- DR04_151
- 1878
- DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 151
- Orig.ms. ACR, AJ 69; D'A., T.D. 32, n. 69, pp. 55-56.
- 1 ART DE LA MEDECINE
1 DISTINCTION
1 MISSION DE BULGARIE
1 RITE SLAVE
1 SEMINAIRES
1 VIE SPIRITUELLE
2 BARAGNON, PIERRE
2 BRUNONI, PAOLO
2 GALABERT, VICTORIN
2 HASSOUN, ANTOINE
2 PACCA, BARTOLOMEO
2 PICARD, FRANCOIS
2 PIE IX
2 VAILHE, SIMEON
3 ANDRINOPLE
3 CONSTANTINOPLE
3 NIMES
3 ROME - AU PERE VICTORIN GALABERT
- GALABERT Victorin aa
- Nîmes, 29 décembre [18]62(1).
- 29 dec 1862
- Nîmes
Mon cher ami,
Je commence par vous prier d’écrire plus lisiblement. La lecture de vos lettres m’a fait prendre les plus belles résolutions pour mon écriture. Peut-être en viendrai-je à bout, ne fût-ce que pour vous donner l’exemple.
Vous voilà arrivé. J’ai su que vous étiez attendu avec empressement. Profitez des bonnes dispositions que l’on a pour vous, mais n’en abusez pas. Si vous pouvez trouver quelques personnes qui, voulant se faire prêtres, comprennent assez le français pour profiter de vos leçons, donnez-leur des principes théologiques tant que vous pourrez. Vous pouvez rendre de très précieux services, mais pour l’amour de Dieu préparez vos plans et voyez la clarté que vous devez y mettre.
J’écris par le même courrier à Mgr Hassoun. Ne décidez rien par rapport au lieu où nous pourrons nous établir définitivement. Laissez-moi vous faire une petite récapitulation du résultat de votre voyage à Rome.
1° Cela vous a fait arriver quinze jours plus tard à C[onstantino]ple.
2° Vous n’avez pas su préciser le jour de votre départ en demandant votre audience; d’où il est résulté que vous n’avez vu le Pape que pour en avoir un refus(2).
3° Vous avez demandé de prendre le rit oriental. – Ajourné à C[onstantino]p[le].
4° D’être missionnaire apostolique. – Refusé.
5° D’exercer la médecine. – Refusé.
Je ne vous dis pas cela comme reproche, mais pour vous prouver que j’avais raison de ne pas tenir à ce que vous passiez par Rome; et, une autre fois, quand je vous témoignerai un désir, vous comprendrez que j’ai quelques raisons de vous donner une direction plutôt qu’une autre. Maintenant, vous comprendrez la nécessité d’acquérir de la tenue. On n’a pas l’air d’y toucher, mais on observe, et vous ne trouverez pas seulement de saints amis capables de vous apprécier par votre fond, qui est excellent, vous serez au milieu de personnes peu bienveillantes. Je ne vous dis pas d’être fin ni habile. Vous ne le serez jamais. Je vous dis d’être saint et de faire de votre tenue la plus importante de vos mortifications.
Offrez mes hommages à Mgr Brunoni, mes compliments à Pierre [Baragnon]. Adieu, cher ami. Tout à vous de tout coeur(3).
E.D'ALZON.2. L'anecdote de l'audience du P. Galabert vaut d'être contée. Laissons-lui la parole.
"J'ai eu le bonheur de voir le St-Père cet après-midi. Mgr Pacca m'a envoyé hier soir le billet qu'il m'avait promis; le rendez-vous était pour 3 h. de l'après-midi. Je suis arrivé à trois h. moins un quart; j'ai trouvé dans l'antichambre un Monsieur qui attendait. Après une demi-heure d'attente on a ouvert la seconde antichambre où nous avons été introduits ensemble; et nous avons continué à attendre une demi-heure; sans desserrer les dents, ni ouvrir les lèvres. Enfin un camérier est venu, et nous a fait signe d'avancer. Mon compagnon occupé à regarder les tableaux n'a pas vu le signal et est resté en arrière; j'ai suivi le camérier et après avoir traversé trois ou quatre salles vides, quel n'a pas été mon étonnement de me trouver en présence du St-Père, assis à son bureau de travail; j'étais assez embarrassé de ma personne; je me suis jeté à genoux. Le Pape m'a demandé qui j'étais; è Belgio lei, a-t-il ajouté. - Non, St-Père, ai-je répondu, je suis français. - Non è questo che domandava, a-t-il dit à son camérier; parole consolante et très propre à flatter l'amour-propre de votre serviteur.
- Qui êtes-vous? m'a-t-il dit alors.
- Je suis le P. Galabert de la Congrégation du P. d'Alzon de Nîmes.
- Où est donc le P. d'Alzon et comment va-t-il?
- Il est à Nîmes, très Saint Père, et il m'a chargé de présenter ses hommages à Votre Sainteté.
- Où allez-vous maintenant?
- Je vais à Constantinople.
- C'est vous qui devez donc vous occuper d'un séminaire pour les Bulgares?
- Oui, très St-Père.
- Mais ce n'est pas à Constantinople qu'il faut rester, c'est à Andrinople, a-t-il répété, qu'il faut aller; à Constantinople il n'y a rien à faire.
- Mais, très St-Père, je vais me mettre à la disposition de Mgr Brunoni; et j'agirai en toutes circonstances selon son avis.
- Alors c'est bien. - et il s'est levé et s'est avancé vers moi; il m'a présenté sa main à baiser et je lui ai présenté un crucifix à bénir. - Je lui ai parlé de la permission d'exercer la médecine; mais il m'a dit qu'il n'accordait pas cette permission par un simple rescrit, de m'adresser à la Congrégation des Conciles.
- J'ai, très St-Père, parlé au cardinal Barnabo; et c'est d'après le conseil de Son Eminence que je me suis adressé à Votre Sainteté.
- Faites-moi une demande dans les formes ordinaires, vous avez étudié la médecine?
- Oui, Très Saint-Père, j'ai pris le grade de docteur, et j'ai exercé. Eh! bien, faites votre demande, mais je n'aime pas d'accorder cette permission. Il m'a de nouveau présenté la main, que j'ai baisée, je me suis retiré; et mon compagnon d'attente qui était le Belge désiré a été introduit.
Voilà, mon cher ami, le compte-rendu aussi fidèle que peut le permettre ma mémoire de l'audience que le St-Père a bien voulu m'accorder. - Sans cette erreur du camérier, aurai-je été appelé? - C'est possible, mais le Pape m'a paru contrarié de ce malentendu, et cette pensée m'a troublé tout le temps de l'audience, et même après." (Lettre au P. Picard du 13 décembre 1862).
3. Cette finale fait oublier la rudesse de cette première lettre du P. d'Alzon au P. Galabert depuis son départ de France. Le "bon docteur" se révélait parfois maladroit et manquait un peu de distinction extérieure, et l'aristocrate qu'était le P. d'Alzon en concevait parfois quelque agacement.