- PM_XIV_469
- 0+599 b|DXCIX b
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 469.
- Orig.ms. ACR, AD 615; D'A., T.D. 20, pp. 55-56.
- 1 EMBARRAS FINANCIERS
1 NOTRE-SEIGNEUR
1 PLEIN EXERCICE
1 REFUGE LE
1 SOLITUDE
1 UNION A JESUS-CHRIST
1 VIE DE RECUEILLEMENT
2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
2 GRIOLET, JOSEPH-AUGUSTE
2 PATY, ISIDORE DE
3 NIMES
3 PARIS - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- Nîmes, le jour de Noël 1848.
- 25 dec 1848
- Nîmes
- Evêché de Nîmes
- *Monsieur*
*Monsieur de Paty sous-chef*
*à la direction centrale des Postes*
*Paris.*
Je reçois à l’instant votre lettre et le billet qui la contient, ma chère fille. Vos quatre pages sont très bonnes pour vous justifier d’un mot que j’ai écrit dans un sens tout autre que celui où vous l’avez pris. Je ne pensais pas le moins du monde à vous faire un reproche, ma bien bonne fille, je voulais vous signaler un état de mon âme, indépendant de ma volonté et de la vôtre, état trop souffrant pour que je le pusse choisir par goût, état auquel vous pouvez contribuer, sans qu’il y ait le moins du monde de votre faute et que je ne songe pas à vous reprocher. Quand j’eus écrit cette phrase, je craignis que vous ne la prissiez comme vous l’avez prise en effet, et je voulus l’effacer. Quelque chose, malgré moi, me la fit conserver, et maintenant encore je crois que je la garderais pour vous faire comprendre une double impression : 1° Celle d’un isolement dont je ne me rends pas compte, et qui est bien profonde; 2° Celle d’une conviction que nous devons tendre à l’union la plus intime en Notre-Seigneur, et c’est ce que j’ai senti très fortement tous ces jours-ci en priant un peu plus Notre-Seigneur.
Ainsi établissez bien ces deux faits contradictoires, si vous le voulez, mais qui subsistent en moi : sentiment d’isolement très profond qui m’anéantit par moments, et sentiment d’une union qui ne sera ni la vôtre, ni la mienne, mais celle de Jésus-Christ. Voilà le plus profond de mon coeur. Et dans tout cela il n’y a pas, ma chère fille, le moindre sentiment pénible pour vous; au contraire, une véritable admiration, – le mot n’est pas trop fort – de ce que vous me supportez tel que je suis. Si je n’étais que votre directeur, je ne vous dirais pas ce mot, mais, il me semble que Dieu veut que nous nous soyons autre chose.
J’ai bien prié pour vous et vos filles, cette nuit. Il me semble que Dieu me donne plus d’attrait pour le recueillement, et j’en profite pour le prier pour tout ce que j’aime avec plus de ferveur.
Vous êtes parfaite de m’envoyer un billet à six mois. Vous comprenez que vous avez tout votre temps et que quand je l’aurai fait voir, il me sera fort égal que vous me payiez dans dix ans; car quand même j’en serais gêné, cela importe fort peu, et je me reproche ma trop grande franchise à vous dire mes gênes. Mais non, je ne me le reproche pas, j’aime mieux que vous sachiez tout cela.
Soeur M.-Vincent logera-t-elle chez ses soeurs ? Veut-elle une chambre au Refuge ? Dans tous les cas elle y aurait un asile, si la compagnie de ses soeurs était trop acerbe. Je vous promets de tenir ferme contre M. Griolet. Je vais écrire à quelques-uns de ceux qui m’ont valu le plein exercice.
Adieu, ma chère fille. Les violons des charades m’arrêtent. Il faut aller bien m’amuser à voir nos enfants se divertir. Tout vôtre en Notre-Seigneur.
E.D'ALZON.