DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.282

29 aug 1860 Lavagnac ALZON_MADAME

Il va partir pour Lamalou. – Le bouquet de fleurs du jardinier. – Le rapport des récoltes. – Améliorations à apporter à l’exploitation. – Varia.

Informations générales
  • DR03_282
  • 1434
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.282
  • Orig.ms. ACR, AN 141; D'A., T.D. 39, n. 95, pp. 47-49.
Informations détaillées
  • 1 AGRICULTURE
    1 SOUVENIRS
    1 VIE DE FAMILLE
    2 ALZON, AUGUSTINE D'
    2 DUBY, GEORGES
    2 POUJOL, ALEXANDRE
    2 RODIER, CLEMENT
    2 RODIER, JEAN-ANTOINE
    2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
    2 VIDAL
    2 WALLON, ARMAND
    3 CLERMONT-L'HERAULT
    3 LAMALOU-LES-BAINS
    3 MEZE
    3 MONTPELLIER
  • A Madame d'Alzon, sa mère
  • ALZON_MADAME
  • Lavagnac, 29 août 1860.
  • 29 aug 1860
  • Lavagnac
La lettre

Chère petite mère,

Je suis arrivé à très bon port, et comme je n’ai plus grand-chose à faire ici, je pars demain matin pour Lamalou. En entrant à la chapelle, ce matin, j’ai vu un très joli bouquet de fleurs blanches; j’ai demandé ce que c’était, on m’a répondu qu’il avait été mis là par le jardinier, la veille de la Saint-Augustin(1).

La récolte du blé, seigle, avoine rapportera 9.434 francs net, les frais d’exploitation ont prélevé 10.334 francs, la dépiquaison seule aura coûté 2.234 francs, sans compter ce que dépensent les ègues(2) dans le courant de l’année et ce qu’elles gâtent dans le bois et les luzernes, plus l’homme chargé de les entretenir. On s’est servi, chez les principaux propriétaires de Mèze, d’une machine qui diminuerait les frais de moitié. Si vous voulez vous en faire une idée: la dépiquaison avec les ègues a coûté 2 fr. 25 par hectolitre; avec la machine cela ne reviendrait pas à 15 sous par hectolitre. La différence me semble assez belle; c’est du 45 à 15, ou du 3 à 1, autrement dit le tiers.

Poujol et le ramonet insistent pour qu’on n’achète pas de la semence de roussillon(3); ils trouvent que celui qu’on a récolté ici est assez beau. Ils me l’ont montré. Autant que je puis y connaître quelque chose, je le trouve superbe et sans graine. Il faudra acheter de la touselle(?). J’ai à revenir sur une observation. Les 44 séteries(4) de la Conseillère vous donneront en vin, cette année, plus que les 160 séteries qu’on a semées en blé, avoine et seigle.

Le vin se vendra bien 100 francs(5). [Les] 120 muids que vous donnera cette vigne feront 12.000 francs. La culture et la vendange coûteront au plus 1.800 francs, qui, ôtés des 12.000, laissent 10.200 francs. Les 160 séteries de blé, avoine, etc. vous donnent un revenu net de 9.434 francs. J’entre dans ces détails, pour que vous obteniez de mon père :

1° qu’il consente à se défaire des ègues, qui lui dépensent au moins 2.000 francs inutilement;

2° qu’il se donne une machine avec le produit de la vente du haras. La première année, il aura une économie assez grande; les autres, elle sera superbe. Vidal, de Mèze, se charge de faire la dite machine et de la garantir;

3° qu’il laisse planter des vignes, puisqu’avec les lois et dispositions actuelles on est résolu à maintenir le prix du blé très bas.

Inutile de dire que des moutons peuvent manger ce que mangent les ègues et donner d’aussi bon fumier. Je ne sais pourquoi je vous envoie ces réflexions, qui sont plutôt pour mon père. Il est évident que j’écris pour les deux.

Je n’ai pu voir M. Rodier(6); il me laissa un mot pour me dire qu’il était obligé de se rendre à Clermont. Je pars demain. Alexandre sera à Montpellier vendredi soir ou samedi matin.

Adieu, petite mère. Je vous embrasse bien tendrement, ainsi que bon père. Votre fils de cinquante ans(7).

Emmanuel.
Notes et post-scriptum
1. A la mémoire de sa soeur Augustine. Ce geste a visiblement touché le P. d'Alzon.
2. Les ègues sont les chevaux employés pour la dépiquaison, c'est-à-dire le foulage du blé, procédé de battage archaïque encore utilisé dans l'exploitation de M. d'Alzon, alors que la machine à battre a déjà fait son apparition dans certaines exploitations voisines (DUBY-WALLON, *Histoire de la France rurale*, III, pp. 206-207, Paris, 1976).
3. Le ramonet est [un ouvrier agricole], et le roussillon une variété de blé. [La touselle est un froment précoce dont l'épi est sans barbe.] - (correction et ajout du 18 mars 2001).
4. L'espace de terrain qu'on peut ensemencer avec un setier de blé.
5. 100 francs le muid, c'est-à-dire les 7 hectolitres.
6.Louise-Joséphine d'Alzon, tante du P. d'Alzon, avait épousé Louis-Antoine Rodier. Leur fils Clément fut un compagnon d'enfance et de jeunesse d'Emmanuel d'Alzon. Nous ignorons de quel Rodier il s'agit ici.
7. Le lendemain était en effet le 50e anniversaire de la naissance du P. d'Alzon. Cette lettre est la dernière qu'il écrivit à sa mère.