DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 94

25 jul 1862 Nîmes QUINN Mgr

Il repoussera tout ce qui pourra être dirigé contre lui par le P. Cusse. – Le P. Brun se dispose à partir vers le 15 octobre avec un Frère convers.

Informations générales
  • DR04_094
  • 1811
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 94
  • Brouillon autographe ACR, AP 21 et minute ACR, AV 46; D'A., T.D. 40, n. 7, p. 143.
Informations détaillées
  • 1 MISSION D'AUSTRALIE
    2 BRUN, HENRI
    2 CUSSE, RENE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 POLDING, JOHN
    2 ROULAND, GUSTAVE
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 BRISBANE
    3 NEWCASTLE, AUSTRALIE
    3 ROME
    3 SYDNEY
  • A MONSEIGNEUR QUINN, EVEQUE DE BRISBANE
  • QUINN Mgr
  • Nîmes, le 25 juillet 1862(1).
  • 25 jul 1862
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
  • *Monseigneur l'Evêque de Brisbane*
La lettre

Monseigneur,

J’apprends qu’un prêtre de votre diocèse doit partir pour Rome, et y porter des plaintes contre vous. Je n’ai pas à entrer dans des affaires qui ne me regardent pas; mais je tiens à dire à Votre Grandeur que je suis parfaitement disposé à repousser tout ce qui pourrait être dirigé contre vous par le Père Cusse. Vous avez été trop bon pour le Père Tissot(2), pour que je ne considère pas cette ligne de conduite comme un devoir.

Le P. Brun se dispose à partir, avec un Frère convers, vers le 15 octobre(3). J’espère que vous l’accueillerez avec bonté et qu’il vous dédommagera des ennuis que vous a causés le P. Cusse, que je ne considère plus comme de la Congrégation(4).

