DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.280

27 aug 1860 Montpellier MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Notre confiance ne peut que satisfaire M. Véron. – Il faut faire preuve de patience et de modération. – Le P. Picard est encore moins diplomate que lui-même. – Comment présenter les choses à M. Véron. – Affaire d’argent. – La démission de M. Barnouin. – Nouvelles des Soeurs. – Les croix qu’on lui trouve et ce qu’il en pense.

Informations générales
  • DR03_280
  • 1432
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.280
  • Orig.ms. ACR, AD 1247; D'A., T.D. 22, n. 627, pp. 274-276.
Informations détaillées
  • 1 CHAPELLE PRIVEE
    1 COLLEGE DE CLICHY
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 JURIDICTION EPISCOPALE
    1 LEGS
    1 PATIENCE
    1 PREDICATION DE RETRAITES
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 RESIDENCES
    1 VENTES DE TERRAINS
    2 ALTENHEIM, MARIE-ANTOINETTE D'
    2 BARNOUIN, HENRI
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CHAUVELY, MARIE
    2 GORSSE, DE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MALEISSYE, MARQUIS DE
    2 MILLERET, LOUIS
    2 MORLOT, FRANCOIS-NICOLAS
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SIBOUR, MARIE-DOMINIQUE
    2 VERMOT, ALEXANDRE
    2 VERON, PAUL
    3 AUTEUIL
    3 CLICHY-LA-GARENNE
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Montpellier, le 27 août 1860.
  • 27 aug 1860
  • Montpellier
La lettre

Ma chère fille,

Mille remerciements des détails que vous me donnez sur votre conversation avec M. V[éron](1). Il me semble qu’il vaut mieux apaiser la chose. M. V[éron] ne peut qu’être satisfait de notre confiance, et il doit voir où nous allons et par quels moyens un peu plus soumis, ce me semble, que ceux qui veulent emporter de haute lutte(2). Il faut un peu de patience. Quant à la question de la chapelle, il ne peut être question que d’un oratoire privé, comme je vous l’ai dit. Il ne faut faire en tout cas valoir que la permission donnée par l’archevêché et le droit de réserve accordé par le Pape. Le bon P. Picard, en sortant de cette limite, se mettrait dans une fausse situation. Mais si je ne suis pas trop habile pour les discussions diplomatiques, je m’aperçois qu’il l’est moins encore, par la raison que quand il a une idée, il lui est impossible de voir rien à droite ou à gauche qui puisse la lui faire modifier. Je ne sais comment l’aider à se corriger de cet inconvénient.

Vous pourriez au besoin rappeler à M. Véron que nous avons eu pendant trois ans maison, chapelle et réserve, dans le faubourg Saint-Honoré, et qu’il s’agit de s’établir dans le même faubourg. A cette époque M. Sibour avait promis toute sorte d’encouragements. C’est peu de M. Sibour à M. d’Alzon; c’est beaucoup de l’archevêque de Paris à une Congrégation naissante et qui arrive dans la ville archiépiscopale par l’effet de la bienveillance de l’archevêque. C’est le côté qu’il faut au besoin présenter.

M. de Gorsse réclame les 3.000 francs de Chauvély(3) dus par le P. Laurent. Je réponds que depuis deux mois ils sont, par mon conseil, placés entre vos mains indéfiniment. Il est bon que vous connaissiez ma réponse dans l’hypothèse où l’on s’adresserait à vous. Chauvély veut me les laisser pour bonnes oeuvres.

Après une explication assez maladroite de l’abbé de Cabrières, M. Barnouin a dû donner une démission furibonde(4). Je l’ai adouci et engagé à donner son avis de départ en termes plus modérés. Il partira, nous serons les meilleurs amis du monde. Il ne se doute pas que je sais tous ses jugements sur mon compte.

Vos Soeurs sont bien, Soeur M.-Aug[ustine] toujours la même. J’ai cru pourtant apercevoir une apparence de progrès. A Nîmes, on me trouve beaucoup de croix. Dirai-je que je suis assez stupide pour ne pas les voir, et pour en désirer qui enfin me feront sortir de l’adoration de mon individu que vous avez la bonté de me reprocher?

Tout vôtre en N.-S.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Mille souvenirs à vos filles que j'aime, il me semble, encore plus depuis que je leur ai donné un peu de ma vie(5).1. Dès le lendemain du départ du P. d'Alzon de Paris, Mère M.-Eugénie lui a appris le résultat de sa visite à M. Véron. De la conversation qu'elle a eue avec lui, il ressort que la vente de Clichy a été vivement attaquée au Conseil archiépiscopal, qu'on y a oublié les autorisations données pour la maison d'Auteuil et enfin que rien n'y a été décidé. L'avis de M. Véron est que le mieux est de laisser la chose dans le vague, de rester un temps à Clichy, "puis de faire demander un jour directement au cardinal par un curé de Paris que vous vous établissiez dans sa paroisse". C'est aussi l'avis de Mère M.-Eugénie qui ajoute: "Ce qui déplaît le plus au cardinal en vous et les vôtres, c'est votre *camail*". En ce qui regarde Clichy, le mécontentement de l'archevêché provenait surtout de faux bruits qui tendaient à accréditer l'idée qu'en décidant de vendre Clichy les Assomptionnistes avaient préféré une bonne affaire à une bonne oeuvre, et qu'ils n'avaient pas tenu les engagements pris envers les pères de famille. Une démarche à l'archevêché de MM. de Maleyssie et de Brou mit les choses au point (Mère M.-Eugénie, 2 septembre, et P. Picard, 3 septembre). Petit à petit les préventions contre les Assomptionnistes disparurent, et le 23 octobre le P. Picard annonçait à son supérieur que "le cardinal ne voyait aucun inconvénient à ce que nous nous transportions à Paris".
2. Mère M.-Eugénie avait fait valoir finalement auprès de M. Véron la déférence dont faisait preuve le P. d'Alzon: "Il est entré à merveille dans la blessure que vous éprouviez de voir tout laisser faire à d'autres qui ne demandent pas l'avis de l'Archevêché et de vous voir maltraité pour trop de déférence."
3. Toute dévouée à l'abbé Vermot, fondateur de l'Institution de l'Assomption, Marie Chauvély, que tout le monde à Nîmes appelait Chauveilhe, avait reporté son affection sur le P. d'Alzon et donnait à ses oeuvres "tout ce qu'elle avait de ressources et de force". Elle mourut en 1862, et l'abbé de Cabrières lui consacra une notice pleine de tendresse dans les *Annales Catholiques de Nîmes* (septembre 1862, pp. 443-448).
4. L'abbé Barnouin était l'économe du collège de l'Assomption. Sa gestion avait sans doute été critiquée par la Commission. Le 8 septembre, Mgr Plantier écrira au P. d'Alzon: "Je traiterai d'autant mieux l'abbé Barnouin que la Commission ne me paraît pas avoir été très juste à son égard".
5. Nous voyons ici une allusion à la retraite que, pendant son séjour à Paris, le P. d'Alzon prêcha aux Religieuses d'Auteuil, du 17 au 23 août. "Malgré sa sainte résolution, écrit le P. Picard le 19 août, le P. d'Alzon prêche aux Soeurs deux fois par jour".
Le texte de cette retraite nous a été conservé grâce à une sténographie de Soeur M.-Antoinette d'Altenheim. La copie que conserve les A.C.R. porte la date du 17 au 25 août, mais les instructions sont réparties sur sept jours. La retraite s'est donc bien terminée le 23, jour où le P. d'Alzon quitta Paris. Sur cette retraite, voir *Un maître spirituel*, pp. 99-100.