DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.270

30 jul 1860 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Tout dans la fondation de Bordeaux lui semble providentiel. – Projets de voyage. – Il laisse faire la Commission. – Les menaces qui pèsent sur les établissements d’hommes le font trembler. – Professeurs de théologie qu’il se propose de demander à Rome dans l’hypothèse d’une persécution des religieux. – La gestion de son père à Lavagnac n’a pas été des meilleures; il préfère laisser cette terre à Mme de Puységur. – L’idée d’un établissement à Passy. – Sa position vis-à-vis de Mgr Quinn et de la mission d’Australie.

Informations générales
  • DR03_270
  • 1421
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.270
  • Orig.ms. ACR, AD 1245; D'A., T.D. 22, n. 625, pp. 273-274.
Informations détaillées
  • 1 AGRICULTURE
    1 COLLEGE DE CLICHY
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 ERECTION DE MAISON
    1 MATIERES DE L'ENSEIGNEMENT ECCLESIASTIQUE
    1 MISSION D'AUSTRALIE
    1 SOCIETE DES ACTIONNAIRES
    2 ALZON, HENRI D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 LAURENT, CHARLES
    2 O'DONNELL, EDMOND
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 QUINN, JAMES
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 BORDEAUX
    3 CLICHY-LA-GARENNE
    3 DUBLIN
    3 LAVAGNAC
    3 LYON
    3 NIMES
    3 PARIS, PASSY
    3 ROME
  • A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Lavagnac, 30 juillet [18]60.
  • 30 jul 1860
  • Lavagnac
La lettre

Je vous remercie bien, ma fille, de ce que vous m’apprenez au sujet de B[ordeau]x(1). C’est réellement une bonne affaire, et quand même vous auriez plus tard des difficultés, il ne faudrait pas se décourager, puisque tout me semble là providentiel.

Je serai à Nîmes samedi et j’en partirai lundi matin(2) pour Paris, en m’arrêtant peut-être un jour à Lyon. J’ignore si la Commission est contente de moi, je la laisse faire. J’ai posé très nettement et doucement les questions et je me suis tenu loin(3). Du moment que l’évêque me promet les missions diocésaines, peu importe le reste. Je tremble par la pensée des événements qui s’annoncent et qui ébranleront, ce me semble, les établissements d’hommes(4). Vous ai-je dit que j’allais demander à Rome un ou deux professeurs de théologie, dans l’hypothèse d’un bouleversement qui me semble clair comme le jour et qui chassera les religieux.

Mon séjour à la campagne m’aura prouvé que si mon bon père avait voulu cultiver ses terres comme ses voisins, il aurait recueilli sur Lavagnac 500.000 à 600.000 francs de plus. Ainsi pour n’avoir pas voulu mettre une poignée de plâtre sur chaque comporte ou cornue de raisins, à l’époque de la vendange, il a vendu son vin 7.000 à 8.000 francs de moins qu’il ne l’aurait vendu. Voilà ce que l’acheteur lui-même dit. Le notaire du pays, qui fait depuis quarante [ans] les affaires de la maison, affirme qu’il ne dépendait que de mon père d’avoir 100.000 francs nets par an sur Lavagnac seulement. Si je le voulais, ma mère me donnerait cette terre, mais je préfère la laisser à Mme de Puységur, sauf les arrangements, mais je suis bien aise d’être campé sur une foule de détails qui viennent des hommes les plus consciencieux et les plus habiles, afin que tout en faisant une part belle à ma soeur je puisse avoir aussi quelque chose, et je crois que Dieu me donnera plus que je n’espérais.

L’idée d’un établissement à Passy m’irait assez, mais le P. Laurent n’a-t-il pas déjà annoncé la fermeture de Clichy? Le pauvre homme était dernièrement d’assez mauvaise humeur, et je me reproche de ne l’avoir pas assez consolé(5).

Vous savez que Mgr Quinn ne veut plus des nôtres ou du moins les renvoie indéfiniment(6). J’ai écrit une lettre de fureur concentrée au P. O’Donnell. Voici pourquoi. 1° Pour lui faire sentir qu’il avait trop parlé; 2° Parce qu’au fond je suis ravi de me dégager de la dépendance où nous aurions été de Mgr Quinn. Ce n’est réellement pas un homme. Je veux bien envoyer du monde en Australie, mais dans une position moins soumise aux versatilités de ce saint évêque. Si on vous parle, veuillez agir en ce sens qu’ayant à me plaindre des procédés de Mgr Quinn, je veux que mes religieux aient leurs coudées plus franches qu’il n’avait été d’abord convenu.

Tout vôtre.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Mère M.-Eugénie vient de lui apprendre (28 juillet) la décision prise par les Religieuses de l'Assomption de fonder à Bordeaux.
2. C'est-à-dire le 6 août.
3. "Je viens d'écrire sous la dictée (du P. d'Alzon) une petite série de 4 ou 5 considérations pour les membres de la Commission et dans laquelle tout est clair et nullement compromettant" (Saugrain à Mère M.-Eugénie, 21 juillet).
4. *Lettre* 1393, note 1.
5. "D'après les nouvelles que je reçois de Nîmes, la commission *n'est pas contente de vous* et n'a pas encore pris sa décision. Alors pourquoi ne pas garder Clichy et ne pas fermer Nîmes? Nous avons en vue une grande pension à louer à Passy, c'est-à-dire le local, pour le cas où on pourrait se défaire de Clichy", a écrit Mère M.-Eugénie le 28 juillet. Dans une lettre du 29 juillet, que le P. d'Alzon n'a pas encore reçue, Mère M.-Eugénie écrit "Le P. Laurent ne semble pas savoir que vous avez résolu de fermer Clichy", mais le 3 août elle dira qu'en effet il a annoncé la fermeture aux parents.
Le 16 juillet, le P. Laurent s'était plaint amèrement au P. d'Alzon de l'incertitude où il le laissait à propos du sort de Clichy.
6. Voici comment le P. Laurent rapportait le 25 juillet les propos que venait de tenir Mgr Quinn: "Je n'ai ce qu'il faut pour la traversée que pour deux prêtres, un italien et un autre qui est ou a été à Dublin. Je ne puis pas prendre la responsabilité de vos Pères et Frères jusqu'à ce que j'aie ramassé l'argent suffisant. Ils ne doivent pas remuer jusqu'à ce que je les appelle. Il est possible que je parte sans eux, et qu'ils ne me suivent qu'à la distance de 4 ou 6 mois."
Le même jour, Mère M.-Eugénie écrivait: "On pense aussi que vous devez faire des conventions très positives avec Mgr Quinn quant à vos religieux. Avec toute sa lenteur, on lui trouve des idées arrêtées. Je crois qu'il est bon que vous ayez l'air de vouloir *conférer* avec lui."
Le 1er juin déjà, le P. Laurent avait émis de façon quelque peu désinvolte un jugement assez défavorable sur Mgr Quinn, "... fait pour être missionnaire comme moi pour être officier de marine... enfant, sans consistance dans le caractère", et déjà il avertissait le P. d'Alzon: "vous ferez bien de faire vos conditions avec lui en mettant les points sur les i".