Je suis avec respect,

Monseigneur,

votre très obéissant serviteur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le brouillon autographe et signé (AP 21) porte la date du *16 juillet* et la minute (AV 46), celle du *25 juillet*. Le registre du P. Brun confirme la date du 25 juillet pour l'envoi de cette lettre.
2. Les lettres du P. Tissot témoignent de façon émouvante de sa patience héroïque et de son esprit surnaturel, mais nous n'arrivons pas à y trouver trace des bontés de Mgr Quinn à son égard. Le P. Tissot est, par contre, très préoccupé des difficultés que rencontre son confrère, le P. Cusse, et de la façon dont sa conduite va être jugée en France. Dans sa lettre au P. d'Alzon du 3 mai, il dit qu'il va écrire à Quinn d'envoyer Cusse auprès de lui: "cela mettrait fin à des difficultés toujours plus graves". Après le départ du P. Cusse pour Sydney, il plaide pour son compagnon, invoquant les circonstances atténuantes. Au P. d'Alzon, le 10 juin: "Je désire beaucoup que les raisons qu'il vous donnera soient agréées par vous, et de fait, étant donné le caractère du P. Cusse et les circonstances dans lesquelles il s'est trouvé, il faut même lui savoir gré d'avoir pris patience si longtemps... Dans ce moment, je crois que le P. Cusse a besoin d'être traité avec indulgence et d'être traité par le coeur..."
Au P. Picard le 3 juillet: "L'un des deux soumis à des épreuves très fortes a été jeté dans une voie peu régulière."
Au P. d'Alzon, le 21 août, après avoir écrit que l'archevêque de Sydney a nommé Cusse à Newcastle malgré les protestations de Quinn: "Avouez, mon T.R.P., qu'il y a bien des manières de voir les choses et les hommes: à mon sens la confiance et l'indulgence ne sont pas dans un supérieur (ce dernier mot remplace le mot *administrateur* qui a été barré) ecclésiastique la plus mauvaise des politiques." En comparant l'attitude de l'arch. de Sydney et celle de Quinn, le P. Tissot fait appel indirectement à la confiance et à l'indulgence du P. d'Alzon et de ses confrères en France.
3. Il ne partira qu'en décembre.
4. Au même moment, à Sydney, où il est arrivé à la mi-juin et où, loin de Quinn, il retrouve peu à peu son équilibre, le P. Cusse écrit au P. d'Alzon. Sa santé, dit-il, lui a fait renoncer au voyage qu'il voulait entreprendre vers l'Europe. Envoyer un mémoire à Rome et y constituer un procureur, c'est une solution peu propre à servir la gloire de Dieu, et il propose d'en rester au *statu quo ante bellum* jusqu'à l'arrivée du P. Brun qui avec Tissot examinerait sa conduite, et dont il accepterait la décision. Et il conclut par ces mots qui, après 125 ans, nous émeuvent toujours: "Permettez-moi de clore enfin une correspondance désagréable pour ne plus me souvenir que des jours de mon enfance alors que vous me portiez sur vos épaules comme le bon pasteur (en attendant que vous m'ayez dans le dos). Désormais vous ne serez plus pour moi quoi qu'il arrive que le P. d'Alzon de l'ancien temps." (20 juillet 1862).
René Cusse était nîmois. Né en 1822, il avait 13 ans quand le P. d'Alzon arriva à Nîmes. Il était de ces enfants qui, à tout instant, envahissaient la maison louée par le jeune prêtre dans la rue de l'Arc-du-Gras et dont, entre deux réunions plus sérieuses, il se plaisait à partager les jeux.
Cette lettre n'était peut-être pas encore parvenue en France quand, quelques semaines plus tard, "les membres du Chapitre, consultés par le T.R.P. d'Alzon sur l'affaire du P. Cusse, émettent et signent tous un avis motivé duquel il résulte la nécessité que le P. Cusse soit et reste relevé de ses voeux." (Actes orig. des Chap. généraux, C 31, p. 62).
Quant au P. Cusse, comme il l'a promis, il a recommencé une nouvelle correspondance avec le P. d'Alzon. A la lettre qu'il écrit le 19 août, il donne le n° 1. Il y annonce au P. d'Alzon qu'après lui avoir donné l'hospitalité pendant deux mois, l'archev. de Sydney lui a confié la mission de Newcastle, à une quarantaine de lieues au nord de Sydney: "C'est, écrit-il, le jour de l'Assomption que j'ai été définitivement installé en charge de cette mission... j'y vois un acte providentiel..."
Enfin libéré de Quinn, le P. Cusse a perdu son agressivité, il s'épanouit à nouveau et, pendant les quelques années qui lui restent à vivre, il donnera toute la mesure de son zèle apostolique. Les 13 mois passés à Brisbane ont été pour lui un véritable calvaire. Venu en Australie dans la pensée d'y fonder une oeuvre de congrégation, il s'est heurté à l'autoritarisme et à la mauvaise foi de l'évêque. Il est convaincu d'avoir été berné par ce dernier et même par le P. d'Alzon dont il se juge abandonné. Il perd alors toute mesure. Ses lettres au P. d'Alzon sont pleines de reproches violents qui confinent à l'injure: des lettres "incroyables", se répétait-on en France. En même temps pourtant il échafaude des plans d'apostolat qui ne sont pas du tout dénués de raison, la preuve en est que le P. d'Alzon prit l'un d'eux en considération (voir *Lettres* 1705 n. 3 et 1716 n. 2). Mises sous les yeux du chapitre, les "lettres incroyables" ne pouvaient qu'aboutir à l'exclusion de leur auteur. Et encore n'avait-on pas eu connaissance de celles qu'il avait adressées le 10 avril 1862 au consul de France à Sydney et au ministre français des Cultes pour solliciter son rapatriement (Arch. Nation. F 19 5835). Pour gagner la faveur de ces personnages il disait désapprouver l'hostilité de son supérieur général au gouvernement et les intrigues politiques dans lesquelles, selon lui, s'engageait sa congrégation.