DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 39

23 mar 1862 Nîmes BAILLY_VINCENT de Paul aa

Pourra-t-il le loger, s’il vient à Rome, ainsi que l’abbé Barnouin? – Son affaire s’est terminée par un non-lieu. – Le procès de l’abbé Courrant. – Un mot de M. de Morny. – A propos du Cénacle.

Informations générales
  • DR04_039
  • 1753
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 39
  • Orig.ms. ACR, AG 35; D'A., T.D. 27, n. 35, pp. 25-26.
Informations détaillées
  • 1 ACHAT DE TERRAINS
    1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
    2 ALZON, HENRI D'
    2 BARAGNON, NUMA
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 BARNOUIN, HENRI
    2 COURAN, SIMEON
    2 DELANGLE, CLAUDE
    2 DU LIMBERT, HENRI-FRANCOIS
    2 GONET, HENRI DE
    2 MORNY, CHARLES DE
    2 PERSIGNY, JEAN DE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 ROULAND, GUSTAVE
    2 VALERGA, GIUSEPPE
    2 VEUILLOT, ELISE
    3 GARD, DEPARTEMENT
    3 JERUSALEM, CENACLE
    3 NIMES, EGLISE SAINT-CHARLES
    3 ROME
    3 TURQUIE
  • AU FRERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Nîmes, 23 mars [18]62.
  • 23 mar 1862
  • Nîmes
La lettre

Mon bien cher enfant,

Je crains bien que la santé de mon père et un autre motif ne soi[en]t un obstacle à mon voyage à Rome, comme je l’avais projeté. Toutefois, ceci n’est qu’une crainte. Dans tous les cas, veuillez répondre à cette question: l’abbé Barnouin et moi pourrions-nous nous nicher dans votre logis, supposé que nous y venions tous les deux? Il est curieux que, lorsque je vous manifeste la crainte de ne pas aller à Rome, je vous parle en même temps de mon envie de vous prendre deux fois place au feu et à la chandelle.

L’ordonnance de non-lieu sur mon compte a été rendue(1); mais en même temps on a poursuivi un vicaire de Saint-Charles pour avoir tiré à une loterie(2). Numa Baragnon l’a défendu; 28 prêtres, inter quos ego, et un peuple immense a accompagné l’abbé Courrant à l’audience: il a été condamné à 6 francs d’amende et a eu en sortant une véritable ovation(3). M. de Morny disait, il y a dix à douze jours, à un député: « Savez-vous comment cela finira pour nous? » – « Non », dit l’autre. – « Comme cela », reprit M. de Morny en passant la main sur son cou. Je vous garantis le détail. La personne à qui le propos a été tenu l’a raconté le lendemain même à Mlle Veuillot, qui me l’a immédiatement transmis(4).

Si le cardinal Barnabo approuve l’idée d’acheter le Cénacle, j’ai la plus belle occasion de demander au gouvernement turc de me le faire avoir au meilleur marché possible. Adieu, très cher et aimé. Du reste, j’écrirai au patriarche de Jérusalem par mon neveu, qui va y passer la Semaine Sainte.

Adieu. Je ne puis vous dire combien je vous aime, cher fils.

Notes et post-scriptum
1. L'ordonnance de non-lieu ne sera rendue que le 15 avril, mais le P. d'Alzon est déjà au courant des conclusions du procureur impérial (*Lettre* 1747, n. 3).
Après avoir rappelé les faits et résumé le discours prononcé par le P. d'Alzon à Saint-Charles à la messe du 16 février (notons qu'il n'est pas question de l'allocution du soir du même jour), le juge d'instruction, Henri de Gonet, conclut: "Attendu que les termes de ce discours sont inspirés par une pensée manifeste de désapprobation de certains actes du gouvernement ou de l'autorité publique, qu'ils s'expliquent par l'attitude politique du prévenu et par ses habitudes d'opposition, que si l'on doit regretter assurément que des paroles empreintes d'une si vive opposition aient été prononcées par un ecclésiastique dans un lieu consacré au culte, on ne peut néanmoins les considérer comme étant suffisamment caractéristiques du délit d'excitation à la haine et au mépris du gouvernement et de censure ou critique de ses actes, par ces motifs, déclarons n'y avoir lieu à suivre en l'état."
En fait, seul le préfet du Gard avait cru à la possibilité d'un procès et d'une condamnation, mais dès le 13 mars il avait proposé au ministre des Cultes une solution qui lui semblait préférable à toute autre: profiter de l'occasion pour se débarrasser d'un prêtre dangereux, car l'évêque de Nîmes préférerait sans doute se séparer de son vicaire général que de lui laisser courir la chance d'une condamnation. Le ministre répondra que la négociation avec l'évêque était périlleuse et ne pouvait aboutir et se contentera de demander à son collègue de la Justice de faire consigner dans l'ordonnance de non-lieu les faits reprochés à l'abbé d'Alzon et d'y constater en même temps "l'attitude politique de cet ecclésiastique et ses habitudes de violence et d'opposition": ce qui fut fait. Le ministre de l'Intérieur pour sa part fut séduit un moment par la proposition du préfet et demanda, le 26 mars, au ministre des Cultes d'intervenir auprès de l'évêque pour qu'il se sépare de son vicaire général. Nous ne savons s'il le fit car, nous l'avons dit, il était fort sceptique sur les chances de pareille démarche auprès de Mgr Plantier. Il demanda cependant le 7 avril au garde des Sceaux communication de l'ordonnance de non-lieu, car "cette pièce m'aiderait peut-être à concerter avec Monsieur le Ministre de l'Intérieur les mesures à prendre contre M. le vicaire général de Nîmes". Cette phrase ne dénote pas l'espoir d'aboutir à quoi que ce soit (Arch. Nat. F 19 5835).
2. C'est-à-dire pour avoir organisé une loterie sans l'autorisation légale. [Le coupable était l'abbé Siméon Couran (et non Courrant): voir *Lettre* 1649 n.3. Ajout fait à cette note le 5 mars 1998].
3. Commentant cet événement, l'abbé Barnouin écrit au P. Picard: "Je vous assure, mon cher Père, qu'on a bien fait de ne pas poursuivre le P. d'Alzon. Si tout ce monde s'est mis en mouvement pour un simple vicaire, que n'aurions-nous pas vu si on eût osé mettre la main sur un homme qui est plus que jamais l'idole des catholiques de Nîmes." (lettre non datée, OI 212).
4. Par sa lettre du 13 mars.