- DR03_415
- 1567
- DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.415
- Orig.ms. ACR, AD 1285; D'A., T.D. 23, n. 665, pp. 13-14.
- 1 GOUVERNEMENT DE LA CONGREGATION DES ASSOMPTIONNISTES
1 VOCATION RELIGIEUSE
2 ASTORG, JEANNE D'
2 ASTORG, MADAME D'
2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
2 CHAUVAT, MARIE-GENEVIEVE
2 PICARD, FRANCOIS
2 SEGUR, GASTON DE
3 LAVAGNAC
3 NIMES - A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- [Nîmes], 10 fév[rier 18]61.
- 10 feb 1861
- Nîmes
Ma bien chère fille,
J’allais vous écrire au moment où votre lettre m’est arrivée(1). Je conviens avec une certaine joie que je suis plein de défauts et que je prends mal les observations qu’on veut bien me faire. Mais ce n’est pas précisément le point en question. Il s’agit de savoir si au fond je suis en sûreté de conscience dans la manière dont je gouverne ma pauvre petite famille de religieux. Sur ce point je crois que, sauf les imperfections dont je suis plein, je suis parfaitement tranquille; non pas qu’un autre ne fît mille fois mieux que moi, mais tel que je suis, il m’est impossible d’aller autrement. Que l’on me dise: retirez-vous, je suis prêt; sinon, je ne puis agir qu’avec mes coudées un peu franches. J’admets donc les observations secondaires, mais devant les observations essentielles je n’admets que la retraite pour moi, et je suis prêt à céder la place immédiatement.
Vous avez deviné juste: il s’agit de Jehanne(2), mais il ne vous est permis d’en parler qu’au P. Picard. Soeur M.-Aug[ustine] ignore tout. Je le crois essentiel. J’ai vu cette enfant tous les huit jours, assez longtemps, hors du confessionnal; nous avons parlé très catégoriquement, la chose s’est faite peu à peu au milieu des bols et de certains sucres. Elle est plus que jamais résolue à se donner à Dieu. Ce n’est que ce soir que la chose s’est décidée irrévocablement. J’ai vu rarement plus de loyauté, d’ouverture, d’esprit de foi, de sentiment de respect pour l’amour de Dieu envers elle, quand il veut bien l’appeler. Jehanne se donne, parce qu’elle aime Notre-Seigneur et que l’amour de Notre-Seigneur lui donne le besoin du sacrifice. Elle se donne aussi, parce qu’elle veut être vierge.
Il est convenu qu’elle gardera le plus profond secret, qu’elle préparera sa mère de loin, mais quant à l’époque, elle prendra vos conseils. Je l’ai engagée à ne rien dire encore. Sa mère la gronde tout le jour de ce qu’elle n’aime pas le monde, de ce qu’elle prend la tournure du couvent, car il paraît qu’elle soupçonne quelque chose, et il est heureux que Soeur M.-Aug[ustine] ne sache rien, car hier Mme d’Astorg est allée lui porter ses plaintes sur l’horreur croissante de sa fille pour la toilette, le désir de s’établir et le monde. Elle m’a prévenu qu’on l’accusait d’être enthousiaste, vous la connaissez mieux que moi sur ce point.
En voilà un peu long pour aujourd’hui. Mgr de Ségur arrive demain. Cela m’ennuie. Je comptais aller me reposer q[uel]q[ues] jours, je ne le pourrai pas ou du moins [qu’]en courant. Je serai le mardi gras(3) à Lavagnac. Je ne demande pas mieux que l’on fasse un marché de suite pour bâtir, mais il faudrait un plan et j’avais cru arranger tout cela au mois de mai.
Adieu, ma fille, et tout vôtre malgré vos rudesses.
E.D'ALZON.2. Mère Marie-Eugénie avait identifié la vocation dont le P. d'Alzon lui avait parlé à la fin de sa lettre du 5 février.
3. Le 12 février.
4. C'est-à-dire jusqu'au 16 février.