Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 495.

23 mar 1849 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Nous nous croyons quelque chose et nous ne sommes rien – Avoir un jour à Nîmes un couvent d’Assomptiades – A propos de diverses personnes – Ce que Dieu demande de vous pour les missions – Varia.

Informations générales
  • PM_XIV_495
  • 0+608 c|DCVIII c
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 495.
  • Orig.ms. ACR, AD 634; D'A., T.D. 20, pp. 76-78.
Informations détaillées
  • 1 COLERE
    1 CONFESSEUR
    1 COUVENT
    1 DEPASSEMENT DE SOI
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 DOT
    1 EGOISME
    1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 GRACE
    1 MISSION D'ANGLETERRE
    1 OUBLI DE SOI
    1 POSTULAT
    1 PREDICATIONS DE CAREME
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 TIERS-ORDRE FEMININ
    1 TRISTESSE
    1 VANITE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 ABBADIE, MADAME
    2 ACHARD, MARIE-MADELEINE
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 BALINCOURT, MARIE-ELISABETH DE
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 GENIEYS, MADAME
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GOUY, FAMILLE DE
    2 GOUY, MADAME DE
    2 MICHEL, ERNEST
    2 RIGOT, MADAME
    3 ANGLETERRE
    3 NIMES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 23 mars 1849.
  • 23 mar 1849
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 94 rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

Les dérangements de la prédication et les confessions que je prévois, d’ici à la fin du carême, m’empêcheront très probablement de vous écrire un peu longuement, d’ici à quelque temps, et c’est pour cela que je veux aujourd’hui vous parler de plusieurs choses.

1° Il me semble que Dieu veut de vous un très grand oubli de vous-même, et je regrette tous les jours que vous n’en soyez pas encore venue à ce point, que vous compreniez que dans toutes vos actions il ne s’agit pas de vous, mais de lui. Ce principe me semble si simple et si fort en même temps que je vous avoue toute ma honte, en songeant que pour l’avoir laissé un peu de côté, j’ai risqué le succès de ma station. Je me suis laissé froisser par un mauvais procédé de l’évêque, et j’ai laissé passer une occasion qui me paraissait favorable pour imprimer un mouvement heureux à nos hommes. Enfin, c’est fait; mais j’en ai un bien vif regret. Oh ! si nous pouvions songer moins à nous ! Je crains quelquefois d’avoir contribué à vous laisser dans un état de préoccupation personnelle, d’où naissaient ensuite vos irritations. Avec un degré de plus de préoccupations pour Dieu, que de choses pour vous eussent été aplanies ! Le mal est que nous nous croyons quelque chose et que nous ne sommes rien. J’en ai, pour ma part, une grande évidence pour moi-même, mais cela ne suffit pas; il faut à chaque moment, à chaque acte, se le répéter et agir selon notre rien et le tout de Dieu. Je le demande pour vous à Notre-Seigneur. Du reste, ces pensées de votre néant et du mien m’attachent singulièrement à vous. Ce que nous sommes me semble davantage puiser l’être dans une racine commune qui est Dieu, en qui et pour qui nous devons être de plus en plus unis. Oubliez-vous beaucoup, ma chère enfant, et songez que votre vie désormais doit être une grande abnégation de vous et une grande perte de vous-même entre les mains de Dieu, pour être l’instrument de sa gloire selon la mesure de sa grâce. Voilà ce qui depuis assez longtemps me préoccupe à votre égard, mais ce que je n’avais pas aperçu avec autant d’évidence qu’à présent.

2° J’ai à vous parler d’autre chose, quoique ma pensée revienne toujours comme malgré moi à ce que je vous dis à la page précédente. Je veux vous dire une idée que nous avons pour préparer la possibilité d’avoir un jour dans Nîmes un couvent d’Assomptiades. Un des principaux pensionnats de Nîmes, le plus considérable après celui des Dames de Saint-Maur, semble sur le point de baisser; la directrice est très âgée et ne suffit plus à la peine. La veuve d’un intendant militaire, femme très distinguée, s’en chargerait peut-être avec Mme Durand, qui, je le pense, sera bientôt libre des soins du ménage par un arrangement qu’elle ferait avec sa mère. Ce serait d’abord un excellent moyen pour notre Tiers-Ordre, et puis une pépinière de jeunes personnes que l’on pourrait travailler pour le bien; enfin, si plus tard les choses s’arrangeaient de façon à ce que vous pussiez nous donner des sujets, aucune difficulté, j’en suis sûr, ne serait faite par ces Dames de vous céder leur établissement. C’est du moins l’intention formelle de Mme Durand et de Mme Rigot. Mme Abbadie n’habitant pas Nîmes depuis la mort de son mari n’est pas du Tiers-Ordre, mais nous l’amènerions, j’en suis sûr, à en faire partie un peu plus tôt un peu plus tard, et même tout de suite, d’après les dispositions qu’elle nous témoigne. Je recommande cette affaire à vos prières et à vos conseils, si vous pouvez m’en donner quelques-uns.

3° Soeur Marie-Madeleine est prête. On donnera 200 francs de pension et un simulacre de trousseau. L’oncle (ceci vaut mieux) s’engagera à lui laisser sa fortune, et, si elle meurt avant lui, il laissera 10.000 francs pour la communauté.

4° Voudriez-vous de Mlle de Balincourt ? Peut-être pourrai-je vous l’envoyer. Elle est bien nulle, bien timide, mais très pieuse. Sa mère voudrait, pour en finir, qu’elle fît une espèce de noviciat. Je suis sûr que, si elle va vers vous, vous pourrez la garder. Résolue comme elle l’est à ne pas se marier, je crois qu,elle n’a rien de mieux à faire qu’à entrer dans un couvent, surtout si elle s’y posait comme fondatrice, style de carmélites, c’est-à-dire comme une fille qui ferait de la règle ce qu’elle pourrait, mais serait acceptée de la communauté à cause de sa dot. Puisque les Carmélites le font, pourquoi ne le feriez-vous pas ? Les Visitandines ont aussi quelque chose de semblable, et il me semble que cela pourrait fort bien s’arranger ainsi. Répondez-moi, je vous prie, un oui ou un non.

5° Mme Génieys m’écrit pour m’apprendre que Mme de Gouy va probablement entrer chez vous avec ses deux filles. Est-ce vrai ? Elle ajoute qu’elle-même ira peut-être un jour frapper à votre porte. Faut-il l’y encourager ?

6° Je reviens toujours à mes moutons, c’est-à-dire à ce que Dieu demande de vous pour les missions. Songez-y. C’est vers l’Angleterre que vous devez tourner les yeux; c’est là que doit être votre principal développement. Mais le temps me manque. A une autre fois.

J’aurai peut-être besoin de quelques bons sujets pour l’an prochain. M. Michel en connaît-il ? Je compte tellement sur vous pour l’affaire Bailly que je ne vous en parle pas. Les amis de Soeur Marie-Vincent viennent me trouver pour blâmer son voyage. Je les écoute et dis que je ne sais rien. Ils prétendent qu’on ne la laissera pas retourner.

Adieu. Le temps me manque.

Notes et post-scriptum