DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.7

2 jan 1859 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Elle se doit de prendre du repos dans la limite possible. – Il lui a recommandé la liberté au milieu des affaires. – Il ne pense être à Paris qu’au début de février. – L’Assomption n’est pas la Trappe, pour la récréation des jeunes Soeurs. – Il l’aidera pour ses affaires d’argent.

Informations générales
  • DR03_007
  • 1173
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.7
  • Orig.ms. ACR, AD 1162; D'A., T.D. 22, n. 540, pp. 191-193.
Informations détaillées
  • 1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EFFORT
    1 RECREATIONS DES RELIGIEUX
    1 REPOS
    2 AMOUROUX, ADOLPHE
    2 COMBIE, FAMILLE
    2 COMBIE, JEAN-EMILE
    2 COMBIE, JULIETTE
    2 COMBIE, MARIE-CATHERINE
    2 DARBOY, GEORGES
    2 FABRE, JOSEPHINE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 LA BOUILLERIE, FRANCOIS DE
    2 MERMILLOD, GASPARD
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Lavagnac, 2 janvier [18]59.
  • 2 jan 1859
  • Lavagnac
La lettre

Je vais commencer tout de suite, ma chère fille, par vous parler un peu longuement de votre âme et vous dire l’impression que me cause votre lettre. Tout y est bien, les dispositions et les impressions y sont très bonnes; il n’y manque qu’une chose, un peu plus de vie. Vous me faites l’effet d’une personne qui sous le poids d’une grande fatigue est parfaitement prête à bien travailler, mais à qui les forces font défaut. S’il en est ainsi, le repos vous serait nécessaire. Mais comment vous le procurer? Dans tous les cas, j’en conclus que vous ne devez pas avoir grand scrupule à aller vous promener, à flâner,quelquefois, enfin à agir comme une personne qui a besoin de reprendre son énergie un peu usée.

Voilà un singulier conseil pour commencer une lettre de direction: reposez-vous et faites le mieux possible. Notre-Seigneur pourtant le donnait à ses disciples(1), et tout ce que j’ai pu voir de vous dans votre dernier voyage(2) fortifie mon appréciation. Vous avez besoin, au milieu de vos préoccupations, de vous apaiser, de vous calmer, de vous reposer. Encore une fois le pouvez-vous absolument? Evidemment non, mais vous le pouvez dans une certaine limite, et c’est précisément à quoi je vous invite dans la limite possible.

Quant à vos résolutions, tenez à celles que vous vous rappelez. Evidemment, celles que vous avez oubliées n’ont pas de portée bien présente pour vous. Il me semble que je vous avais surtout recommandé la liberté au milieu des affaires, et le sentiment intérieur qui vous porterait à vous tourner de toute votre âme vers Notre-Seigneur, de telle façon que dans tout ce que vous faites vous fussiez son instrument.

Je suis réellement bien heureux, ma fille, que vous ayez emporté de votre dernier voyage une bonne impression de ce que je voudrais vous être. Il m’est évident que Dieu veut que nous travaillions ensemble, qu’il serait par trop dur que je vous fisse toujours souffrir comme par le passé. Dilatez-vous donc le coeur, et, si je puis y contribuer par quelque moyen, soyez bien convaincue que j’y travaillerai autant qu’il dépendra de moi.

Votre lettre du 29 m’arrive et je ne me plains plus de votre silence, mais je vous remercie de vos lettres; je les attends toujours avec un certain empressement qui me donne bien un peu de scrupule sur mon détachement des choses créées.

Je regrette de n’être point à Paris pour le 16 janvier(3); je n’y serai que le 4 ou 5 février, époque où l’abbé Mermillod clôturera à Nîmes sa retraite aux Dames de Miséricorde.

Je partage essentiellement l’avis du P. Hippolyte, saint François de Sales est du même avis: il faut que les jeunes Soeurs s’amusent. Je suis pour les charades. L’Assomption n’est pas la Trappe. A chaque Ordre ses coutumes. Sans doute, il peut se rencontrer des inconvénients dans ces licences. Mais où n’y en a-t-il pas? C’est aux supérieurs à y remédier. Si vous voulez consulter M. Darboy, vous le pouvez, mais je prends devant Dieu la responsabilité de mon opinion, avec le correctif que les supérieures examineront les abus pour les prévenir ou y couper court(4).

Pour le moment, il ne faut pas songer à Juliette pour vous venir en aide, elle est trop courroucée de votre lettre(5). Mais je crois pouvoir trouver un autre moyen. On me rendra ma procuration, j’emprunterai 15.000 francs à Joséphine(6), avec lesquels je prendrai des actions.

Adieu, ma fille.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Il me semblait que le P. Hippolyte ou le P. Picard avait écrit à Amouroux(7): ce ne serait pas étonnant.1. Mc 6, 31.
2. Mère Marie-Eugénie avait séjourné à Nîmes du 19 novembre au 5 décembre 1858.
3. Pour la fête de Mère M.-Eugénie.
4. Dans sa lettre du 29 décembre, Mère M.-Eugénie rappelait que Mgr de la Bouillerie, alors supérieur ecclésiastique, avait fait renoncer aux amusements dont parle ici le P. d'Alzon, parce qu'il ne les trouvait pas assez religieux.
5. A la mort du père de Juliette Combié en décembre 1858, des accords avaient été passés dans sa famille, qui auraient pu léser sa soeur Louise, en religion Soeur Marie-Catherine. Mère M.-Eugénie en cette affaire prit décidément la défense des droits qu'avait Soeur M.-Catherine d'accéder à la part de biens qui lui revenait, et d'en disposer librement avant qu'elle ne soit mise devant un fait accompli. Cette attitude de Mère M.-Eugénie ne fut pas comprise par la famille Combié.
6. Joséphine Fabre.
7. Ancien élève du collège de l'Assomption, qui s'était engagé à prendre quelques actions de Mère M.-Eugénie, qu'elle avait souscrites lors de la sanation des affaires financières du collège de Nîmes.