Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 493.

16 mar 1849 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Je veux reprendre sur vous l’autorité que votre mauvaise nature se refuse à me donner – L’oraison – L’office – L’activité extérieure – Vous devez être supérieure à vie – L’obéissance – Le confesseur tel que vous le désirez – L’esprit d’enfance – La communion – Vous n’aimez pas assez N.-S. – Pour la santé, soumettez-vous à Sr Thérèse-Emmanuel – Amour-propre et vanité – Le souci de la sanctification de vos Soeurs – L’oeuvre de la Mission – Austérités – Votre amitié est mon plus grand bien.

Informations générales
  • PM_XIV_493
  • 0+608 b|DCVIII b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 493.
  • Orig.ms. ACR, AD 633; D'A., T.D. 20, pp. 72-75.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 AMOUR-PROPRE
    1 AUSTERITE
    1 BON EXEMPLE
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 CONFESSEUR
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DISTRACTION
    1 EFFORT
    1 ENFANCE SPIRITUELLE
    1 ESPRIT RELIGIEUX
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 GESTION FINANCIERE
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 OEUVRES MISSIONNAIRES
    1 OFFICE DIVIN
    1 ORDO ROMAIN
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PROPRE DE ROME
    1 RENDEMENT DE COMPTE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SANTE
    1 SATAN
    1 SENS DES RESPONSABILITES
    1 SUPERIEURE
    1 VANITE
    1 VIE ACTIVE
    1 VIE CONTEMPLATIVE
    1 VIE DE PRIERE
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 RATISBONNE
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    3 PARIS
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 16 mars 1849.
  • 16 mar 1849
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 94, rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Avec votre permission ma chère fille je ne m’occuperai pour aujourd’hui que de vous. Je vais prendre par ordre votre rendement de compte que j’ai reçu hier, car vos deux lettres m’ont été remises en même temps. Je veux reprendre sur vous toute l’autorité que votre mauvaise nature se refuse à me donner. Puisque je sais qu’il y a en vous deux volontés : l’une qui le veut, l’autre qui ne le veut pas, je n’ai guère à m’occuper de cette dernière, puisque vous êtes forcée de convenir que ce n’est pas celle qui vous pousse à la sainteté.

Vous trouvez que vous n’avez pas d’oraison, même lorsque vous êtes à la chapelle. C’est un très grand malheur, car on s’accoutume si facilement à sortir de soi et à se détourner des communications du Saint-Esprit que je ne saurais trop vous recommander de faire effort pour redevenir une fille d’oraison. Les aspirations durant le cours de la journée sont bonnes, mais vous vous apercevrez bien vite combien elles sont sèches et maigres, si vous ne les renouvelez pas au feu d’une oraison plus active. Je vous plains de vos distractions pendant vos prières. Je me trouve aussi en avoir énormément et j’en sens tout le poids; cependant, je m’aperçois aussi beaucoup de la force que me cause l’application, surtout à la récitation de l’office. Et, à ce sujet, avez-vous pris le propre de Rome ? Je le voudrais bien, car alors nous dirions les mêmes offices. Si pour cela il vous fallait un ordo, j’en aurais un à votre disposition. Je n’ose pas vous dire qu’en cherchant à nouer les deux bouts pendant votre oraison, vous vous ôtez le plus puissant moyen de les nouer en effet. Le goût pour l’activité extérieure est un très grand et funeste dommage que vous laissez faire à votre âme; il est indispensable que vous vous teniez sur vos gardes, et, à cet égard, vous ne sauriez trop faire d’efforts pour vous tenir constamment entre les mains de Dieu.

Je vous défends de vous occuper de savoir si vous serez supérieure en 1850, ou si vous ne le serez pas. Je me confirme chaque jour dans la pensée que vous devez être à vie, et, alors, que vous devez vous arranger pour vous sanctifier dans la position qui vous est faite. Je vous prie de ne plus revenir là-dessus car c’est une affaire très décidément arrêtée dans ma pensée. Quant à vivre un peu plus dans l’obéissance, vous n’avez qu’à lutter un peu plus fortement contre toutes les révoltes qui se présentent à votre esprit, quand je vous ordonne quelque chose qui vous déplaît. Donnez, le plus que vous le pourrez, l’exemple de la règle et tout ira bien.

