. Poujoulat n’a encore rien dit, comme représentant de plusieurs pères de famille qui me confient leurs fils, il pourrait dire quelque chose.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le manuscrit porte : au moins me rendre de ma part; ce qui est incompréhensible.