DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.542

2 dec 1861 Nîmes PICARD François aa

« Je ne vois pas à quoi notre petite Congrégation est bonne si elle ne se compromet pas pour la cause de l’Eglise ». – Il serait heureux de *nous* compromettre, mais désolé de compromettre l’Association de Saint-François de Sales en restant dans son conseil. – L’attitude de l’évêque de Montpellier envers ceux de Nîmes et de Digne. – La prédication du P. Félix. – L’appui de la population explique le courage de l’évêque de Nîmes. – Ceux qui veulent être des saints ont, en ces temps-ci, cent fois plus de grâces qu’en temps ordinaire.

Informations générales
  • DR03_542
  • 1700
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.542
  • Orig.ms. ACR, AE 125; D'A., T.D. 25, n. 125, p. 104.
Informations détaillées
  • 1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
    1 FONCTIONNAIRES
    2 DU LIMBERT, HENRI-FRANCOIS
    2 FELIX, CELESTIN
    2 FINN, MARIE-LAURENCE
    2 LECOURTIER, FRANCOIS
    2 MEIRIEU, MARIE-JULIEN
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 RATISBONNE, THEODORE
    2 SEGUR, GASTON DE
    3 DIGNE
    3 LUNEL
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
  • Au Père François Picard
  • PICARD François aa
  • Nîmes, le 2 décembre 1861.
  • 2 dec 1861
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Mon cher ami,

Je ne vois pas à quoi notre petite Congrégation est bonne, si elle ne se compromet pas pour la cause de l’Eglise. Ainsi je conjure qu’on me laisse au conseil de Saint-François de Sales, s’il ne s’agit que de nous nuire. Si l’on pense que le conseil aura plus de liberté d’action par ma retraite, c’est différent. Je suis très heureux de nous compromettre, je serais désolé de compromettre l’Association en restant dans son conseil. Ainsi, que Mgr de Ségur décide. Quant à vous, restez, à moins qu’on ne vous prie pour un plus grand bien de vous retirer(1).

L’évêque de Nîmes a été, avec celui de Digne, voir Mgr Lecourtier. On lui avait écrit qu’on arriverait à 11 heures pour déjeuner. On l’a trouvé à table. Il n’avait pas envoyé sa voiture à l’embarcadère, ce que font tous les évêques de ces pays-ci pour leurs collègues qui viennent les voir. La visite a duré une heure et demie. A leur retour, Messeigneurs Plantier et Meirieu se sont arrêtés à Lunel pour voir un couvent. On les a reçus, comme on ne recevra plus Monseigneur de Montpellier qui tombe tous les jours(2).

Le P. Félix(3) a inauguré hier sa station de l’Avent. L’église était comble, comme au jour de Pâques. Croyez que si tous les évêques n’ont pas le courage du nôtre, c’est qu’ils n’ont pas, non plus, l’appui que notre population sait prêter.

Enfin, adieu. Prions beaucoup. On ne me tirera pas de l’idée que, dans ces temps-ci, ceux qui veulent être saints ont cent fois plus de grâces qu’en temps ordinaire. Tant pis pour ceux qui insultent Notre-Seigneur, mais tant mieux pour ceux qui se dévouent à le consoler! Le préfet est furieux de la dissolution des Conférences de Nîmes(4). Adieu.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Je vais dire la messe pour [la Soeur] M.-Laurence(5).1. Le P. d'Alzon répond ici à une lettre du P. Picard du 30 novembre qui mérite une large citation:
"Hier nous avons eu une grande séance à l'oeuvre de St-Fr. de Sales; on y a pris une détermination énergique: celle d'aller jusqu'au bout. Seulement pour cela, il faut que tous les membres soient avertis et qu'il n'y ait de compromis que ceux qui veulent et peuvent l'être; aussi on se propose de modifier le Conseil et d'engager les fondateurs ou provinciaux d'Ordre à se retirer, afin de ne pas compromettre leur communauté; s'ils désirent rester, ils le peuvent pourtant, je suis chargé de voir à cet effet les PP. Dominicains, les PP. Capucins et le P. Ratisbonne, j'ai aussi à vous écrire. Je crois que vous ferez bien, n'étant pas à Paris, de ne pas figurer sur la liste des membres, et je resterais comme votre représentant.
Pourtant, comme il s'agit d'une affaire grave et qu'on peut être entraîné dans un procès, je ne puis rien faire sans votre autorisation. Je n'ai pas besoin de vous dire combien je serais heureux d'être un peu et même beaucoup compromis pour une pareille cause, ce serait une si grande peine pour moi de me retirer au moment du danger, que je croirais faire un acte d'immortification en cherchant à peser sur votre détermination. Pourtant l'association de St-François de Sales ayant été fondée par vous, il serait pénible qu'aucun membre de votre communauté ne figurât parmi les personnes compromises pour la défendre. Ainsi, tout en vous proposant de vous retirer et vous engageant à le faire, comme tous les autres membres de communautés religieuses, je vous prie de me laisser; il ne faut pas que je vous cache la vérité, on prétend qu'on nous attaquerait même pour un membre aussi insignifiant et aussi inconnu que votre très humble serviteur. Devons-nous reculer pour cela? J'attends votre réponse avec impatience. Par les démissions indiquées on atteint un triple but, on réduit le Conseil à un nombre inférieur à vingt, on ne compromet aucune personne que celles qui consentent à l'être, on se trouve unis et forts pour défendre l'oeuvre jusqu'au bout. M. Baudon m'engageait à me retirer, ce n'est pas mon avis, ce n'est pas non plus celui de Mme la Supérieure, j'espère que ce ne sera pas le vôtre. Que suis-je pour pouvoir rien compromettre? Mgr de Ségur sera tout et nous serons derrière lui pour le soutenir de nos conseils et de nos adhésions. Bien entendu, quand vous viendrez à Paris, vous serez comme par le passé un des hommes les plus influents de l'oeuvre."
2. Le nouvel évêque de Montpellier ne tient pas à se compromettre aux yeux du gouvernement en accueillant avec trop d'empressement des évêques qui n'ont pas la faveur de ce dernier.
3. Le célèbre orateur jésuite (1810-1891).
4. Le 25 novembre, le préfet a informé le ministre de la Justice que les cinq conférences de Saint-Vincent de Paul de Nîmes se sont dissoutes, décision qui, dit-il, est due uniquement à l'influence du clergé, de l'évêché et du parti clérical, car les autres conférences se sont soumises aux décisions gouvernementales (*Pages d'Archives*, 2, p. 404).
5. Religieuse de l'Assomption qui venait de mourir.