DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.113

28 jun 1859 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il souffre de maux de dents. – Indépendance, indifférence ou paresse, il ne sent pas assez en elle la vie surnaturelle de l’épouse de Jésus-Christ. – Soeur M.-Augustine. – Une blessure au coeur dont il a promis de ne pas parler. – Nouvelles diverses. – Il n’admet pas de devenir meilleur sans qu’elle le devienne aussi.

Informations générales
  • DR03_113
  • 1261
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.113
  • Orig.ms. ACR, AD 1193; D'A., T.D. 22, n. 571, p. 225.
Informations détaillées
  • 1 CHAPELLE
    1 JARDINS
    1 MALADIES
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 TENUE RELIGIEUSE
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 MALBOSC, FRANCOISE-EUGENIE DE
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    3 EAUX-BONNES
    3 GRAU-DU-ROI, LE
  • A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 28 juin 1859.
  • 28 jun 1859
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Malgré un mal aux dents qui me fait pâtir depuis douze heures presque consécutives, je veux causer avec vous, ma chère fille. D’abord, de votre âme. Je vous avoue que je ne comprends pas que vous ne mettiez pas plus de générosité dans tous les détails de votre vie. En dehors des soins de la santé, il y a une foule de points, où, à chaque instant du jour, on peut pratiquer une vertu religieuse. Or ce qui me frappe, c’est comment avec une vie bonne je ne sens pas assez la vie surnaturelle de l’épouse de Jésus- Christ. Vous vous échappez ou par trop d’indépendance, ou par l’indifférence, ou par la paresse. Cette vie humblement, fortement, persévéramment sérieuse, je ne la sens pas assez chez ma fille.

Rassurez-vous sur Soeur M.-Augustine. Quel peu de fond religieux chez cette pauvre Soeur! Toutefois elle remonte le pensionnat, qui en avait bien un peu besoin. Elle est heureuse, mais je ne puis venir à bout de supprimer ses éclats de rire, qui sont peu édifiants quand ils sont si continus.

J’ai eu, ces jours-ci, une bonne blessure de coeur(1), mais j’ai promis de n’en pas parler. Je crois que cela vaut mieux; vous le saurez plus tard. L’évêque est parti pour les Eaux-Bonnes. Je l’ai retenu pour la bénédiction de la chapelle du prieuré, du 25 juillet au 1er août. On laboure le jardin à la charrue. C’est plus économique et les mauvaises herbes seront plus aisément détruites pendant la chaleur. Faut-il profiter de ce que la terre est soulevée pour faire creuser les allées et porter la terre, où il faut faire des exhaussements. Réponse, s’il vous plaît.

Somme toute, je trouve que je peux travailler positivement à ma conversion, et je n’admets pas que je devienne meilleur sans que vous deveniez meilleure. En attendant je fais pénitence avec mes maux de dents qui me reprennent et me forcent à m’arrêter.

Adieu, ma fille. J’ai autre chose à vous dire, je l’oublie.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. "Je crois deviner votre blessure, écrivait Mère M.-Eugénie le 4 juillet, je pense qu'elle vient de M. de C. et je vous remercie de lui avoir répondu, comme il l'a raconté à M. Fr. Eug., que je ne désirais pas qu'il se chargeât du Prieuré. N'est-ce pas une singulière idée de proposer cela en se séparant de l'Assomption comme si nous n'en faisions pas partie?"
Mère M.-Eugénie doit avoir deviné juste, car le P. d'Alzon vient de recevoir de l'abbé de Cabrières une lettre de démission (du 25 juin), très déférente certes, mais dont certains passages peuvent avoir été ressentis par lui comme un manque de confiance. Les sentiments de l'abbé de C. à l'égard du P. d'Alzon n'avaient pourtant pas changé. Quelques jours plus tard, lui donnant des nouvelles des élèves en vacances au Grau-du-Roi, il conclut sa lettre par ces mots: "Laissez-moi croire que vous serez toujours pour moi celui en qui se personnifient les meilleures, les plus pures aspirations de ma vie". Cette phrase dut être un baume pour la blessure du P. d'Alzon.