Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 548.

24 oct 1849 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Votre rendement de compte – Votre *sot* orgueil – Oraison continuelle – Tenir aux exercices de la communauté – Ne plus chercher d’autre contentement que de faire la volonté de Dieu : ce sera votre pénitence mais aussi la promesse de la plus intime union avec Jésus-Christ – Courage! – Faites-moi part de tout ce que vous croyez que N.-S. demande de vous – Le concile d’Avignon – Le P. Ventura.

Informations générales
  • PM_XIV_548
  • 0+654 a|DCLIV a
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 548.
  • Orig.ms. ACR, AD 678; D'A., T.D. 20, pp. 128-131.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 CONCILE PROVINCIAL
    1 ORAISON
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE DE RECUEILLEMENT
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 THIBAULT, CHARLES-THOMAS
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    3 AVIGNON
    3 MONTPELLIER
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 24 octobre 1849.
  • 24 oct 1849
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *n° 94 rue de Chaillot*
    *Paris.*
La lettre

J’ai trouvé ici, ma chère fille, votre lettre au retour d’une course que je suis allé faire à Montpellier, avec l’évêque de Nîmes, chez Mgr Thibault. Voilà pourquoi ma réponse se fera attendre vingt-quatre heures. Votre rendement de compte m’a généralement satisfait, et je vous engage à vous mettre devant Notre-Seigneur dans un état de foi pour accepter mon approbation, comme vous auriez dû accepter mon blâme. Il n’est pas étonnant qu’avec ce que vous appelez votre sot orgueil, vous ayez quelque peine à revenir à la dépendance; mais vous y reviendrez, soyez-en sûre. Dieu vous aidera. Il y a chez vous, quand vous le voulez, des ressources infinies, et quand vous les appliquez au bien, vous devenez très bonne, Dieu vous prêtant son secours. Mettez-vous dans une oraison continuelle. C’est là ce qu’il vous faut absolument; c’est là l’effort de tout supérieur, homme ou femme. J’en ai tellement vu ces jours-ci le besoin pour moi qu’il m’est impossible de ne pas le sentir aussi pour vous. Priez toujours, et surtout dans vos occupations et vos distractions; par distractions j’entends dérangements d’affaires. Priez pour les gens avec qui vous êtes, priez pour aimer davantage ceux que vous aimez, priez aux intentions de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge, priez avec les anges gardiens et les patrons de vos Soeurs et de vos enfants, et que tous ces moyens de prier vous amènent à une grande dilatation du coeur, à une grande paix, sous l’oeil de Dieu ou plutôt dans son infinie charité.

Je crois que, comme règle générale, vous devez surtout tenir aux exercices de la communauté. Je l’exige, autant que vous le pourrez raisonnablement. Ne plus chercher votre contentement, sinon celui de faire la volonté de Jésus-Christ, qui est bien parfait. Mais si vous en sentez l’attrait, pourquoi refuser quelque chose à Notre-Seigneur ? Ne comprenez-vous pas que c’est là un de ces grands principes de pratique, avec lesquels on renouvelle toute une vie ? Il y a dans les séparations qu’un pareil état impose quelque chose de bien dur; mais comme l’on sent que c’est bien le véritable amour qui dicte ces paroles ! Donc, ma chère fille, c’est bien convenu, vous ne chercherez plus d’autre contentement, sinon de faire la volonté de Jésus-Christ. Promettez-le lui tous les jours, à chaque instant, pour ainsi dire; tenez votre promesse et vous serez avant bien peu de temps toute renouvelée.

Ne plus chercher d »autre contentement que la volonté de Dieu. Oh ! mon enfant, mais vous ne vous faites pas d’idée de tout ce qu’il y a de frappant pour moi dans ces paroles. Que pour vous elles soient de ces impressions qui restent, et, croyez-le bien, eussiez-vous dans le coeur toute l’aridité qu’on peut éprouver dans les plus cruels délaissements, Jésus-Christ aura bientôt établi l’union la plus intime entre son coeur et le vôtre.

Vous devez rentrer à l’oraison, dites-vous, par la pénitence. Mais quelle pénitence plus rude, dans l’état où vous êtes, que de refuser à votre âme tout contentement qui n’est pas de faire la volonté de J.-C. ? Car, vous le savez bien, cette divine volonté est jalouse, exigeante, et chaque jour elle vous demandera un peu plus. Je crois que je vous indique là la vraie ligne de conduite, ou plutôt je vous fais remarquer seulement celle que Notre-Seigneur lui-même vous indique. Je vous félicite de ce que vous avez gagné. Pour les points qui vous restent à acquérir, j’insisterai surtout sur le silence. Tenez-y beaucoup. Je me mets à le faire observer le plus que je puis; il me semble que j’en viens à bout. Prenez courage aussi et accoutumez-vous à envisager cette étendue de conversion qui vous effraie tant. Il me semble que vous entrez dans la bonne voie. Ne vous y arrêtez pas. Courage ! courage ! Le temps est si court !

Je vous conjure, ma chère enfant, de me faire part de tout ce que vous croirez que Notre-Seigneur demande de vous. Pouvez-vous prononcer le mot d’ennui avec moi pour quoi que ce soit qui vous concerne ? Oui, vous avez besoin d’être maintenue, et c’est bien ce à quoi je me propose de travailler, autant qu’il dépendra de moi. Non, ne jouez pas avec N.-S. Il y a mieux à faire que cela, quand on est comme vous appelée à l’aimer d’une manière si intime. Je ne trouverai jamais que vous me parliez trop de vous, quand vous en éprouverez le besoin. Mais je reviendrai sur cela à Paris. Continuez, comme vous faites, pour la nourriture. Restez-en où vous en êtes pour vos communions; nous réglerons tout cela bientôt.

Seulement, l’évêque me rogne mon temps affreusement. Il faut que je sois à Avignon le 8 décembre. Je verrai pourtant de m’exempter de ce Concile. Je pourrai sans difficulté être à Paris le 21 novembre, à moins de nouvelles complications. Nous allons avoir le 14 nov[embre] tous les évêques de la Province pour la consécration d’une église. On préparera les matières, et le Concile se tiendra le 8 décembre. Monseigneur veut que j’y sois.

Le P. Ventura a reçu du Pape le bref le plus flatteur. L’évêque de Montpellier a reçu l’invitation de lui accorder tous les pouvoirs, même de dire la messe dans sa chambre, si sa santé l’exigeait. Je m’arrête, le temps me manque.

Adieu, chère fille. Mille fois à vous en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum