DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.332

24 oct 1860 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Les décisions de l’archevêque. – Il n’a pas de fonds disponibles pour les Pères de Clichy, et s’il en avait il préférerait les réserver au collège de Nîmes ou à autre chose. – Le P. Gratry.

Informations générales
  • DR03_332
  • 1483
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.332
  • Orig.ms. ACR, AD 1261; D'A., T.D. 22, n. 641, pp. 288-289.
Informations détaillées
  • 1 BIENS DES D'ALZON
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 HERITAGES
    1 JURIDICTION EPISCOPALE
    1 PRATIQUE DE LA PAUVRETE
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 RESIDENCES
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BUQUET, LOUIS-CHARLES
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 MORLOT, FRANCOIS-NICOLAS
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 VERON, PAUL
    3 CLICHY-LA-GARENNE
    3 NIMES
    3 PARIS
  • A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 24 octobre [18]60.
  • 24 oct 1860
  • Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Vous êtes bien bonne d’avoir si vite pris la plume pour m’apprendre le résultat des décisions de l’archevêque(1). Dois-je attendre pour écrire à M. Buquet? Vous remercierez M. Véron, de ma part. Je ne lui écris pas pour ne pas avoir l’air trop empressé, et c’est pour cela aussi que je crois bien faire de ne pas écrire à M. Buquet, non plus(2).

Quant aux fonds disponibles, je n’en ai pas et je vous avoue qu’il me semble qu’avec 300.000 francs que nos Pères de Clichy auront un jour, et sous peu probablement, je dois réserver mes fonds pour le collège de Nîmes. C’est surtout l’avis du P. Hippolyte qui a poussé des cris d’aigle, en entendant lire le passage de votre lettre où vous en demandez. Je vous avouerai: 1° que, de quelque temps, je n’en aurai pas; 2° que quand j’en aurais, je préférerais vous les confier pour autre chose, afin d’apprendre à ces braves gens la pratique de la pauvreté. Mais ma soeur à qui j’avais proposé de garder le plus de terres possible et de me laisser l’argent, préfère une autre combinaison. Il est possible pourtant que j’aie une créance de 90.000 francs, mais, je vous le répète, je préfère de beaucoup les voir se tirer d’affaire comme ils le pourront; sans quoi ils compteront toujours sur nous pour aller commodément et sans gêne. Je préférerais plutôt, supposé qu’il ne fallût pas mettre tout au collège, vous offrir quelques avances pour votre prieuré de Nîmes, tant je redoute le laisser-aller de notre peuple parisien(3).

Je vous remercie de ce que vous me dites du P. Gratry(4). Je garderai ma langue très absolument et je me contenterai de dire un mot de sa future sortie à l’évêque. C’est le moyen de le prendre. Le pauvre abbé de C[abrières] est tout dégoûté de lui, je le laisse faire.

