DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.203

8 jan 1860 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

L’oeuvre entreprise est appelée à faire un grand bien et ne perturbera en rien le prieuré. – Soeur Marie-Augustine. – Le P. Loyson. – Soeur M.-Geneviève. – Demande d’intervention pour le fils de M. Durand. – 8.500 signatures à Nîmes.

Informations générales
  • DR03_203
  • 1352
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.203
  • Orig.ms. ACR, AD 1195; D'A., T.D. 22, n. 573, pp. 227-229.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 QUESTION ROMAINE
    1 SUPERIEURE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 BARNOUIN, HENRI
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CHAUVAT, MARIE-GENEVIEVE
    2 CLASTRON, JULES
    2 DU LIMBERT, HENRI-FRANCOIS
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 GERMER-DURAND, JEAN
    2 LA GUERONNIERE, LOUIS DE
    2 LEBOEUF, EDMOND
    2 LOYSON, THEODORE
    2 MALBOSC, FRANCOISE-EUGENIE DE
    2 MAURAIN, JEAN
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 TOUVENERAUD, PIERRE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 SEDAN
  • A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • [Nîmes, le 8 janvier 1860](1).
  • 8 jan 1860
  • Nîmes
La lettre

Votre lettre m’arrive ici, à 10 heures, le 8. Il me paraît bien difficile que vous puissiez recevoir ma réponse à Sedan. C’est pourquoi je vous l’adresse à Paris, où elle arrivera presque en même temps que vous(2).

L’oeuvre que nous entreprenons a aujourd’hui de très petites proportions, mais en aura un jour de très grandes(3). Je suis convaincu qu’elle est appelée un jour à faire un très grand bien. Je n’avais pas osé en parler à vos filles, précisément parce que je voyais quelques inconvénients pour le moment. Toutefois Soeur M.-Aug[ustine] ayant besoin d’une soupape d’échappement, Soeur Fran-[çoise]-Eug[énie] en ayant eu la première idée, je ne vois pas qu’il y ait trop à s’effrayer du côté des parents. Ces filles n’entreront jamais dans l’intérieur du couvent, elles arriveront en faisant le tour, le long du mur extérieur de la chapelle, et arriveront à l’extrémité du cloître dans la salle de récréation, qu’elles occuperont le matin de 9 heures à 11, et le soir de 2 à 5, le dimanche seulement, bien entendu. Evidemment ce prêt n’est que provisoire, mais il peut avoir un avantage, celui d’attirer des Adoratrices à votre chapelle. On aura des bancs autres que ceux de la maison, et il est probable qu’à la belle saison on se transportera ailleurs par la force même des choses.

Parlons de Soeur M.-Aug[ustine]. Elle a eu, il y a dix à douze jours, une parole un peu sèche de moi. Elle avait donné un ordre sans consulter sa supérieure, et comme cet ordre m’avait fait arriver en courant pour me faire inutilement retourner aussitôt sur mes pas, je lui dis seulement que je la priais de ne pas se mêler de gouverner la maison. Depuis, nous avons eu une bonne explication, mais avant-hier elle vient me dire qu’elle a invité le P. Loyson à aller dire la messe au prieuré, toujours sans prévenir la supérieure. Moi qui arrivais de Montpellier les oreilles pleines d’histoires sinon graves dans toute la rigueur du mot, au moins très imprudentes du P. Loyson, qui savais la pénible correspondance qu’il venait d’échanger avec l’abbé de Cabrières et où il s’était complètement moqué de ce pauvre petit abbé, j’avoue que je lui parlai encore catégoriquement. Je ne pense pourtant pas qu’elle s’en soit fâchée. Hier elle fut, le matin où j’allai confesser les enfants, et le soir où je réunis les Enfants de Marie, à m’importuner et d’une manière fatigante. Je n’ai pu aller au prieuré ce matin, comme j’en ai l’habitude le dimanche, à cause d’un rhume: aussitôt une missive pour me prier de lui prêter mes oreilles. Ce qui me fatigue chez elle, c’est qu’elle n’a jamais que des raisons personnelles à donner et des justifications de petite fille de quatre ans. Cela doit porter à être miséricordieux. Mais il faut que l’ensemble de la maison marche. Elle se dédommage en disant des choses peu convenables, – hier, par exemple, devant les Enfants de Marie, – mais je ne réponds pas. Elle comprend, elle se tait, et la réunion va sérieusement comme je le désire. Ce détail explique tous les autres, car c’est sans cesse à recommencer. Puis elle s’éclaircit au moment où l’on y pense le moins. Le jour de l’an, j’allai passer une heure de récréation avec vos Soeurs avant les vêpres: cela l’avait toute rassérénée. Evidemment il lui manque un cercle, comme disent nos paysans.

Du reste, le prieuré me fait l’effet de bien aller, et Soeur M.-Geneviève entre autres est mille fois mieux depuis quelque temps.

Voici une petite note dont M. Durand voudrait bien que vous fissiez usage, afin de faire appuyer au ministère une demande en faveur de son fils(4).

Adieu, ma chère fille. Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Nous avons eu 8.500 signatures pour Nîmes seulement; nous en eussions eu 50.000, si l'on n'avait pas jugé à propos de suspendre les listes(5).1. Les T.D. dataient cette lettre du *10 juillet 1859*. La date a été corrigée par rapprochement avec la lettre de Mère Marie-Eugénie du 6 janvier 1860.
2. Mère M.-Eugénie rentra à Paris le 11 janvier.
3. Le P. d'Alzon répond à Mère M.-Eugénie qui lui a demandé son avis sur une "oeuvre de pauvres filles" que Soeur M.-Augustine désirait établir au Prieuré. Quelques jours tard, elle lui fera savoir qu'elle a accordé à Soeur M.-Augustine la permission demandée (lettres de Mère M.-Eugénie du 6 et du 11 janvier).
4. Autorisation pour Jean Germer-Durand de se présenter aux examens de Saint-Cyr. Mère M.-Eugénie l'obtiendra par l'intermédiaire du général Leboeuf.
5. "L'adresse que le Père a rédigée, écrit l'abbé Barnouin au P. Picard le 10 janvier, a été en moins de 24 h. couverte de 8.000 signatures. Si l'ordre n'était pas venu de l'Evêché d'arrêter le mouvement, je crois que nous aurions à l'heure qu'il est, plus de 40.000 adhésions".
De son côté, le préfet du Gard, faisant rapport au ministre de l'Intérieur, écrit: "Des renseignements particuliers que M. le Commissaire central a relevés, il résulterait que c'est M. d'Alzon qui est désigné comme le rédacteur de l'adresse". Dans un entretien avec le préfet, Mgr Plantier reconnut d'ailleurs que l'auteur de l'adresse était le P. d'Alzon.
Cependant l'évêque de Nîmes avait, dès le 5 janvier, pris position contre la thèse de La Guéronnière. Des 5.000 exemplaires qui ont été tirés de sa circulaire, rapporte le préfet au secrétariat général de la police, "la congrégation de St-François de Sales, annexe du pensionnat créé et dirigé à Nîmes par l'abbé d'Alzon, en aurait demandé mille".
Pour tout ce qui a trait à la question romaine en 1860, renvoyons à:
P. TOUVENERAUD, *La participation du P. d'Alzon à la défense des Etats pontificaux 1859-1863*, pp. 392-395, dans *Pages d'Archives*, II, pp. 385-410 (octobre 1960).
J. CLASTRON, *Vie de Mgr Plantier*, t. I, pp. 446-515, Paris-Nîmes, 1882.
J. MAURAIN, *La politique ecclésiastique du second Empire*, pp. 354-485, Paris, 1930.