DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 88

10 jul 1862 Lavagnac BAILLY_VINCENT de Paul aa

Qu’il arrive au moins quinze jours avant Semenenko. – Contacts à prendre avec Mgr Brunoni et Mgr Simeoni. – L’idée de nous attaquer au schisme photien entier expliquerait notre établissement à Constantinople. – La somme qu’il a l’intention de consacrer à la question d’Orient et le moyen d’y arriver. – Le Conseil de l’oeuvre des Ecoles d’Orient. – Retour sur la question du don qu’il veut faire. – Mgr Brunoni parle d’un plan général contre le schisme photien, mais quelles sont les intentions de la Propagande? – Les Polonais auraient les Slaves, nous le schisme en général.

Informations générales
  • DR04_088
  • 1805
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 88
  • Orig.ms. ACR, AG 50; D'A., T.D. 27, n. 50, pp. 37-39.
Informations détaillées
  • 1 CHAPITRE GENERAL DES ASSOMPTIONNISTES
    1 CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
    1 DONATIONS
    1 MISSION DE BULGARIE
    1 OEUVRES MISSIONNAIRES
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SCHISME SLAVE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BRUNONI, PAOLO
    2 CZARTORYSKA, PRINCESSE
    2 GALLOIS, AUGUSTIN
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 KWIATKOWSKI, LADISLAS
    2 PETETOT, LOUIS-PIERRE
    2 PIE IX
    2 SEMENENKO, PIERRE
    2 SIMEONI, GIOVANNI
    2 SOUBIRANNE, PIERRE
    2 VAILHE, SIMEON
    3 BULGARIE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 MARSEILLE
    3 PARIS
    3 ROME
  • AU FRERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Lavagnac, 10 juillet [18]62.
  • 10 jul 1862
  • Lavagnac
La lettre

Cher ami,

Vos lettres sont toutes plus intéressantes les unes que les autres.

1° J’opine pour que vous arriviez au plus tôt, précisément afin d’avoir préparé quelque chose avant l’arrivée de Semenenko.

2° Quant aux deux grands enfants que vous laissez(1), dites-leur que je vous donne pleins pouvoirs pour disposer les choses de façon à ce qu’ils ne se soient pas mangés l’un l’autre quand vous retournerez; faites un noble appel à leur sagesse, à leur vertu, à leur patience, à leur amour de la perfection, à leur future sainteté, à leur canonisation possible, si…, si… si…, enfin, soyez éloquent, soyez pathétique, soyez persuasif – vous pouvez être tout cela -, et arrivez au moins 15 jours avant Semenenko.

3° Laissez faire et laissez dire les Polonais. Où trouveront-ils de l’argent? Je me remue joliment pour avoir, moi aussi, des fonds et des ornements.

4° Si Brunoni écrit que le P. Jérôme peut tout faire(2), c’est bien, mais je ne le pense pas.

5° Je présume qu’il compte sur moi pour le carême de Constantinople.

6° Voyez Brunoni le plus possible.

7° Tâchez aussi de vous mettre bien avec Mgr Simeoni.

8° L’idée d’attaquer le schisme photien tout entier me semble magnifique(3), mais quelle entreprise! Je vous prie de chercher ce que l’on peut faire et lire pour voir clair dans cette question. Demandez à Mgr Brunoni de vous indiquer les livres récents, s’il y en a, qui puissent m’éclairer là-dessus. Si nous prenons tout le schisme photien, c’est à Constantinople qu’il faut faire notre établissement. Dans tous les cas, c’est nous et non les Polonais, à qui le Pape a donné la mission(4).

9° Je vous prie d’aller chez Mgr Simeoni, de ma part, pour lui dire que, dans l’intention où je suis de consacrer une somme à la question d’Orient, je voudrais prendre mes précautions en cas de mort; que, ne pouvant rien léguer à la Propagande qui n’est pas reconnue par la loi française, je le prie de me dire s’il sait un moyen qui me permette de laisser une somme de 350.000 francs à 400.000 francs à l’oeuvre. La difficulté est que cette somme repose sur une terre qu’il est très avantageux de ne vendre que dans deux ou trois ans. Du reste, j’ai besoin d’en toucher les revenus pendant ce temps-là. Mais je désire que le prix en aille à un établissement oriental, comme aussi que cet établissement soit confié à nos religieux. Examinez ce que je vous dis dans votre belle cervelle et portez la chose à Simeoni sous la forme qui vous semblera le plus convenable. Ajoutez que déjà bon nombre de personnes prennent le plus vif intérêt à l’oeuvre et que, tout en poussant au développement de l’oeuvre de la Propagation de la foi, nous pouvons préparer des comités pour faire faire des ornements et recevoir des dons particuliers.

