Inédit. Voir aussi : CD B00533

19 apr 1861 [Nîmes, DELANGLE Claude
Informations générales
  • Inédit. Voir aussi : CD B00533
  • 1594 a
  • Inédit. Voir aussi : CD B00533
  • Brouillon autographe ACR, AU 120.
Informations détaillées
  • 1 ABSOLUTISME
    1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
    1 APOSTOLAT
    1 CLERGE FRANCAIS
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 CRAINTE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 ENGAGEMENT POLITIQUE
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 EVEQUE
    1 EXPULSION
    1 FONCTIONNAIRES
    1 HERESIE
    1 LOI ECCLESIASTIQUE
    1 MISSIONS ETRANGERES
    1 PAPE
    1 PERSECUTIONS
    1 POUVOIR
    1 PRIERE POUR L'EGLISE
    1 PRISONNIER
    1 PUNITIONS
    1 REVOLUTION
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 RUSE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 VENERATION DE RELIQUES
    1 VIE DE JESUS-CHRIST
  • A MONSIEUR DELANGE, MINISTRE DE LA JUSTICE
  • DELANGLE Claude
  • avant le 19 avril 1861].
  • 19 apr 1861
  • [Nîmes,
La lettre

Monsieur le ministre,

Votre récente circul[aire] aux Proc[ureurs] gén[éraux] de l’Empire suscite les plus douloureuses réflexions, nous sommes venus en présenter quelques-unes.

Vous affirmez que certains prêtres, exploitant la faiblesse d’esprit et la crédulité se plaisent à troubler les consciences par l’annonce de malheurs imaginaires. Il y a quelque chose de plus grave que l’imprudence possible de certains prêtres, c’est la situation présente, et ce n’est pas eux qui l’ont faite.

Le clergé français est-il donc seul à parler des dangers que court l’Eglise? Pourtant l’accord des évêques du monde catholique(2) n’est-il pas unanime sur ce point? Si ces malheurs sont imaginaires, comme vous le dites, pourquoi cette unanimité? Et s’ils ne le sont pas, pourquoi nous faire un crime(3) de partager les alarmes universelles?

Mais à quoi se réduit l’annonce de ces malheurs(4)? A de mander des prières. Prétendez-vous vous placer entre ce cri de l’âme et Dieu? Supprimerez-vous tous les mandements qui les ordonnent depuis si longtemps? Comme si en disant que notre Père(5) est dans l’angoisse, nous semblions accuser quelqu’un.

Votre légalité a ses limites: les frontières françaises, et le jour où par votre inquisition vous aurez étouffé l’élan de nos coeurs, les supplications(6) de nos frères plus libres que nous s’élèveront du monde entier comme une accusation d’autant plus terrible que vous aurez voulu voir dans notre prière un acte plus grand d’hostilité.

Vous rappelez à MM. les proc[ureurs] Gén[éraux] que les prê- tres peuvent, en certaines circonstances, être punis de la prison et du bannissement. Avant le calvaire, Il passa par la prison du prétoire et le troisième jour il ressuscita(7). Les martyrs(8) ont connu pendant de longs siècles les cachots avant le bûcher et l’amphithéâtre. Pourtant, ils ont vaincu; et, il y a 70 ans(9), les prêtres français furent eux aussi jetés en assez grand nombre en prison. Dix ans plus tard(10), un gouvernement plus équitable rouvrait les églises en faveur de ces mêmes prêtres, victimes naguère d’une persécution maudite. Et quant au bannissement, la plus légère teinture d’histoire(11) apprend qu’il a été un des plus grands moyens de la propagande catholique. Selon le précepte divin, chassés d’un pays, les prêtres fuient dans un autre. Seulement, en y pénétrant, ils ne sont pas tenus de dire du bien du gouvernement qui les expulse(12) et c’est en les expulsant que vous tarirez la source de l’influence française dans les missions étrangères(13).

Il est temps(14), ajoutez-vous, que la légalité reprenne son empire. Si les catholiques sont obligés par leur conscience à être soumis aux pouvoirs établis de Dieu, aux lois justes, la légalité a moins de titres à leurs respects, surtout quand elle n’est pour eux que la force prenant le masque du droit.

