- DR03_325
- 1477
- DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.325
- Orig.ms. ACR, AD 1260; D'A., T.D. 22, n. 640, pp. 287-288.
- 1 AMITIE
1 REPOS
1 SENTIMENTS
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 VIE DE FAMILLE
1 VIE DE SACRIFICE
2 ALZON, MADAME HENRI D'
2 COMBIE, MARIE-CATHERINE
2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
3 NIMES
3 PARIS - A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- Nîmes, le 18 octobre 1860.
- 18 oct 1860
- Nîmes
- Evêché de Nîmes
Ma chère fille,
Merci de votre bonne lettre. Laissez-moi vous dire tout simplement où j’en suis. Les douleurs où je voyais ma mère me faisaient désirer qu’elles eussent un terme. Depuis je m’entretiens avec elle, je sais qu’elle m’entend, et, privé comme je l’étais si habituellement de sa présence, la mort semble me l’avoir au moins rapprochée de moitié. Peut-être j’aime plus la solitude, ce qui m’était déjà venu à la mort de ma soeur et ce qui augmente un peu tous les jours. C’est de l’égoïsme, mais je vous dis ce qui est. Je suis bien avec des âmes que la foi me montre dans un monde meilleur ou prêtes à y entrer. Je n’ai jamais mieux compris le bonheur d’être prêtre et religieux par les prières qu’on veut bien donner à ces pauvres et chères âmes, et puis l’honneur de souffrir dans ma famille au moment où la grande famille chrétienne souffre tant, c’est bien quelque chose quand l’amour de l’Eglise n’est pas un vain mot. La personne avec qui je me console le mieux de la mort de ma mère, c’est avec elle. Si vous saviez ce que j’ai éprouvé quand, après vous avoir écrit et à quelques autres personnes, je rentrai dans sa chambre pour lui demander pardon de toutes les douleurs que je lui avais causées et que j’allai baiser cette main qui m’avait tant soigné! Il y avait de l’amertume, sans doute, mais enfin nous ne sommes pas comme ceux qui manquent d’espérance.
Sa dernière parole pour moi a été: « Il faut savoir faire tous les sacrifices ». Pourquoi voulez-vous que ce testament ne me soit pas aussi précieux que tous les autres? Personne, après elle, ne me consolera mieux que vous, ma fille, mais dans ces dispositions que je vous montre ai-je bien besoin d’être consolé? Je suis forcé d’aller passer q[uel]q[ues] jours à Lavagnac pour régler q[uel]-q[ues] affaires de famille, puis j’ai deux retraites à prêcher, dont la première commencera vers le 14 novembre. Le P. Hippolyte m’a fait hier deux sermons sur la nécessité de ma présence à Nîmes. Je crois que le meilleur est que j’en reste à mon plan d’aller à Paris vers le 15 janvier(1).
Soeur M.-Catherine m’avait écrit, il y a quelques jours, une lettre de découragement, mais depuis, à l’occasion de la mort de ma mère, elle m’a écrit encore et semblait remontée.
Adieu, bien chère fille. Vous voyez comme je vous montre le fond de mon coeur.
E.D'ALZON.