Tout vôtre. Faites prier pour ma mère.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. La lettre à laquelle répond le P. d'Alzon est perdue. Nous savons par une lettre du P. Picard que le P. d'Alzon vient de recevoir, qu'elle avait été écrite le 22. Mère M.-Eugénie y racontait au P. d'Alzon une conversation qu'elle avait eue avec M. Véron, et d'où il ressortait que le moment était venu d'entreprendre une démarche à l'archevêché. Mère M.-Eugénie et le P. Picard se rendirent le lendemain chez M. Buquet, vicaire général, qui "sans imposer aucune condition ni restriction nous a annoncé que le cardinal ne voyait aucun inconvénient à ce que nous nous transportions dans Paris" (Picard, 23 octobre). L'archevêché ne fait donc plus d'objection à ce que les Assomptionnistes ouvrent une résidence à Paris quand ils auront fait le choix d'un emplacement, mais il n'a pas encore donné son accord à un établissement provisoire à Auteuil.
2. Il ne s'agit pas d'écrire à ces Messieurs, répond Mère M.-Eugénie, il faut que vous les voyiez *vous-même*: "Je serais désolée que vous écrivissiez à aucun de ces Messieurs, je voudrais, pour *vous-même*, que vous les vissiez et que vous prissiez une décision pour votre maison de résidence ici, c'est-à-dire, choisir la maison, l'établir de suite, y faire commencer les oeuvres qu'on y devra faire, fixer la position et les occupations des vôtres. On dit que vous ne savez ce que vous voulez, que vous demandez une maison, que vous ne savez qu'y faire, que vous ne l'aurez pas, que ce ne sont que des oeuvres d'imagination, etc... Cependant M. Véron a parlé pour vous et M. Buquet a accordé l'autorisation *la plus complète* sans rien demander ni sur nous, ni sur noviciat ou maison-mère. On vous permet donc *tout*, mais d'ici au mois de janvier on se retournerait si cela n'allait pas. Nos amis nouveaux, car à l'archevêché nous n'en avions pas, sont hésitants, nos ennemis sont prêts à recommencer leurs attaques. L'archevêque est en ce moment très bien disposé, cela peut ne point durer si on n'en profite. Quant à l'établissement, si vous nous donniez quelques jours sous peu, nous préparerions d'ici-là une liste de maisons à louer, vous décideriez, mais ne tardez pas à cause de plusieurs personnes qui chercheront à se mettre au travers." (lettre du 25 octobre). On ne peut être plus convaincant...
3. Mère M.-Eugénie avait suggéré au P. d'Alzon de venir en aide financièrement aux religieux de Paris qui allaient devoir quitter Clichy, louer une maison et l'aménager, acquérir une résidence définitive. Et peut-être avait-elle discrètement fait allusion à l'héritage qui venait de lui échoir par le décès de sa mère. Cet héritage, il faut bien le dire, est déjà dans tous les esprits. Dès le 18 octobre, le P. Galabert écrit au P. Picard: "Le P. Hippolyte et moi poussons le P. d'Alzon afin qu'il n'entame sous aucun prétexte le capital de l'héritage qu'il vient d'avoir par la mort de sa mère. Nous lui disons de consacrer les ressources aux bonnes oeuvres et de soutenir notre collège de Nîmes, mais de ne toucher au capital sous aucun prétexte."
Le 21, Vincent de Paul Bailly, qui a reçu l'habit religieux le matin même, explique à son père: "Mme d'Alzon laisse une grosse fortune à ses deux enfants, seize cent mille francs, et le P. d'Alzon parle déjà de racheter la maison de Nîmes qui appartient pour le moment aux notables de la ville, comme vous savez; dans tous les cas il est probable que d'ici quelque temps les embarras pécuniaires de la communauté vont cesser et puis ils reviendront, et ce n'est pas un mal."
Le P. d'Alzon lui-même a évoqué la question devant ses religieux au chapitre de la communauté du vendredi 26 octobre. C'est encore Vincent de Paul Bailly qui nous l'apprend: "Dans le chapitre de vendredi... M. d'Alzon... nous a dit qu'il allait recueillir un accroissement de fortune et que nous devions bien penser, connaissant son affection pour nous, que c'était pour la mettre en commun avec nous. Nous, nous tâcherons maintenant en devenant plus riches de ne pas cesser de demeurer pauvres, et c'est une grâce, je l'espère, que le bon Dieu nous accordera." (à son frère Benjamin, le 29 octobre). Citons enfin ces mots du P. Galabert au P. Picard qui vient d'être nommé supérieur de la communauté de Paris: "Nous avons tous un grave écueil à éviter; celui d'user de la fortune du P. d'Alzon, pour éviter les pratiques de la pauvreté religieuse. Je sais que votre désir est de l'observer et de la faire observer avec une grande et rigoureuse exactitude. Vous ferez bien, c'est votre devoir." (lettre du 21 novembre).
4. Le P. Gratry quittait l'Oratoire.