De quelle légalité s’agit-il en effet? Si c’est du mécanisme ordinaire des dispositions indispensables à l’existence de toute société, personne n’y est plus soumis que nous. Si vous entendez par là un système de vexations depuis longtemps connu, notre conscience le déclare nul de soi. Si enfin votre légalité attaque l’essence des lois de l’Eglise, que Dieu nous soit en aide et vous aurez eu, M[onsieur] le M[inistre], la gloire de renouveler l’ère des martyrs.

Ignorez-vous que jamais un prêtre ne monte à l’autel où reposent toujours quelques reliques des premières victimes de la persécution payenne, sans baiser la place où reposent ces restes précieux, comme pour fortifier [— ](15) ses lèvres et son coeur par ce contact sacré(16) et s’exciter à protester toujours contre les lois iniques; que pas un fidèle ne jette les yeux sur une croix – sans y trouver la preuve qu’avec certaine légalité on peut accomplir tout, même le Déicide.

Savez-vous, M[onsieur] le M[inistre], quel sera aux yeux de beaucoup le résultat de votre circulaire? Vous ne l’aviez peut-être pas prévu, il est bon de vous l’enseigner.

L’Eglise qui ne recule ni devant aucune prison, ni devant aucun bannissement, ni même devant aucun échafaud, attend pour proclamer définitivement ses dogmes qu’ils soient attaqués d’une certaine manière. De là ses décisions(17) contre les hérésies. Il y a aujourd’hui dans les principes de vos lois une foule d’erreurs sur lesquelles l’Eglise, pour un plus grand bien, jette comme un voile pacifique. Elle se contente d’enseigner le contraire de vos moyens, mais si vous prétendez lui en imposer, Elle saura reprendre ses foudres [et] lancer l’anathème. Vous recueillerez de sa sentence l’adhésion des incrédules et la malédiction du monde catholique. C’est quelque chose, même pour un gouvernement qui n’aurait pas la foi. Du reste nous le savions, loin de nous plaindre de la position qui nous est faite, on nous accusait depuis quelque temps déjà d’être les admirateurs trop obséquieux(18) du pouvoir. Le pouvoir nous repousse et nous lave par là-même du reproche de servilisme. Quelque temps encore nous serons livrés par vous aux imprécations révolutionnaires, nous serons emprisonnés, bannis. Mais, sachez-le, les hommes(19) qui si souvent montrent de la pitié pour les plus grands coupables qui reçoivent leur supplice, ont toujours eu de la sympathie pour les victimes et peu d’estime pour les bourreaux.

Notes et post-scriptum
2. Le texte portait d'abord: *sur ce point l'accord du monde entier*.
3. D'abord: *nous défendre*.
4. D'abord:*se réduisent ces avertissements*?
5. D'abord: *le St Père*.
6. D'abord: *la prière pathétique*.
7. D'abord: *il ressuscitait*.
8. D'abord: les martyrs *eux aussi*.
9. D'abord: *moins d'un siècle*.
10. D'abord: *après*.
11. Barré: *n'est-il pas vrai*?
12. D'abord: *de leurs persécuteurs*.
Une première version disait: ils ne sont pas tenus de publier du même coup les louanges du gouvernement qui les expulse et, plus leur ministère est fécond, plus le jugement [suivent quelques mots non déchiffrés].
13. Suit un texte raturé: Les missions étrangères ont été par le pa- triotisme(a) de nos apôtres(b) une des grandes causes de l'influ ence(c) française. Faites-y attention, s'ils se présentent comme bannis ou frères de bannis [-----](d), ils perdent le droit de louer le gouvernement qui les expulse.
a) D'abord: *l'ardeur*.
b) D'abord: *prêtres*.
c) Raturé: *de la*.
d) Quelques mots non déchiffrés.
14. Quelques mots raturés non déchiffrés.
15. Un mot non déchiffré.
16. Barré: *et y prendre la force*.
17. D'abord: *es anathèmes*.
18. D'abord: *d'être trop les serviteurs*.
19. D'abord: *l'humanité*.