Toutefois, il vous faudra faire observer que le P. Petétot, qui s’occupe beaucoup de cette oeuvre à Paris, est d’avis que nous entrions dans le conseil de l’oeuvre des Ecoles d’Orient. Il serait même disposé à nous en faire confier la direction, à laquelle l’abbé Soubiranne paraît ne pouvoir guère suffire. Le P. Petétot est un peu effrayé de la couleur politique que la princesse Czartoriska, celle qui a donné les ornements au P. Jérôme, semble donner à l’oeuvre, et il a formé un conseil de dames qu’il met à notre disposition et qui se tiennent en dehors de tout ce qui n’est pas purement religieux.

Totus tibi.

E.D’ALZON.

P.-S. – Mon cher ami, en y réfléchissant, je vois qu’il est extrêmement nécessaire de prendre avec Simeoni la forme la plus dubitative, pour n’avoir pas l’air de me faire un mérite de ce que je me propose de donner. Le point sur lequel vous pouvez le consulter serait de savoir s’il pense qu’il vaille mieux donner à la Propagande à Rome, qui n’aurait pas la possibilité de faire poursuivre ses droits en France, dans le cas où je viendrais à mourir, ou s’il vaut mieux donner à un Français, ce qui expose aussi à de très graves inconvénients(5).

Veuillez lui faire observer avec beaucoup de prudence que Brunoni est revenu, à plusieurs reprises, à un plan général contre le schisme photien tout entier, que puisque Barnabo m’a recommandé à plusieurs reprises de m’entendre avec Brunoni, je désire connaître les intentions de la Propagande, puisque voilà encore une modification apportée au plan primitif par la personne même avec qui l’on m’a dit de m’entendre. Vous pourriez ajouter que Brunoni doit venir en France à la fin de juillet, que je m’arrangerai pour le voir à Marseille et que, si la Propagande le désire, je pourrai, après m’être entendu avec lui, rédiger un mémoire que j’enverrai à Rome.

Vous voyez bien que, quand même les Polonais ne s’uniraient pas à nous entièrement, il y aurait place pour les uns et pour les autres; eux auraient plus spécialement les Slaves, nous le schisme en général. Je vous autorise à communiquer de cette dernière observation ce que la prudence vous inspirera.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Les Frères Emmanuel Bailly et Augustin Gallois, qui restaient à Rome pour l'été, tandis que Vincent de Paul était invité à assister au chapitre général de Nîmes.
2. V. de P. Bailly avait écrit le 4 juillet que les Pères Polonais agissaient séparément de nous pour la mission d'Orient et que Mgr Brunoni le savait parfaitement.
3. Mgr Brunoni pensait qu'il fallait s'attaquer au schisme photien tout entier pour ne pas laisser se concentrer les forces des Grecs contre les Bulgares (propos rapportés au P. d'Alzon par V. de Paul le 4 juillet).
4. Sans doute, mais le P. d'Alzon y avait introduit des collaborateurs, et ceux-ci s'étaient fait donner ou cherchaient à se faire donner exclusivement la mission sur les Bulgares et lui réservaient le schisme photien, qui ne répondait à rien de précis et de positif (S.V.). Dès ce moment, en tout cas, dans l'esprit de certains religieux polonais, la mission bulgare appartient exclusivement à leur congrégation. Ainsi, le 5 juillet, le P. Semenenko (celui-là même qu'on attendait au chapitre assomptioniste) a noté: "Dimanche. Départ du P. Supérieur pour Constantinople et la Bulgarie. Il doit voir le pays avant d'y établir la mission. [...] Le St-Père nous a confié cette mission. Cela est arrivé d'une manière providentielle. On avait suggéré au St-Père la congrégation de M. d'Alzon; celui-ci accepta mais à l'audience dit au St-Père qu'il ne pouvait accepter autrement qu'en union avec nous. Le St-Père y consentit volontiers; et comme M. d'Alzon n'a pas d'hommes mais tout au plus peut fournir quelques fonds, toute la mission nous est confiée." (trad. du texte cité en italien par KWIATKOWSKI, *Semenenko*, p. 294).
5. Sur la manière dont Vincent de Paul s'acquitta de cette commission v. VAILHE, *Vie* II, pp. 353-354.