DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 203

28 feb 1863 Constantinople BAILLY_VINCENT de Paul aa

M. de Montvaillant. – Puisqu’il n’a pas soumis son cas de conscience, qu’il n’en soit plus question. – Coïncidences providentielles de son voyage. – Qu’il prie Dieu de l’éclairer. – Le P. Galabert va partir pour la Bulgarie, mais c’est uniquement pour obéir au Pape, car nous sommes suffisamment éclairés sur les Bulgares. – Il estime toujours davantage Mgr Brunoni. – Ce dernier lui propose un séminaire bulgaro-grec à Chalcédoine. Son entrevue avec deux députations bulgares. Le P. Galabert le fait parler avec une autorité qu’il n’a pas prise dans son entretien avec les Bulgares.

Informations générales
  • DR04_203
  • 1925
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 203
  • Orig.ms. ACR, AG 67; D'A., T.D. 27, n. 67, pp. 57-60.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 BULGARES
    1 DEVOTION AUX SAINTS
    1 OEUVRES D'ORIENT
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 RITE SLAVE
    1 SEMINAIRES
    1 VICAIRE GENERAL
    1 VOYAGES
    2 AGATHON, SAINT
    2 ARABADZIJSKI, PIERRE
    2 BRUNONI, PAOLO
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 HASSOUN, ANTOINE
    2 KACZANOWSKI, CHARLES
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 MALCZYNSKI, FRANCOIS
    2 MONTVAILLANT, ALFRED DE
    2 PIE IX
    2 PIERRE, SAINT
    2 SIMEONI, GIOVANNI
    2 SOFRANOV, IVAN
    2 SOKOLSKI, JOSIF
    2 TITE, SAINT
    3 ANDRINOPLE
    3 ANTIOCHE DE PISIDIE
    3 BULGARIE
    3 CHELM, DIOCESE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 CRETE
    3 KADI-KOY
    3 ROME
    3 SLIVEN
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Constantinople, 28 fév[rier 18]63.
  • 28 feb 1863
  • Constantinople
La lettre

N° 6 ?

Cher ami,

Avant toute chose, de peur de l’oublier, si M. Alfred de Montvaillant vient vous voir, recevez-le comme mon cousin, mais comme mon cousin que je n’ai jamais vu de ma vie, ni de mes jours. On dit qu’on peut le recommander et qu’il est très bien.

Je mets un point d’interrogation au n° 6. Je ne suis pas bien sûr de mon fait. Je crois bien vous avoir adressé plus d’une demi-douzaine de lettres depuis le commencement de l’année; vous en serez quitte pour mettre des bis.

Puisque vous n’avez pas soumis mon cas de conscience(1), qu’il n’en soit plus question. Quand je serai à Rome, je verrai. Merci de toutes vos bonnes prières. Il est sûr que j’ai eu de bien précieuses circonstances(2) (je cherche le mot sans le trouver), où j’ai pu voir une indication providentielle. J’ai passé aussi près de Crète, aussi près que les distances sur mer le permettent, quand l’Eglise romaine commençait les premières vêpres de saint Tite. J’étais parti le jour de saint Agathon. On avait renvoyé pour moi la fête de la chaire de saint Pierre à Rome, tout juste pour que je pusse en dire la messe à mon arrivée à Constantinople. Le lendemain, fête de la chaire de saint Pierre à Antioche, c’est admirable. Il se trouve que le samedi de mon arrivée était la station à Saint-Augustin. Dieu soit béni!

Priez Dieu pour que je sache bien ce que j’ai à faire. Il me semble apercevoir une combinaison, mais j’aurais besoin de vous pour huit jours. Enfin, nous prierons Dieu de nous venir en aide.

Le Père Galabert va partir pour la Bulgarie. Si vous voyez Mgr Simeoni, vous pouvez lui dire que c’est uniquement pour obéir aux désirs du Pape; car franchement, je crois que nous sommes suffisamment éclairés sur les Bulgares, et je dois dire franchement que celui qui y avait vu le plus clair, c’était Mgr Brunoni. Mgr Hassoun semble un peu découragé, et il y a de quoi; mais en même temps Mgr Brunoni, qui n’avait pas pris feu et qui ne veut pas se décourager,m’engageait aujourd’hui encore de donner un peu d’énergie à Hassoun qui semblerait disposé à jeter le manche après la cognée. Le P. Galabert va avec M. Malczinski(3), qui était envoyé par Mgr Brunoni. J’ai été bien aise qu’ils fissent le voyage ensemble. Peut-être le P. Galabert retournera-t-il avant son compagnon.

Ce qui manque aux Bulgares, ce sont des hommes; ils n’en ont pas. Il faut leur en former. Dans leur orgueil ils veulent se passer de l’Occident, et même du Pape, et même, le croiriez-vous? – non, vous ne le croiriez pas , et même du P. Galabert. « Que vient faire chez nous ce petit Latin? disent-ils. Voyez-vous l’impertinent? » – Eh bien! que faire et qu’espérer d’un peuple, dont les principaux traitent le P. Galabert de petit Latin? Non, la postérité ne le croira pas, et c’est pourtant bien vrai.

