DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.401

26 jan 1861 Nîmes BARNABO Cardinal

Il expose le plan d’éducation qu’il a conçu pour 7 ou 8 jeunes maronites qui désireraient être prêtres et qu’il se propose d’élever à ses frais. – Il demande quelles branches de la science ecclésiastique la Propagande souhaiterait qu’ils étudient plus particulièrement et quel rite commun elle désirerait leur voir adopter si, quand ils retourneront chez eux, ils y forment une petite communauté. – Il est entièrement disposé à accueillir les demandes de renseignements, les conseils et les défenses qui lui viendraient de la Propagande.

Informations générales
  • DR03_401
  • 1553
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.401
  • Cop.ms. ACR, AP 3; D'A., T.D. 40, n. 1, pp. 109-110.
Informations détaillées
  • 1 CLERGE ORIENTAL
    1 CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 LITURGIES ORIENTALES
    1 RITE GREC
    1 RITE SYRIEN
    2 ABDOU, JOSEPH
    2 ABDOU, PHILIPPE
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 VAILHE, SIMEON
    3 DAMAS
    3 MARSEILLE
    3 NIMES
    3 SYRIE
  • Au cardinal Barnabo, préfet de la Propagande
  • BARNABO Cardinal
  • Nîmes, le 26 janvier 1861.
  • 26 jan 1861
  • Nîmes
La lettre

Eminence,

Parmi les malheurs qui viennent de frapper les catholiques de Syrie, un des plus grands, ce me semble, c’est le danger où ils sont que leur pauvreté ne les expose, dans quelques années, à être privés des secours religieux. J’ai cru bien faire, en profitant de ce que la mort de ma mère a laissé une certaine somme à ma disposition, pour appeler dans une maison d’éducation que je dirige 7 à 8 jeunes Maronites ou Grecs de Damas. La Providence m’a déjà bien servi, car, ayant prié la supérieure des Soeurs de Charité de notre ville d’écrire à Beyrouth pour faire venir 6 jeunes Maronites, le curé de l’église grecque qui était à Marseille l’a su et m’a prié de me charger de son frère, jeune homme de dix-huit ans qui a pu échapper aux massacres de Damas et qui voudrait se consacrer à l’état ecclésiastique. J’ai été d’autant plus aise de le recevoir que j’ai là un interprète pour les jeunes Maronites qui vont m’arriver: le jeune Joseph Abdou(1) a passé huit mois au collège des Jésuites du mont Liban et sait un peu de français.

J’ai demandé des jeunes gens de quatorze à quinze ans qui voulussent être prêtres. Je leur ferai donner les principes du latin et je leur ferai suivre un cours de philosophie et de théologie, de façon à ce qu’ils puissent être ordonnés prêtres vers 24 ou 25 ans. Si mon projet est béni de Dieu, je les renverrai dans leur pays, dans une dizaine d’années. Ils auront conservé la science de la langue maternelle, chose qui me paraît très importante; ils pourront former une communauté, à l’aide de laquelle ils se soutiendront dans la prière et conserveront, à leur retour dans leur pays, le zèle que nous aurons cherché à leur inspirer.

Je me permettrai de faire quelques questions à Votre Eminence. Il paraît que je recevrai des jeunes gens appartenant à plusieurs rites. Tant qu’ils seront chez moi, ils suivront le romain; mais si, comme je l’espère, ils retournent chez eux et forment une petite communauté, quel rite commun la Propagande préfère-t-elle voir adopter? Quelles sont les branches de la science ecclésiastique que l’on désire leur faire étudier plus particulièrement?

Je me propose d’élever à mes frais, et avec l’aide de quelques pieux amis, sept à huit jeunes gens, mais la Propagande approuverait-elle que je fisse des démarches auprès du conseil de la Propagation de la foi, pour obtenir des ressources pour élever un plus grand nombre de Syriens catholiques? Je ne fais cette question qu’en hésitant, car, pour ma part, je ne me sens point attiré à faire plus que ce que je viens d’avoir l’honneur d’exposer à Votre Eminence.

Enfin, si la Propagande a quelques conseils à nous donner, quelques renseignements à nous demander, quelques défenses à nous faire, nous sommes entièrement disposés à nous conformer à la direction qu’il lui plaira de nous donner, avec l’obéissance la plus respectueuse et la plus empressée(2).

Nous serions bien heureux si Votre Eminence voulait bien encourager nos efforts, en nous obtenant du Saint-Père une bénédiction apostolique.

Je suis avec le plus profond respect, de Votre Eminence, le très humble et obéissant serviteur.

Notes et post-scriptum
1. Joseph Abdou, de Damas, réfugié près de son frère, curé de la paroisse grecque de Marseille, avait été accueilli au collège de Nîmes. D'après une lettre du P. Galabert (à Picard, 19 février), il dut recevoir l'habit assomptionniste le 20 février, mais si son nom figure bien dans le registre des vêtures (C 41), l'acte de la prise d'habit n'y a pas été transcrit.
2. Les problèmes que peut poser la formation sacerdotale dans un cadre romain de jeunes gens de rites différents incitent le P. d'Alzon à demander des lumières au cardinal Barnabo, préfet de la Propagande, et à lui adresser cette lettre qui témoigne, selon l'expression du P. Vailhé, à la fois d'une charité bien entendue et d'une intelligence bien rare alors des questions orientales (*Vie*, II, p. 327). La réponse de la Propagande ne parvint pas à destination, mais au mois de mai suivant, lors d'un voyage à Rome, le P. d'Alzon eut l'occasion de s'entretenir directement avec le cardinal Barnabo auquel, à sa demande, il remit un mémoire résumant et complétant sa lettre (*Lettre* 1611).