DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.512

21 sep 1861 Nîmes QUINN Mgr

Il s’attendait un peu aux ennuis que lui cause le P. Cusse. – Ce qu’il en pense. – Dans quelque temps, il lui enverra le P. Brun avec une somme pour acheter un terrain où ils pourront se développer. – Il n’est pas question pour le P. Cusse de revenir en France pour y traiter de l’établissement de notre congrégation en Australie.

Informations générales
  • DR03_512
  • 1669
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.512
  • Cop.ms. ACR, AP 19; D'A., T.D. 40, n. 5, pp. 141-142.
Informations détaillées
  • 1 MISSION D'AUSTRALIE
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 BRUN, HENRI
    2 CANI, GIOVANNI
    2 CUSSE, RENE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 AUSTRALIE
    3 BRISBANE
    3 MARYBOROUGH
    3 NIMES
  • A Monseigneur Quinn, évêque de Brisbane
  • QUINN Mgr
  • [Nîmes], 21 sept[embre 18]61.
  • 21 sep 1861
  • Nîmes
La lettre

Monseigneur,

Permettez-moi de ne pas me contenter de vous offrir l’hommage de mes sentiments par nos religieux, mais de vous les présenter directement moi-même. Le P. Tissot m’a fait part des ennuis que vous causait le P. Cusse(1). Hélas! Monseigneur, je m’y attendais un peu et même, avant votre départ, j’avais eu l’honneur de vous en prévenir. Le P. Cusse est bon, mais maladif, entêté, absolu comme un mathématicien qui raisonne en partant d’une fausse donnée. Il ne peut accepter que je l’aie mis, pour trois ans, sous votre autorité. Cependant, je suis bien résolu à ne pas l’en tirer, tant que je n’aurai pu lui envoyer un supérieur capable de le faire marcher. Il prétend que vous voulez faire de lui un Oblat de Saint-Charles(2). Mais, outre que le cardinal Barnabo m’a assuré que la Propagande ne permettrait jamais rien de semblable, je compte trop sur votre loyauté pour craindre rien de votre part. Il dit que vous le laissez manquer de tout. Je n’en crois pas un mot, et, dans tous les cas, je suis résolu à ne lui envoyer d’argent que par votre intermédiaire. Malheureusement, je n’ai pu obtenir de lui qu’il me remît, avant son départ, la note de ses dettes, de façon que je suis obligé de donner sans cesse pour lui des sommes, sur lesquelles je ne comptais pas.

Si Dieu bénit mon projet et si j’ai votre approbation, dans quelque temps j’enverrai le P. Brun avec une somme d’argent pour acheter un terrain à une distance considérable de Brisbane, afin que vous puissiez les laisser se développer tout à leur aise. Mais ce ne sera que lorsque vous le jugerez à propos, et, jusqu’à cette époque, lui et le P. Tissot ne dépendront uniquement que de vous(3).

Je joins ici deux lettres décachetées, dont je vous prie de prendre connaissance avant de les remettre, afin que vous puissiez juger de toute ma loyauté(4).

Veuillez agréer, Monseigneur, mes hommages les plus humbles et les plus respectueux.

P.-S. – J’oubliais de vous dire que le P. Cusse demande à revenir en France, pour traiter de l’établissement de notre petite Congrégation en Australie. C’est une folie, à laquelle je m’oppose de la façon la plus absolue.

Notes et post-scriptum
1. Dans une lettre du 17 juillet, le P. Tissot s'acquitte "d'une commission pénible" dont il a été chargé par Mgr Quinn: rendre compte au P. d'Alzon de la résistance opposée par le P. Cusse à des ordres donnés par l'évêque *en vertu de l'obéissance* et concernant le règlement de la journée et le mode de vie. Mais il conclut en disant: "Je m'abstiens en ceci de toute réflexion, laissant au P. Cusse de rendre compte de sa conduite et à vous d'agir auprès de lui en toute prudence, autorité et charité."
Par le même courrier (lettre du 13 juillet), le P. Cusse avait expliqué toute l'affaire au P. d'Alzon. Les objections qu'il avait opposées aux ordres de l'évêque étaient motivées par sa santé. Ayant évoqué à ce propos les permissions reçues jadis du P. d'Alzon, il s'était entendu répondre: "Vous n'êtes plus en France et désormais vous ne dépendez que de moi seul". Sur quoi, le P. Cusse en avait appelé à son supérieur général. Depuis, leurs rapports étaient tendus. "Le fin mot de l'histoire, concluait-il, c'est que Mgr croit, *et il a raison*, que je ne consentirai jamais à entrer dans un arrangement qui m'enlèverait à ma congrégation".
Ajoutons que Mgr Quinn venait de séparer les Pères Cusse et Tissot en envoyant ce dernier à Maryborough, à 100 lieues de Brisbane. "Il m'a déclaré, écrit le P. Cusse le 18 juillet, que le P. Tissot n'était pas plus pour moi que M. Cani (missionnaire italien)."
2. Dans une note (beaucoup plus tardive), le P. Tissot lui aussi parlera des tentatives faites par Mgr Quinn auprès des missionnaires pour en faire des Oblats de Saint-Charles (PY 18).
3. Quelques jours plus tard, le P. d'Alzon invitait le P. Brun à assister au chapitre général qui devait se tenir en septembre 1862 (le P. Brun l'en remercie le 3 octobre). La période pendant laquelle les PP. Tissot et Cusse "ne dépendront que de vous" n'est pas près de finir...
4. Le P. Tissot écrira le 15 novembre au P. Picard: "Les dernières décisions qui ont été prises à l'égard d'un établissement en Australie sont pour nous une épreuve plus pénible que toutes celles que nous avons subies jusqu'ici."