Adieu, cher ami. Recommandez-moi toujours aux saints de Rome. Ce sont de bien braves saints, et vous pouvez leur dire que je les aime beaucoup. J’acquiers tous les jours une plus grande estime pour Brunoni. Quand le P. Charles(4) arrive-t-il? Dites bien au P. Jérôme, tout en l’assurant de ma plus tendre affection, que le P. Galabert ne fera que visiter Andrinople, mais que je lui réserve cette ville, ainsi qu’il l’a désiré. Nous resterons très probablement à Constantinople. Si Simeoni vous demande ce que je compte faire, répondez-lui que je cherche, que Mgr Brunoni me propose un séminaire bulgaro-grec à Chalcédoine, que j’étudie la question. Adieu, cher fils.

3 mars.

Vous pouvez dire à Mgr Simeoni, si vous le jugez convenable, que j’ai reçu deux députations de Bulgares demandant qu’on leur donnât des prêtres et des évêques de leur nation. La première fois, je leur ai parlé avec beaucoup de douceur; mais la seconde fois où ils n’étaient que trois et sachant le français, après avoir pris les ordres de Mgr Brunoni, je leur ai tenu un langage très énergique. L’un d’eux venait me dire que l’éparchie de Slivno(5) était disposée à passer à l’union, si l’on voulait leur donner un évêque bulgare. (Cette éparchie compte 25.000 familles). Je répondis qu’on le leur donnerait plus tard, quand ils auraient des hommes capables; qu’ils n’en avaient pas, qu’ils devaient donner le temps d’en former; que l’on commençait à leur prendre des enfants pour les élever, et que l’Eglise partout et toujours ayant envoyé des missionnaires étrangers dans les pays où la foi se renouvelait, je ne voyais pas pourquoi on ne ferait pas la même chose en Bulgarie; qu’on les avait traités, comme jamais une nation ne l’avait été; mais que l’exemple de Sokolski(6) devait tenir sur le qui vive; et que je ne voyais pas pourquoi, lorsqu’on leur donnait une église, un journal, des ornements, l’éducation pour leurs enfants, eux auraient constamment cette défiance. Ils me dirent: « Dans ce cas, l’union avec Sélimno(5) ne se fera pas ».- « Tant mieux, répondis-je; car si elle s’était faite avec de pareilles conditions, il est probable qu’elle n’eût pas duré ».

4 mars.

Je lis la lettre du P. Galabert. Son compte-rendu a quelques inexactitudes ennuyeuses(7), parce qu’il me fait parler avec une autorité que je n’ai pas prise dans mon entretien avec les Bulgares, et si vous lisiez ce qu’il a écrit à Simeoni, il pourrait me supposer des prétentions que je n’ai certainement pas. Mgr Brunoni tient à ce que Malczinski parte pour la Bulgarie, et, dans ce cas, il est certain que le P. Galabert l’accompagnera. En ce moment, l’affaire bulgare va passer par une crise, dont j’attends, pour mon compte, de très bons résultats. On ira plus lentement, mais plus sûrement.

Adieu, et tout vôtre en N.-S.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Voir *Lettre* 1909.
2. "Lisez coïncidences; je l'ai trouvé ce soir". (Note de l'auteur)
3. Prêtre ruthène du diocèse de Chelm qui avait fui la persécution russe et dont l'administrateur des Bulgares-Unis, Arabadzijski, avait fait son vicaire général. Arabadzijski ayant démissionné (4 février 1863), les autorités catholiques avaient mis en avant pour le remplacer le nom de Malczinski, mais les Bulgares-Unis de Constantinople, désirant un évêque de leur nation, refusèrent unanimement cet étranger. Les autorités catholiques maintinrent leur point de vue, et ce fut l'origine d'une crise à laquelle les Pères d'Alzon et Galabert se trouvèrent mêlés. Dans la partie de notre lettre datée du 3 mars, le P. d'Alzon raconte ses entrevues du 1er mars avec deux députations bulgares. Sur cette crise, dont l'épisode principal fut la réunion du Comité latin du 3 mars, voir SOFRANOV, *Histoire du mouvement bulgare vers l'Eglise catholique au XIXe siècle*, pp. 94-208, Rome, 1960.
4. P. Charles Kaczanowski, Résurrectioniste.
5. Le P. d'Alzon écrit Slivno ou Sélimno. Il s'agit de Sliven, dans la Bulgarie orientale actuelle.
6. L'archevêque Sokolski, chef des Bulgares-Unis, avait mystérieusement disparu en juin 1861, vraisemblablement enlevé par les Russes (voir SOFRANOV, o.c., pp. 111-138).
7. Dans sa lettre du 4 mars à V. de P. Bailly, Galabert raconte lui aussi les entrevues du P. d'Alzon avec les délégués bulgares. Le P. Galabert ayant écrit: "Le P. d'Alzon a répondu aux délégués qui lui demandaient un évêque bulgare qu'on était disposé à satisfaire leurs désirs s'ils pouvaient présenter aux évêques un prêtre qui eût leur confiance", le P. d'Alzon a ajouté de sa main: "Je n'ai pas dit cela, j'ai seulement insisté sur la nécessité première de faire former un clergé capable."