DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 179

19 jan 1863 Nîmes BAILLY_VINCENT de Paul aa

Importance de l’affaire Galeran: sans une désapprobation publique par Rome de la conduite de Mgr Lecourtier, l’ultramontanisme pratique est enfoncé pour 50 ans. – Attitude du clergé de Montpellier envers Galeran.

Informations générales
  • DR04_179
  • 1896
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 179
  • Orig.ms. ACR, AG 63; D'A., T.D. 27, n. 63, pp. 52-53.
Informations détaillées
  • 1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 DOCTRINES ROMAINES
    1 EVEQUE ORDINAIRE DU DIOCESE
    1 ULTRAMONTANISME
    2 CHAILLOT, LUDOVIC
    2 GALERAN, HENRI
    2 LECOURTIER, FRANCOIS
    2 MAGUELONNE, HENRI De
    2 MERODE, XAVIER DE
    2 PIE IX
    3 ROME
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Nîmes, 19 janvier [18]63.
  • 19 jan 1863
  • Nîmes
La lettre

Mon cher ami,

J’ai aujourd’hui bien peu de temps à moi, mais il importe que je vous parle de l’affaire Galeran(1). Il ne faut pas qu’on se fasse illusion à Rome. Cette affaire a eu un immense retentissement en France. Si Rome ne trouve pas un moyen de prouver publiquement sa désapprobation de la conduite de Mgr Lecourtier(2), l’ultramontanisme pratique est enfoncé pour cinquante ans. Si la diplomatie préfère cela, je n’ai rien à dire; mais les prêtres qui se tournaient vers Rome comme vers un abri contre l’omnipotence épiscopale se tourneront vers le Conseil d’Etat. Qu’on ne se fasse pas illusion. Rome protectrice des prêtres force tout le clergé à se faire ultramontain, moins les évêques de cour. Rome abandonnant les prêtres, pousse les prêtres vers l’empire temporel. C’est à prendre ou à laisser. Si vous saviez ce que j’ai entendu dire aux meilleurs prêtres, vous seriez épouvanté; et l’on réfléchirait là où vous êtes, si on le connaissait.

Quant à Galeran, il n’est pas à plaindre. Un prêtre vient de lui laisser par héritage 250.000 francs. Ce n’est donc pas sa question personnelle qui occupe, c’est la question générale. Les prêtres les plus considérés du diocèse de Montpellier lui donnent des dîners, où ils invitent ce qu’il y a de mieux. Le supérieur du grand séminaire voulut un jour voir la liste des convives et, quand il eut pris connaissance des noms, il s’écria: « L’évêque ne peut plus rester ici ». Tout le monde croit qu’il partira(3). En pareil état, pourquoi Rome ne se donnerait-elle pas le mérite d’avoir contribué à ce départ?

S’il vous était possible de faire parvenir ces détails à M. de Mérode, vous feriez bien. Si vous ne pouvez l’aborder priez Chaillot de vous mettre en relation avec Maguelonne qui voit Mérode tous les jours et lisez-lui ma lettre.

Ici rien de neuf. Addio.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Lettre* 1822 et n. 1. Le 10 janvier, Vincent de Paul a écrit au P. d'Alzon que cette affaire embarrassait les autorités romaines: "le pape ne peut pas excommunier l'évêque de Montpellier et je ne vois pas comment on pourra l'obliger à satisfaire l'abbé Galeran."
2. Le ms a *Le Courtier*.
3. Il partit en effet, mais en 1873 seulement.