DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 66

19 jun 1862 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Elle a raison de se plaindre de ne pas pouvoir assez se recueillir et prier, il éprouve les mêmes dispositions. – Il se félicite des chances de succès de la fondation de Lyon. – Mais elle doit s’employer à détruire les préventions que le cardinal nourrit contre elles. – Il y a quelque chose de providentiel dans sa conversation avec le P. Jérôme sur le bateau et dans la façon dont le Pape l’a fait appeler pour lui parler de l’Orient. – La mer l’a éprouvé, mais il est prêt à repartir s’il le faut. – Il reçoit sa lettre du 17. – Il n’est pas fâché que le P. Eymard n’ait pas répondu. – La bénédiction du Pape est plus explicite qu’on ne pense. – Argent.

Informations générales
  • DR04_066
  • 1786
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 66
  • Orig.ms. ACR, AD 163; D'A., T.D. 23, n. 716, pp. 59-60.
Informations détaillées
  • 1 BULGARES
    1 MISSION DE BULGARIE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SEMINAIRES
    1 VIE DE PRIERE
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 BONALD, LOUIS DE
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 KHOZMIAN, JEAN
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 PIERRE-JULIEN EYMARD, SAINT
    2 VAILHE, SIMEON
    3 BULGARIE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 LONDRES
    3 LYON
    3 MARSEILLE
    3 ROMAGNE
    3 SYRIE
    3 TERRE SAINTE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • [Nîmes,] 19 juin 1862.
  • 19 jun 1862
  • Nîmes
La lettre

J’ai trouvé, en arrivant ici, ma chère fille, votre lettre; je vous en remercie. Vous avez raison, quand vous vous plaignez de ne pouvoir assez vous recueillir et prier. J’éprouve la même disposition, quoiqu’il me semble bien que je suis dans une disposition habituelle de prière. Je demande, pour vous, à Notre-Seigneur la grâce de trouver du temps pour lui et beaucoup.

Je vois avec bonheur que la petite fondation de Lyon a des chances de succès. Ne vous fiez pas trop au cardinal(1). Il est évident, par une conversation que j’ai eue avec lui à Rome, qu’on lui avait donné les plus absurdes préventions; il faudra les détruire par beaucoup de simplicité, d’ouverture, et en l’invitant très souvent à aller voir vos filles. Je crois que c’est une des choses qui le flattent le plus.

J’avais chargé le Fr. Vincent de Paul d’écrire au P. Picard tout ce que j’avais fait à Rome. Je crois qu’il y a eu quelque chose de providentiel dans la manière dont j’ai parlé au P. Jérôme sur le bateau(2) et dont le Pape m’a fait appeler pour me parler de l’Orient. Le P. Jérôme va partir pour Constantinople(3).

Adieu, ma fille. J’ai été horriblement éprouvé par la mer, ce qui ne fait pas que je ne sois prêt à repartir, s’il le faut. Je vais écrire au P. Picard, qui vous communiquera ma lettre.

Tout à vous du fond du coeur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Je reçois votre lettre du 17 à l'instant. Je ne suis pas très fâché que le P. Eymard n'ait pas répondu, cela vous met à l'aise(4). Soyez persuadée que je fais valoir la bénédiction du Pape, qui est bien plus explicite qu'on ne le suppose, et qui va à mon idée très ferme et très énergique(5). Quant à de l'argent, je suis pour le moment sans industrie. Le P. Jérôme pourrait vous donner une idée. Il m'a parlé d'une demoiselle, qui [a] 300.000 francs dans son tablier, vous pourriez lui écrire, comme pour lui demander un service. L'abbé de Cabrières ira partout où il pourra fuir l'évêché(6).|Adieu, je suis très pressé.1. Le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon.
2. "Lorsqu'il partit de Marseille pour Rome au mois de mai; il parla de ses projets pour un séminaire syrien, le P. Jérôme lui parla des Bulgares et le lança dans cette voie nouvelle" (note du P. Vailhé sur sa copie de cette lettre).
Donnons ici le récit que le P. Jérôme fit de cette conversation le 1er juillet suivant dans une lettre au P. Khozmian: "[...] sur le bateau, le P. d'Alzon me dit: "ne pourrions-nous pas réunir nos efforts pour fonder la mission bulgare: je puis y consacrer 400.000 francs: vous autres apprendrez plus facilement le bulgare". J'ai répondu que j'y avais pensé depuis des années et que je serais très heureux d'en causer et de nous entendre. Il revint alors sur l'ancienne idée de la réunion de nos communautés: je répondis que je devais d'abord en référer au conseil, puis il fut pris du mal de mer et nous en restâmes là." (traduction française ms d'une "brochure polonaise" 2 CK 22).
L'initiative appartiendrait donc au P. d'Alzon. Nous devons avouer que cela nous laisse perplexe: à Rome, quand on lui parlera de la Bulgarie, il objectera avec force le projet de fondation en Terre Sainte pour lequel il avait obtenu l'autorisation du card. Barnabo. Nous croyons que le P. Jérôme donne ici en toute bonne foi un récit déformé par les événements qui ont suivi, et avec le P. Vailhé (*Vie* II, pp. 333-334) nous estimons que lorsque le P. d'Alzon croit découvrir dans cette conversation quelque chose de providentiel, il lui donne un sens et une importance qu'elle n'eut pas. On parla certes, sur le bateau, de la Bulgarie dont le mouvement vers Rome intéressait vivement le Saint-Siège et le monde catholique. Sans doute même rêva-t-on ensemble à ce que pourrait être un travail mené là-bas en commun. Mais à ce moment, le P. d'Alzon ne songeait certainement pas à y envoyer ses religieux. Il faudra pour cela l'intervention du pape lui-même, après une véritable conspiration des milieux romains, alertés sans doute par le P. Jérôme, et qui songeaient surtout à l'argent que le P. d'Alzon pourrait consacrer à cette mission, car, disait-on, son récent héritage avait fait de lui un homme riche...
3. D'entente avec le P. d'Alzon, le P.Jérôme se rend à Constantinople pour voir ce qu'il est possible d'y faire.
4. Le P. Eymard ne répondant pas, Mère M.-Eugénie ne doit plus se sentir engagée envers les Pères du Saint-Sacrement dans la question de la fondation londonienne.
5. Mère M.-Eugénie avait invité le P. d'Alzon à tirer parti de la bénédiction que le pape avait donnée à ses oeuvres, pour attirer quelques prêtres.
6. Mère M.-Eugénie et le P. d'Alzon espéraient que l'abbé de Cabrières pourrait commencer la fondation de Londres en attendant l'arrivée des Assomptionistes.