DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.519

29 sep 1861 Nîmes VARIN_MADAME

Les prières vocales. – La pratique de l’obéissance, de la pauvreté et de la chasteté dans sa position et selon la règle des adoratrices. – Le but et les moyens de la vie religieuse.

Informations générales
  • DR03_519
  • 1676
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.519
  • Orig.ms. ACR, AP 85; D'A., T.D. 40, n. 33, pp. 209-211.
Informations détaillées
  • 1 ADORATRICES DU SAINT-SACREMENT
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 LAICS MEMBRES DE L'EGLISE
    1 NOTRE-DAME DE ROCHEFORT
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE RELIGIEUSE
    3 NIMES
  • A Madame Varin d'Ainvelle
  • VARIN_MADAME
  • [Nîmes, le 29 septembre 1861](1).
  • 29 sep 1861
  • Nîmes
La lettre

Voici, ma chère fille, ma réponse à vos questions. J’ai été interrompu cinq ou six fois en vous écrivant. Je crois pourtant avoir assez suivi ma pensée.

Je vais à Rochefort, où je prierai pour vous.

E.D’ALZON.

Les prières vocales, en général, sont un sujet sur lequel on peut demander des permissions générales, en spécifiant une fois pour toutes, et sans être obligé de revenir chaque fois sur ce que l’on a observé ou manqué. Mais quand l’occasion s’en présente, ce peut être une des questions du compte-rendu de la conscience. Remarquez qu’en outre de ce qui est réglé, on peut toujours suivre un certain attrait selon les jours.

Comment pratiquer l’obéissance dans votre position? Comme une supérieure de communauté, qui se tient dans un esprit de dépendance vis-à-vis des personnes qui ont besoin d’elle. Voilà pour la vertu. Quant au voeu, en demandant des permissions pour les choses fixées par la règle, et dans les circonstances où l’on croit loyalement en avoir besoin. Cela n’empêche en aucune façon l’initiative; sans quoi, elle serait détruite par la vie religieuse, et ce serait un grand malheur.

La pauvreté, telle qu’elle est prescrite par la règle, me semble à moi très facile. La pauvreté ne consiste pas dans la perte de la propriété, mais dans certains sacrifices que la règle indique et au-delà desquels il serait dangereux d’aller. Je vous avoue que, avant d’entrer au séminaire, j’avais fait ce voeu et je ne m’en trouvais gêné que dans une mesure très convenable.

Quant à la chasteté, elle est absolument la même pour toutes les chrétiennes, excepté pour les personnes mariées. Quant au degré d’amour, ceci est un mystère que Dieu seul se réserve. Il est sûr que beaucoup de religieuses vierges ont moins aimé que certaines saintes veuves. En général, il me semble que les adoratrices doivent s’appliquer plus aux vertus qu’aux voeux, parce qu’en s’efforçant d’acquérir la vertu, le voeu sera toujours mieux pratiqué et que, d’autre part, certains détails de la pratique des voeux étant difficiles dans le monde, l’esprit surnaturel avec lequel on s’en occupe supplée à bien des défauts.

Adieu, Madame. Veuillez agréer mes plus dévoués hommages et croire à mon désir bien vif de faire disparaître la peur que je vous cause et de vous aider à acquérir la perfection.

Tout à vous en Notre-Seigneur.

E.D’ALZON.

Je n’ai pas le temps de me relire.

Il faut distinguer dans la vie religieuse le but et les moyens. Le but est le même pour tous, c’est la perfection, à laquelle tous peuvent aspirer selon leur position. Les moyens sont intérieurs ou extérieurs. Les moyens intérieurs sont également à la portée de tous, puisqu’ils consistent dans la pratique des vertus. Quant aux moyens extérieurs, il faut les prendre selon l’attrait qu’on en a, ou dans la vie pénitente, ou dans la vie des bonnes oeuvres, ou dans la vie d’oraison, ou dans la vie apostolique. Bien que toutes les règles aient un peu de ces quatre éléments, en dehors de ce qu’elles ont de commun comme fond, elles se distinguent pourtant par un de ces divers caractères. Ainsi, c’est selon les attraits de chacun que l’on peut aller à faire le bien ou à se sanctifier, ou dans les oeuvres spirituelles, ou dans celles qui concernent les corps.

Tout ce que vous indiquez dans vos questions est excellent et je l’approuve sans réserve, non comme la ligne à suivre par une veuve chrétienne, mais comme [la] ligne à suivre par vous. Quant à votre manière de considérer vos enfants comme ne vous appartenant pas, elle est parfaite, et je vous engage à la conserver toujours au fond de votre coeur. Mais tout ce que vous me dites est plus approprié aux dispositions personnelles d’une chrétienne qu’à la vie de l’adoration, dont je vous ai parlé, et aux moyens extérieurs que vous trouvez dans la pratique de la règle.

La règle, il faut bien se le rappeler, est un moyen qui va à quelques personnes et pas à toutes. Elle porte un appui dans les liens qu’elle inspire, mais ces appuis correspondent aux dispositions de chacun, et toutes les règles ne sont pas pour tous.

Notes et post-scriptum
1. La lettre est placée en 1861 par la correspondante; d'autre part elle fut écrite la veille du pèlerinage à N.D. de Rochefort qui eut lieu le 30 septembre.