DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.549

29 dec 1861 Nîmes BAILLY_VINCENT de Paul aa

Voeux. – Qu’il se prépare aux combats par de fréquentes visites aux tombeaux des martyrs. – Qu’il profite des leçons des professeurs de théologie, mais aussi de celles des docteurs dont le sang parle mieux que tous les discours. – L’obéissance doit consister plus à vous retenir qu’à vous presser. – Les prévisions sont bien sombres. – Conseils aux novices.

Informations générales
  • DR03_549
  • 1706
  • DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.549
  • Orig.ms. ACR, AG 28; D'A., T.D. 27, n. 28, pp. 18-19.
Informations détaillées
  • 1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 MARTYRS
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTUS RELIGIEUSES
    2 PIE IX
    2 PIERRE, SAINT
    3 ROME
  • Au Frère Vincent de Paul Bailly
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Nîmes, 29 décembre 1861.
  • 29 dec 1861
  • Nîmes
La lettre

Mon bien cher enfant,

Je viens vous remercier de vos bonnes lettres, de vos voeux pour ma fête, et je vous renvoie en échange mes souhaits de bonne année. Que sera cette année qui s’ouvre sous d’aussi étranges auspices? Dieu seul le sait. Mais ce que je voudrais de vous, c’est que vous allassiez vous préparer aux combats, qui probablement nous attendent, par de fréquentes visites, surtout aux tombeaux des martyrs. Que sommes-nous en face de ces géants? De véritables pygmées. Mais par la grâce de Dieu nous pouvons grandir, et rien de plus propre à développer dans nos coeurs le courage chrétien que ces épreuves, dont le spectacle se présente à chaque pas aux fidèles qui ont le bonheur d’habiter Rome. Je vous demande en grâce de profiter des leçons de vos divers professeurs de théologie; mais, en dehors des maîtres vivants, vous avez ces docteurs, dont le sang parle mieux que tous les discours et dont l’éloquence est toute entière dans les actes. Vous apprendrez d’eux à combattre, et quand vous comparerez ce que vous faites avec ce qu’ils ont fait, vous vous sentirez animé d’un grand désir de souffrir à votre tour, comme ils ont souffert pour prouver à J.-C. leur amour. Alors vous verrez que la régularité de la vie, le travail pour l’étude, la victoire sur les défauts de caractère et sur les tentations, le recueillement de la vie religieuse ne sont rien, comparés à tout ce que les martyrs ont souffert, et que, puisque vous avez à faire pour être prêt à tout, non seulement un noviciat de religieux mais un noviciat de martyr, rien n’est trop dur et l’obéissance doit consister plus à vous retenir qu’à vous presser.

Pardonnez-moi, mon bien cher enfant, si [je] vous tiens ce langage, mais les circonstances me semblent très graves et l’horizon se montre bien sombre. Mes prévisions peuvent être exagérées, mais hélas! les nuages s’amoncellent tous les jours si nombreux, et il y a de tels signes au ciel qu’on pourrait croire raconter le présent en ne parlant que de l’avenir.

Je demande aux deux novices une grande obéissance au Fr. Vincent de Paul, qui doit ménager les forces pour l’étude. Priez les martyrs de vous obtenir la patience dans l’ennui du travail. Travaillez beaucoup. Il me semble que vous devez être à l’époque où les premières difficultés de votre séjour à Rome seront vaincues, et où vous commencerez à savourer tous les jours un peu plus le bonheur d’être plus près de saint Pierre et du Pape, où vous aurez davantage le sentiment de ce que doivent être des hommes, à qui Dieu fait la grâce de pouvoir prier presque tous les jours sur le tombeau de quelque apôtre.

Adieu, mes fils bien aimés. Du courage, du courage! Qui de vous sera le premier martyr?

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum