DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 225

17 mar 1863 Constantinople SAUGRAIN Hippolyte aa

Varia. – Un sermon où il a parlé de la Pologne. – Les Bulgares. – Une prochaine révolution russe. – Le prix des terrains. – Il quittera Constantinople le 10 ou le 18. – Il renonce à Jérusalem. – Maladresses du P. Galabert, par ailleurs plein de zèle et de bonne volonté, et d’un dévouement absolu: il trottine en Bulgarie à la recherche d’un honnête homme.

Informations générales
  • DR04_225
  • 1941
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 225
  • Orig.ms. ACR, AK 45; D'A., T.D. 33, n. 55, pp. 32-34.
Informations détaillées
  • 1 ACHAT DE TERRAINS
    1 BULGARES
    1 REVOLUTION
    1 SERMONS
    1 VOYAGES
    2 ESCHYLE
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 GUIZARD, LOUIS
    3 BULGARIE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 JERUSALEM
    3 POLOGNE
    3 ROME
    3 RUSSIE
  • AU PERE HIPPOLYTE SAUGRAIN
  • SAUGRAIN Hippolyte aa
  • Constantinople, 17 mars 1863.
  • 17 mar 1863
  • Constantinople
La lettre

Hélas! Hélas! le P. Galabert est en Bulgarie et Guizard aussi, et je suis seul comme un orphelin de père et de mère. Ah! ah! je me trompe et je devrais dire: Pheû, Pheû, Pheû! comme dans les choeurs d’Eschyle. Mais je crois que je ferai mieux de ne rien dire du tout. Mettez que je n’aie rien dit, et puis voilà, qu’avez-vous à dire? Cela dit, c’est-à-dire ayant dit que je ne dirais rien, je dois vous dire pourtant que je vous sacrifie ni plus ni moins que l’illumination du ramadan et le grand baïram(1), ou tout autre grande chose en an ou en am. Je ne sais plus rien et je le fais sans trop de peine. J’ai été invité tout à l’heure à aller voir les illuminations du pont d’un vaisseau placé au milieu de la Corne d’or. Eh! bien, j’en ai été empêché par des visites et je viens me dédommager avec vous.

Quid novi. Hier, à mon sermon, j’ai parlé de la Pologne. On est venu me dire que j’avais bien fait, mais que la Russie pourrait bien me dénoncer. On m’a dit que j’avais bien fait, mais que la Russie ne me dénoncerait pas. On m’a dit je ne sais plus quoi encore, et puis on ne m’a plus rien dit. Si pourtant, on m’a dit que les Bulgares sont des misérables, et, par ce côté, on a entièrement raison. On m’a dit que nous allons avoir la plus belle révolution russe que l’on puisse avoir: 93 sera une bagatelle en comparaison. On m’a dit… Oh! la cloche du souper sonne…

Bon, j’ai soupé. J’ai vu deux personnes, j’ai parlé de terrain à acheter. Mon cher, les terrains sont à un prix fou. Je ne veux pas acheter, je préfère qu’on me donne. N’est-ce pas que ce serait bien mieux? Si vous trouvez en France quelqu’un qui veuille me donner quelque chose, beaucoup de choses en Turquie, dites-lui, de ma part, que cela me fera bien plaisir et que je lui en serai bien reconnaissant. Les Turcs ne se doutent pas du plaisir qu’ils me feraient, s’ils voulaient bien ne pas me traiter de Turc à Maure.

Quand vous aurez répondu à cette lettre, vous ne m’écrirez plus à C[onstantino]p[le] , mais à Rome, à moins que, d’ici au second courrier, je n’aie changé d’avis et que je reste ici huit jours de plus; ce qui est très probable. Je partirai le 18, au lieu de partir le 10, voilà la différence. Vous savez que je renonce à Jérusalem. Le P. Galabert est toujours le même. Je lui prête mon parapluie, il m’en casse la pomme; je lui prête un livre, il me le rend chiffonné; il me porte des lettres, je ne sais s’il les a employées à plier q[uel]q[ue] chose; du reste plein de zèle et de bonne volonté, prêt à tout et d’un dévouement absolu. Il trottine en ce moment en Bulgarie à la recherche d’un honnête homme. S’il le trouve, je lui brûle un cierge.

Adieu, très cher ami. Je vous aime bien, je vous assure. Priez pour moi.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le manuscrit porte: *bezram*. Fête musulmane marquant la fin du ramadan ( le manuscrit a *ramazan*) et occasion de réjouissances publiques.