- DR03_545
- 1702
- DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.545
- Orig.ms. ACR, AM 218; D'A., T.D. 37, n. 4, pp. 198-199.
- 1 DEFENSE DE L'EGLISE
1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
1 FONCTIONNAIRES
1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
2 CLASTRON, JULES
2 DU LIMBERT, HENRI-FRANCOIS
2 GUIRAUD, RAYMOND-LEONCE
2 LA BOUILLERIE, FRANCOIS DE
2 LACORDAIRE, HENRI
2 LECOURTIER, FRANCOIS
2 PERSIGNY, JEAN DE
2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
2 ROULAND, GUSTAVE
2 VAILHE, SIMEON
3 AUDE, DEPARTEMENT
3 CARCASSONNE
3 GARD, DEPARTEMENT
3 LAVAGNAC
3 LIMOUX
3 MONTPELLIER
3 NIMES
3 PARIS
3 UZES
3 VALBONNE
3 VILLEMARTIN - A Madame de la Prade
- LA_PRADE Mme
- Nîmes, le 9 déc[embre] 1861.
- 9 dec 1861
- Nîmes
- Evêché de Nîmes
Vous voulez des détails, Madame, en voici quelques-uns. Tâchez de pouvoir me lire. La lettre Rouland(1) souleva d’indignation tout le clergé. J’étais absent(2). On se réunit, on parla d’une adresse, le Chapitre et les curés préférèrent une réunion solennelle(3). L’évêque, prévenu, accepte, défendant de rien dire à la porte de l’église, annonçant que lui-même ne dirait rien. La police, prévenue, s’émut. On nous a assuré que les troupes consignées avaient reçu des cartouches. Il fut fort heureux que Monseigneur arrivât cinq minutes avant l’heure indiquée; il fut manqué par 500 ou 600 catholiques qui devaient dételer ses chevaux et traîner sa voiture. Dans ce cas, la troupe serait sortie, au besoin aurait fait feu, et l’évêque, fauteur d’une sédition religieuse, aurait été expulsé. C’est ce qu’on désire depuis longtemps.Son grand-vicaire l’eût été du coup, et vous aviez la chance de le voir, en simple vicaire, venir frapper à la porte de Villemartin(4). En attendant, l’évêque arrivé à la cathédrale la trouva comble; il ne put y tenir, monta en chaire, parla des journaux, ne dit pas un mot du ministre, parla des vipères qui ne piquaient pas les vrais évêques. Son discours, sténographié, fut porté à une Commission intime de magistrats, qui n’y trouvèrent rien à dire(5). Pendant ce temps, je faisais mon speech dans un salon de l’évêché, l’évêque y répondait et je partais pour la campagne(6).
Le soir, seconde manifestation encore plus nombreuse. Le préfet, vivement contrarié en effet, est mandé à Paris, où il est encore, dit-on. Ses amis craignent que nous en soyons privés.
On m’écrit de Paris qu’il a été question de traduire Mgr de Carcassonne devant le Conseil d’Etat(7). Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’au ministère on n’est pas moins furieux contre l’évêque de M[ontpellier], qui, après avoir demandé vingt ans un diocèse, demande à présent un évêché. Ces pauvres gens peuvent bien donner des évêchés, mais [ils] n’ont pas d’argent pour en bâtir et ils sont furieux. Si je suis bien renseigné, le commerce est au plus bas, l’argent manque et les choses prennent une très vilaine tournure. Que de choses à dire encore! Mais le temps manque.
Veuillez recevoir, Madame, mes hommages empressés.
E.D'ALZON.2. Il faisait alors sa retraite à la Chartreuse de Valbonne.
3. Il y eut les deux: d'abord, l'adresse à Mgr Plantier en tournée pastorale à Uzès et qui répondit le 14 novembre (Abbé CLASTRON, *Vie de Mgr Plantier*, I, pp. 529 et sv.); ensuite, le 21 novembre, la réception solennelle à la cathédrale et la réunion à l'évêché, dont parle le P. d'Alzon. - Voir aussi *Revue Catholique du Languedoc*, III (1861), p. 310.
4. Château de Villemartin, près de Limoux (Aude), qui appartenait au baron Guiraud. Madame de la Prade était née Guiraud.
5. La presse s'étant déchaînée contre Mgr Plantier à la suite de ce discours, l'évêque de Nîmes le fit imprimer sous forme d'une circulaire à son clergé datée du 12 décembre, en le faisant précéder d'un bref exposé des faits (PLANTIER, *Instructions...*, t. IV, pp. 474-477). Le même jour, une circulaire secrète du ministère enjoignait aux fonctionnaires du Gard de cesser tous rapports privés avec l'évêque (*Pages d'Archives*, 2, p. 404). Voir aussi MAURAIN, pp. 561-564.
6. Texte du discours du P. d'Alzon: VAILHE, *Vie*, II, pp. 318-319. Réponse de Mgr Plantier: CQ 243. Le discours du P. d'Alzon n'est pas une improvisation. Le 20 novembre, décrivant l'accueil que Nîmes prépare à son évêque, le P. Galabert écrit: "Il sera harangué par le R.P. d'Alzon dans les salons de l'évêché".
Après avoir prononcé son discours, le P. d'Alzon partit pour Lavagnac où il devait passer deux ou trois jours. Le jour-même où le clergé et le peuple nîmois ménageaient à l'évêque la réception que nous raconte ici le P. d'Alzon, le tribunal correctionnel de Nîmes supprimait la *Revue Catholique du Languedoc* "parce qu'elle n'était ni autorisée, ni cautionnée, ni timbrée". Malgré l'engagement pris par le rédacteur de remplir toutes les conditions exigées, la revue ne fut pas autorisée à reparaître (*Pages d'Archives*, 2, pp. 403-404).
7. Le bruit avait couru à Paris que Mgr de La Bouillerie serait déféré au Conseil d'Etat pour avoir critiqué la circulaire de Persigny dans le discours qu'il avait prononcé aux funérailles de Lacordaire (décédé le 21 novembre précédent).