DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.348

11 nov 1860 Lavagnac LA_PRADE Mme

Crues de l’Hérault. – Que fait-elle pour l’éternité? – Elle doit avoir le coeur plein de saints désirs, persévérer dans ses bonnes dispositions et se sanctifier effectivement un peu plus chaque jour.

Informations générales
  • DR03_348
  • 1501
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.348
  • Orig.ms. ACR, AM 215; D'A., T.D. 37, n. 1, pp. 194-195.
Informations détaillées
  • 1 BIEN SUPREME
    1 INTEMPERIES
    1 PERSEVERANCE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 SAINTS DESIRS
  • A Madame de la Prade
  • LA_PRADE Mme
  • [Lavagnac, le 11 novembre 1860].
  • 11 nov 1860
  • Lavagnac
La lettre

Non, Madame(1), nous n’avons pas été encore noyés. Mais à la pluie qui tombe en ce moment, il est bien possible, pour peu qu’elle dure, que nous le soyons sous peu. Depuis hier soir, nous n’avons pas cessé d’avoir des cataractes. Je vois l’Hérault grossir, quoiqu’il ne soit pas encore dans la plaine. Ce sont les visites de ce désagréable voisin, qui seules me font vous pardonner d’avoir quitté ses bords, quand j’y devenais propriétaire.

Vous voilà installée chez Mme votre mère, et j’espère que vous êtes un peu remise des premières émotions de l’arrivée. C’est pour cela que je me permets de venir vous parler un peu sérieusement et vous rappeler que les joies les plus légitimes sont mortes, qu’il faut donc penser à Dieu et songer à ce qui est éternel. Que faites-vous jusqu’au 15 décembre pour l’éternité? Vous ne vous contentez pas de chanter tout l’été, il vous faut chanter l’automne et même l’hiver. C’est plus que la cigale. Quelles sont vos provisions? Qu’avez- vous mis de côté pour votre âme? Que comptez-vous y mettre, d’ici à quelque temps? Votre âme, votre âme! Ah! ma fille, que nous sommes fous de penser à autre chose, quand nous ne pensons pas à Dieu et à son Eglise! C’est un grand malheur de notre condition que les plus magnifiques dispositions de l’âme se traduisent par de si minces résultats pratiques, mais tout de même c’est toujours une bonne chose de désirer toujours. Il est impossible qu’il n’en reste pas quelque chose. Ainsi, je vous engage à désirer beaucoup, surtout à la communion. Il vous faut désirer d’être douce, humble, patiente, pauvre, méprisée, mortifiée, pénitente, charitable, femme d’oraison, pénétrée de la présence de Dieu, obéissante, zélée pour les intérêts de l’Eglise, unie par le fond de votre être à toutes les intentions de Notre-Seigneur.

Si votre moral va mieux que depuis longtemps, serait-ce que vous avez besoin d’une main un peu plus ferme? Notre-Seigneur vous a traitée en enfant gâtée, en vous faisant trouver du bonheur à ses pieds et en sa présence. Il est bien possible que cela ne dure pas longtemps. Vous n’en persévérerez pas moins dans vos bonnes dispositions, et ce sera le vrai moment de votre progrès. Ne vous inquiétez pas de l’hiver. A chaque jour suffit son mal. L’important est que vous puissiez vous sanctifier chaque jour un peu plus, et vous le pouvez en ce moment.

Je pars demain pour Nîmes, si la pluie ne m’en empêche pas.

Adieu, ma bien chère fille. A revoir dans cinq ou six semaines.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
*Lavagnac, 11 nov. 1860*.1. Mme de la Prade était née Guiraud.