DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 81

30 jun 1862 Nîmes BRUNONI Mgr

Quelques considérations sur les moyens de procurer des ressources matérielles et spirituelles à l’oeuvre des Bulgares. – Faut-il s’occuper de la Bulgarie seulement ou de l’ensemble du schisme photien? – Si Sa Grandeur vient en France, il serait heureux de l’accueillir à Nîmes ou de la rencontrer à Marseille. – Discrétion nécessaire pour éviter que le mouvement bulgare ne soit escamoté au profit d’un intérêt politique.

Informations générales
  • DR04_081
  • 1798
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 81
  • Orig.ms. ACR, CV 36; D'A., T.D. 39, n. 1, pp. 120-122.
Informations détaillées
  • 1 CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
    1 OEUVRES D'ORIENT
    1 OEUVRES MISSIONNAIRES
    1 ORNEMENTS
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SCHISME SLAVE
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 CZARTORYSKA, PRINCESSE
    2 HASSOUN, ANTOINE
    2 SIMEONI, GIOVANNI
    2 VAILHE, SIMEON
    3 CONSTANTINOPLE
    3 MARSEILLE
    3 NIMES
    3 ROME
  • A MGR BRUNONI, VIC. APOST. PATRIARCAL DE CONSTANTINOPLE
  • BRUNONI Mgr
  • [vers le 30 juin] 186[2](1).
  • 30 jun 1862
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Monseigneur(2),

La bonté avec laquelle vous m’avez accueilli quand j’ai eu l’honneur de vous voir, il y a trois semaines, à Rome, m’engage à venir vous soumettre quelques considérations au sujet de l’oeuvre des Bulgares, dont vous avez bien voulu vous entretenir avec moi.

Premièrement, je verrais de très grands inconvénients à ce que, sous le titre d’Oeuvre des Ecoles d’Orient, on créât un centre nouveau pour se procurer des ressources matérielles. L’oeuvre de la Propagation de la foi s’est tenue jusqu’à ce jour à l’abri de toute influence politique; l’oeuvre des Ecoles d’Orient s’en affranchirait-elle avec la même énergie? Il est permis d’en douter. Au lieu donc d’élever autel contre autel, je proposerais seulement à l’oeuvre de la Propagation de la foi, à mon retour de Constantinople, d’aller dans les principales villes de France exciter le zèle des associés, en parlant de l’état de l’Orient. Ces sortes de tournées, qui ont déjà été faites plusieurs fois en France par des évêques ou des missionnaires étrangers ont, en général, d’autant plus de succès qu’on ne demande rien personnellement et qu’on se borne à exciter le zèle pour une oeuvre depuis longtemps connue.

Secondement, je suis à même de pouvoir former, dans un certain nombre de villes de France, des comités de dames pour préparer des ornements aux églises pauvres d’Orient. Un Comité semblable subsiste déjà à Paris chez la princesse Czartoryska. On pourrait très utilement en créer plusieurs autres et attirer ainsi la bienveillance des Bulgares en leur montrant combien on tient à conserver leur rite, puisqu’on leur envoie des ornements qui s’y rapportent.

Troisièmement, ces Comités pourraient, en dehors des souscriptions régulières que l’on adresserait à l’oeuvre de la Propagation de la foi, fournir l’idée aux pieux fidèles de faire quelques dons particuliers, et il faudrait voir à qui il serait bon de les adresser, soit à la Propagande, à Rome, soit à vous, Monseigneur, soit enfin à un Comité français qui les ferait parvenir à leur destination.

Quatrièmement, mais ce qui importe surtout, ce me semble, c’est d’attirer l’attention publique sur cette oeuvre, en sollicitant des prières sur tous les points de la France, pour obtenir la conversion de ces contrées si intéressantes. Il serait bon peut-être d’indiquer une prière à réciter tous les jours, une fête à célébrer et de solliciter des grâces spirituelles au Saint-Siège pour ceux qui feraient ces prières.

Cinquièmement, peut-être, Monseigneur, serait-ce le moment de commencer à examiner s’il faut s’occuper de la Bulgarie seulement ou bien, comme vous m’avez fait l’honneur de me le dire, du schisme photien tout entier(3). Si Votre Grandeur vient en France, comme elle me l’a donné à entendre, je la conjure, si elle ne peut passer par Nîmes, où je serais bien heureux de lui offrir une très modeste hospitalité, de me prévenir de son passage à Marseille. J’aurai l’honneur d’aller lui offrir mes hommages et de fixer avec elle l’époque de mon voyage à Constantinople.

Enfin, je crois qu’il serait utile qu’en dehors du cardinal Barnabo, de Mgr Simeoni et de Mgr Hassoun, les idées que j’ai l’honneur de vous soumettre restent entièrement secrètes jusqu’à ce qu’elles fussent mises à exécution, de peur d’éveiller les susceptibilités de l’oeuvre des Ecoles d’Orient ou de ses amis. Toutefois, si Votre Grandeur croit que je me trompe à cet égard, je m’en rapporte entièrement à sa sagesse, mais je ne puis lui dissimuler de nouveau ma crainte de voir le mouvement bulgare escamoté par certaines personnes au profit d’un intérêt politique; ce qui serait, à mes yeux, un si grand malheur à tous les points de vue.

Je suis avec le plus profond respect, de Votre Grandeur, le très humble et très obéissant serviteur.

E. d'Alzon|v.g. de l'évêque de Nîmes
Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon joignit cette lettre à celle qu'il écrivit le 30 juin au Fr. Vincent de Paul Bailly avec mission de la porter au destinataire. Ce qui fut fait (Lettre du 4 juillet du Fr. Bailly au P. d'Alzon).
2. L' *Annuario Pontificio* de 1862 (p. 238) donne à Mgr Brunoni le titre de *Vic. Apost. Patriarcale pei Latini.* Lui-même signe "Vic. Apost. de Constantinople" et donne comme en-tête à ses lettres: "Vicariat Apostolique de Constantinople" ou "Vicariato Apostolico di Costantinopoli".
3. Voir le commentaire du P. Vailhé (*Vie* II, p. 339).