Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 30.

19 apr 1850 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Ordos romains et surveillants – Votre urgent besoin d’abaissement et d’humiliation – Vous devez être en tout instrument et non moteur – La santé de Monnier – Un amour repentant pour N.-S. – Confiance et abandon à la miséricorde de Dieu – L’oraison – Redoubler d’efforts pour être une nouvelle créature – Je suis à me dépouiller assez douloureusement de moi-même – Devrai-je aller aux eaux ? – Jésus-Christ, principe, terme et moyen de votre sanctification.

Informations générales
  • PM_XV_030
  • 0+684 b|DCLXXXIV b
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XV, p. 30.
  • Orig.ms. ACR, AD 710; D'A., T.D. 20, pp. 150-153.
Informations détaillées
  • 1 ABANDON A LA MISERICORDE DE DIEU
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 CONTRITION
    1 DETACHEMENT
    1 HUMILITE
    1 ORDO
    1 PENITENCES
    1 RENOUVELLEMENT
    1 SURVEILLANTS
    2 GAY, CHARLES-LOUIS
    2 GOURAUD, HENRI
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 MONNIER, JULES
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 OLIER, JEAN-JACQUES
    2 RECAMIER, JOSEPH
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 ANGLETERRE
    3 VICHY
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 19 avril 1850.
  • 19 apr 1850
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Quoique, ni moi non plus, je n’aie pas aujourd’hui grand temps, je veux commencer au moins, ma chère fille, afin que vous ayez la bonté de me faire une petite commission. Le Père Jérôme peut-il décidément, oui ou non, nous procurer les ordo romains; voilà trois mois de 1850 écoulés et nous n’avons aucune nouvelle des ordo promis. Puis, peut-il m’envoyer de suite un ou deux bons surveillants ? C’est là ce qu’il me faudrait bientôt. Le polonais de quarante ans que M. Hippolyte avait presque retenu est-il disposé à venir ? Après ces deux commissions, je vais vous parler de vous.

Il me semble, à mesure que je me mets plus en face de votre âme, que vous avez un urgent besoin d’abaissement et d’humiliation. Toutes vos peines de coeur eussent été considérablement diminuées autrefois, si vous aviez été un peu plus humble, et maintenant que j’ ai eu le bonheur de reconquérir l’ouverture de votre coeur, je crois que ma grande application doit consister à vous forcer à devenir petite fille sous la main de Notre-Seigneur, et de quiconque sera par lui chargé de vous mener à lui, puis, c’est dans l’humilité que vous devez établir l’action de votre charité et de votre zèle. Vous devez être en tout, instrument, et non moteur. Le moteur, c’est Notre-Seigneur, c’est le Saint-Esprit; vous, vous gâterez tout ce que vous ferez, même les meilleures choses.

20 avril.

Depuis que j’ai interrompu cette lettre, j’ai eu un bien grand chagrin : mon pauvre M. Monnier a eu encore un affreux regorgement de sang, et je vois que c’est un homme perdu pour la maison autrement que par le concours de son exemple. Voyez, je ne voulais vous parler que de vous dans cette lettre, et me voilà à la fin de la première page à ne vous entretenir que de mes affaires. Je viens à vous cependant.

En lisant le plus attentivement possible votre lettre du 13 avril, et en la comparant avec tout ce que je me rappelle des précédentes, il m’est très évident que vous avez le plus grand besoin de vous rapprocher avant tout de Notre-Seigneur. Ce rapprochement doit être tout d’amour, mais d’un amour repentant d’avoir jusqu’à présent perdu tant de temps. Ne vous faites pas illusion. Avec les grâces que vous avez reçues, si vous l’aviez bien voulu, vous seriez aujourd’hui une grande sainte, vous en êtes bien loin, mais puisque Notre-Seigneur ne se décourage pas, il ne faut pas vous décourager non plus, il faut au contraire redoubler de confiance et d’un abandon plein et entier à la miséricorde de Dieu. Que de sujets d’entretien avec Notre-Seigneur dans l’oraison ! que de motifs de lui témoigner une tendresse toute nouvelle ! Je vous conjure donc, ma chère enfant, de vous appliquer autant que vous en êtes capable à vous tourner dans ce sens et à y persévérer. Du reste, depuis longtemps il me semble que toutes mes paroles tendent à ce but. Je suis convaincu que l’action de Notre-Seigneur bien établie dans votre âme, tout s’y ordonnera de façon à ce que vous irez comme de vous-même. Ai-je besoin de vous parler de vos sécheresses et de vous dire que, méritées comme elles le sont, vous devez les accepter avec joie, comme punition d’un passé réellement bien imparfait ?

De toutes vos difficultés, je conclus la nécessité de redoubler d’efforts pour être une nouvelle créature et pour vous mettre entièrement à la disposition de celui qui vous a faite pour lui. Entrez donc, ma bonne fille, dans le plus grand recueillement et mettez-vous y avec tout l’effort d’un coeur qui a beaucoup à réparer envers celui à qui il s’est donné pour toujours.

Dieu disposera de M. Gay comme il le voudra; pour moi, je suis à me dépouiller assez douloureusement de moi-même. Vous avez pu en juger par une lettre que je vous ai écrite l’autre jour. Qu’est-ce que Dieu veut de moi ? Je n’en sais rien, souvent je pense que bientôt il n’en voudra plus sur la terre, tant je me sens par moments affaibli; puis, je trouve que ce n’est qu’une épreuve que Dieu m’envoie et que je prends fort mal. On veut m’envoyer aux eaux de Vichy. Je tiens à consulter Gouraud et peut-être M. Récamier. Nous verrons cela à Paris.

Je regrette bien vivement de ne pas voir Soeur Th[érèse]Em[manuel] avant son départ pour l’Angleterre.

En revenant sur la quatrième page de votre lettre du 13, je vois que M. Gay ne veut pas vous faire une obligation absolue de vous conformer à la vie de Notre-Seigneur dans le sens de M. Olier. Je suis de son avis, mais je pense cependant que, sans contention, vous verrez plus tard la nécessité de vous tourner vers Jésus-Christ, comme principe, terme et moyen de votre sanctification. Je ne me fais pas bien comprendre; ne vous en troublez point, nous en causerons dans six semaines. Seulement appliquez-vous, malgré vos occupations, au plus grand recueillement. Je suis forcé de vous quitter pour aujourd’hui.

Mille fois à vous en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum