Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 462.

5 dec 1848 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Décès d’un élève – La confession des élèves malades – Argent – Le préfet n’a rien reçu – Le pape – Demandez l’humilité à Jésus humilié, et aimez-le davantage – Le bonheur – Détruire son moi pour mettre à la place la très douce et très humble humanité de N.-S., ont nous devons être comme une seconde incarnation.

Informations générales
  • PM_XIV_462
  • 0+595 b|DXCV b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 462.
  • Orig.ms. ACR, AD 609; D'A., T.D. 20, pp. 49-51.
Informations détaillées
  • 1 ABAISSEMENT
    1 AMOUR-PROPRE
    1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 AVENT
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 DEVOTIONS
    1 ECOLES
    1 HUMILITE
    1 INCARNATION MYSTIQUE
    1 JESUS-CHRIST
    1 MERE DE DIEU
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 SOUCIS D'ARGENT
    2 CAMARET, JOSEPH DE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 PIE IX
    3 FRANCE
    3 NIMES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 5 déc[embre] 1848.
  • 5 dec 1848
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

J’ai été empêché de vous écrire, ma chère fille, depuis quelques jours par les tristes détails de la mort de mon petit Joseph de Camaret, qui nous échappa sans que nous ayons pu le confesser, quoique depuis plusieurs jours un prêtre fût constamment à sa disposition pour le confesser au premier instant lucide. Mais la tête était prise dès le commencement de la maladie. Pour éviter un pareil malheur, j’ai décidé que tout malade, obligé d’aller à l’infirmerie, se confesserait le troisième jour qu’il serait au lit. Cette mesure, approuvée par bien des familles qui l’ont adoptée, me paraît propre à éviter bien des malheurs et des regrets.

Je voulais pourtant vous écrire sur ce temps de l’Avent, mais laissez-moi vous dire d’abord, de peur de l’oublier : 1° Que l’abbé Henri n’a pas inscrit, comme venant de vous, la somme que vous m’auriez envoyée au mois de mai dernier, si vous me l’avez envoyée. C’est là ce qui fait mon embarras. Puisque je n’ai ici aucun document à cet égard, je vais compulser vos lettres de cette époque, où je découvrirai peut-être quelque chose. 2° Aucune demande n’est parvenue encore à la préfecture, quoique le préfet soit dans les meilleures dispositions. Il paraît même que je lui ai convenu beaucoup plus que je n’aurais pu l’espérer; mais il ne peut répondre, puisqu’on ne lui écrit pas.

Comme vous, ici, l’on ne pense qu’au Pape. Les populations entières se précipiteront sur son passage, s’il vient en France. On ne peut croire à quel point on est heureux de la pensée que les Romains le chassant il viendra nous demander un asile.

Mais je reviens à l’Avent. Eh bien, ma chère fille, je suis tout préoccupé depuis quelques jours du degré de sainteté que je voudrais vous voir acquérir. Vous n’avez pas beaucoup de courage, dites-vous, pour remédier à votre amour-propre. Eh bien, demandez-le pendant ces jours-ci à Jésus humilié, anéanti dans le sein de sa mère, et songez que si vous voulez attirer le divin Enfant dans votre coeur, ce n’est que par l’humilité. Vous voulez que je particularise, mais je ne puis pas. A travers vos lettres, je ne crois découvrir autre chose qu’un sentiment qui se replie sur soi et qui trouve son contentement à mépriser ce qui n’est pas vous, et à regretter tout ce que vous auriez pu être. Peut-être que de si loin je me trompe sur la nuance bien exacte de cette disposition; mais si ce n’est pas exactement cela, c’est quelque chose de bien approchant. Je ne pense pas qu’il faille attaquer ce mal de front. Plus d’amour pour Notre-Seigneur vous rendra meilleure, et il me paraît que l’Avent est ce temps merveilleux pour entrer dans les abaissements de sa charité.

Vous avez le sentiment que vous n’êtes pas heureuse. C’est bien vrai, mais vous n’avez pas assez peut-être le sentiment que nous n’avons pas à chercher le bonheur ici-bas. C’est une vérité dure; c’est la vérité que prêche Jésus-Christ sur la croix. Et pourtant il faut accepter cette pensée dans la pratique et y revenir sans cesse, afin que l’amour de Dieu soit en nous plus fort que la tristesse causée par la souffrance.

Restez tranquille sur les soins que je me donne. Il me semble que je me soigne extrêmement depuis quelque temps, et vous ne sauriez croire la facilité avec laquelle je laisse les miens me presser de me soigner. N’ayez aucun scrupule sur cet article. Vous redoutez la direction et vous la redouterez toujours, tant que vous y apporterez votre moi. Mais n’est-ce pas précisément ce qu’il faut détruire pour mettre à la place la très douce et très humble humanité de Notre-Seigneur, dont nous devons être comme une seconde incarnation ? Il ne s’agit pas seulement de se réjouir de ce que Dieu est, comme vous voudriez vous en contenter, il faut se réjouir de ce que Dieu veut être en nous, pourvu que nous le laissions faire.

Est-ce que le coeur vous fait encore souffrir ? Je vous conjure de me le faire savoir au plus tôt. Je crois qu’il faudrait s’en occuper sérieusement.

Adieu, bien chère fille. Je vais dire la messe pour vous et demander à Notre-Seigneur que je vous sois bon, comme il convient à votre sanctification que j’ ai tant à coeur. Adieu encore une fois. Que Jésus, du sein de sa Mère, vous attire toute à lui et vous donne son esprit d’humilité et de dépendance, en mourant à toute volonté divine(1) !

Notes et post-scriptum
1. Erreur pour volonté humaine. Le P. d'Alzon ne relisait presque jamais ses lettres.