Je comprends votre désir d’un confesseur tel que vous le désirez, mais il faut être sûr qu’il soit tel que vous me le dépeignez. Si vous le trouvez, en effet, prenez-le; seulement, remarquez que vous n’avez pas été heureuse avec M. Ratisbonne et autres, après avoir cru l’être au premier abord, mais je comprends très fort que je suis trop longtemps éloigné de vous pour que mes lettres puissent suffire à vous soutenir. Ce que vous dites sur le sentiment de l’esprit d’enfance est très vrai et très bon, et c’est un des côtés par lesquels je vous trouve meilleure. Conservez-le et faites tout ce qui dépendra de vous pour obtenir le moyen de vous soutenir. Examinez toutefois si Dieu ne vous donne pas ce sentiment et cette disposition, moins pour votre bien que pour celui des autres. Si vous avez besoin d’être enfant, vous avez le devoir d’être mère, et, par l’impression que vous éprouvez d’avoir un appui, vous pouvez mieux comprendre celui que vous pouvez offrir aux autres qui ont le droit de vous le demander. Du reste, pourquoi ne parleriez-vous pas à M. Sibour de votre peine ? Peut-être vous fournirait-il le moyen de l’alléger.

Il me semble que, pour la communion, je vous avais engagée à la faire tous les jours, et si je m’étais borné à cinq fois par semaine, ça dû être à cause de quelque état de malaise qui vous empêchait de communier plus souvent. Sans vous [en] faire ici une obligation, je désire que vous puissiez vous faire peu à peu à la communion quotidienne. Songez donc, après tout, que toutes vos misères ne viennent que de ce que vous n’aimez pas assez Notre- Seigneur. Il faut aller le plus possible à lui; il faut lui demander l’esprit religieux, l’esprit de supérieure, tout; car tout vient de lui, du moins tout ce qui est bon. Ce m’est une grande peine,quand je pense que ni vous ni moi ne l’aimons pas assez.

L’article santé ne peut être réglé par moi, vous n’avez qu’à vous soumettre à Soeur Th[érèse]-Em[manuel] sur cet article; seulement, ne vous laissez pas trop aller à la sensualité des soulagements nécessaires. Mais où vous pouvez travailler avec ardeur, c’est à détruire votre amour-propre et votre vanité. Vous savez bien que sur cet article le démon ne vous laissera jamais de relâche. Je vois avec une grande peine que vous n’êtes pas la règle vivante de votre maison, en exceptant, bien entendu, les circonstances où votre charge de supérieure vous empêche d’être la première à tout, comme il convient. Du reste, soyez large avec Dieu et avec vos Soeurs. Que je voudrais vous voir grandement préoccupée de leur sanctification par amour pour Notre-Seigneur ! Toutes vos imperfections s’en iraient bien vite devant le désir d’être la mère d’une communauté de saintes.

L’oeuvre de la mission est une affaire trop importante pour que vous n’en fassiez pas votre grande occupation, et, à ce propos, si je ne vais pas sur-le-champ à Paris, j’espère que vous garderez toujours les 500 francs que vous consacrerez à cette mission. Je vous dirai bien bêtement que je voulais vous laisser les 3.500 francs en entier. J’ai eu peur que ce ne fût là une prodigalité, au lieu d’une charité; je vous en laisse juge. Quand j’ai été menacé de perdre les 70.000 francs de M. Bailly, j’ai promis à Dieu de les lui consacrer, si je les rattrapais. Mais dois-je déjà le faire avec la gêne où je me trouve ? Dois-je attendre ? Il est sûr que je vais faire une note, en cas de mort, afin que mes parents soient prévenus.

Je vous promets les petites austérités que vous demandez, mais dans la mesure que vous posez vous-même. Je vous admire d’avoir le temps de lire des feuilletons. Ceux que vous m’indiquez ne me paraissent pas mauvais, je ne puis les envisager pour vous que comme un délassement. Par feuilleton, je n’avais voulu dire que les romans et les nouvelles de théâtres.

Votre amitié, ma bonne fille, est mon plus grand bien. Je vous le dis bien sincèrement, quoique bien vite, puisque je n’ai pas le temps de vous exprimer tout le bien que me font des pages comme la dernière de votre rendement de compte.

Notes et post-scriptum