Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 543.

6 oct 1849 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Ma détermination à ne pas me laisser décourager par vos misères – Nos réactions ne doivent faire aucune part à l’amour-propre – Autorité plus forte, respect plus grand, résolution d’aller droit à Dieu – Mon affection grandissante – *In omnibus gratias agentes* – Le recueillement – La contrition – Et votre heure d’oraison ? – Agir comme N.-S. en tout et pour tout – Charité, régularité, soumission.

Informations générales
  • PM_XIV_543
  • 0+652 a|DCLII a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 543.
  • Orig.ms. ACR, AD 674; D'A., T.D. 20, pp. 124-126.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE GRACES
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 ORAISON
    1 VIE DE RECUEILLEMENT
    2 FRANCHESSIN, ERNEST DE
    2 PAUL, SAINT
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • [Lavagnac], le 6 octobre 1849.
  • 6 oct 1849
  • Lavagnac
La lettre

Votre longue lettre du 1er et du 2 oct[obre], où vous ne me parlez pour ainsi dire que de vous, veut tout d’abord que je vous dise de mon côté, de quelle manière je suis disposé à votre égard, après toutes les expériences si tristes que nous avons faites de mes torts et des vôtres. Je trouve chez moi la disposition la plus franchement absolue à ne pas me laisser décourager, une seule fois, par la vue de vos misères, de quelque nature qu’elles puissent être; une résolution, aussi ferme que je puis être capable d’en prendre une, de ne jamais plus m’effrayer de vos révoltes et de ne plus céder à la tentation de vous répondre fierté par fierté, et, quand vous sembliez me dire : « Je veux m’en aller, » de paraître vous répondre : « Eh ! bien allez-vous en. » Tout cela est beaucoup trop dans l’ordre de l’amour-propre, de votre côté comme du mien; et partant, ni chez vous, ni chez moi de semblables germes ne peuvent être soufferts. Troisièmement, à côté d’une autorité plus forte, plus énergique, j’espère que vous sentirez de ma part beaucoup plus de respect, mais aussi une résolution plus absolue à ne pas perdre le temps en choses inutiles, mais à aller droit au but, droit à la perfection, droit à Dieu. Et au-dessus de tout cela, j’espère enfin que vous verrez peut-être davantage mon affection, qui devient chaque jour plus forte, qui fait plus que se répandre, qui pénètre davantage au fond de tout moi-même et qui veut absolument me donner à l’oeuvre de votre salut. Ceci pourra être quelquefois plus dur, au moins dans les commencements; Dieu fera que vous vous en trouverez bien.

Vous aurez toute votre vie des ressentiments, du vieux levain. Ce n’est pas votre faute, c’est celle de votre nature. Vous aurez toute votre vie des mérites à acquérir de ce côté, mais ce n’est pas précisément un mal pour une supérieure de sentir en elle-même la difficulté de l’obéissance. Rien ne peut mieux la disposer à être miséricordieuse pour celles de qui elle la doit exiger. Le remède que je prends contre l’ennui du prochain est la parole de saint Paul, dont je vis pour ainsi dire depuis un mois : In omnibus gratias agentes. Il me semble que remercier Dieu, dès le matin, de tout ce qui peut arriver de pénible, c’est se disposer à merveille à le remercier de chaque ennui particulier qui peut survenir.

Je vous gronderai de ne pas vous tenir dans le recueillement. Rien de plus facile à conserver avec un peu d’attention, quand on l’a; rien de plus difficile à recouvrer, quand on se laisse aller à la dissipation. C’est, du moins pour moi, ce que j’éprouve. Je suis surpris que les mauvaises impressions étant si durables chez vous, les bonnes le soient si peu. Je me reproche de ne vous avoir pas assez portée au regret de vos péchés et à la contrition que vous devriez en avoir; nous ne nous arrêtons pas assez sur cette vérité, fondamentale pourtant, qu’un Dieu est mort pour expier les péchés et que tout le christianisme est là.

Comme peut-être je l’oublierais, veuillez me dire ce que vous avez fait de l’heure d’oraison que je vous avais recommandée, lorsque vous en auriez le temps. L’aviez-vous pendant que vous étiez chez M. de Fr[anchessin] ?

Vous êtes trop convaincue de la nécessité d’agir comme Notre-Seigneur en tout et pour tout, pour que je ne vous gronde pas d’avoir trop oublié de vous établir en union avec lui dans vos actes. C’est à quoi pourtant il faut encore que vous reveniez : tournez-vous donc du côté de ce bon Maître, et consacrez- vous tout de bon à lui par le don de tous vos actes qui seront siens et point vôtres, quand vous les lui aurez donnés.

Charité, régularité, soumission, sont trois vertus importantes; mais, ma bonne fille, qu’est-ce donc que d’être obligée de les communiquer comme supérieure, et voilà votre obligation. On sera charitable, soumis, régulier, selon que vous l’inspirerez, que vous l’inculquerez. Souvenez-vous bien de cela.

Je suis un peu fatigué, je m’arrête pour aujourd’hui. Nous reprendrons un autre jour, demain si je puis. Ne croyez pas que je sois bien malade, mais je ne puis pas écrire fort longtemps, d’autant plus que j’ai écrit quelques autres lettres aujourd’hui. Je vous enverrai des prospectus, mais un peu plus tard; nous n’en avons plus.

Notes et post-scriptum