DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 254

4 apr 1863 Péra BARAGNON_PIERRE

Quelques réflexions à propos de l’article paru dans le numéro du 2 avril du *Journal de Constantinople* sur le mouvement bulgare vers l’Eglise catholique.

Informations générales
  • DR04_254
  • 1968
  • DERAEDT, Lettres, vol.4 , p. 254
  • Paru dans le *Journal de Constantinople* du 4 avril 1863; Orig.ms. ACR, CV 1; D'A., T.D. 39, n. 2, pp. 85-86.
Informations détaillées
  • 1 RETOUR A L'UNITE
    1 SCHISME GREC
    1 TURCS
    2 BRUNONI, PAOLO
    3 CONSTANTINOPLE
    3 ROME
    3 SVISTOV
    3 TIRNOVO
    3 TURQUIE
  • A MONSIEUR PIERRE BARAGNON, DIRECTEUR DU JOURNAL DE CONSTANTINOPLE
  • BARAGNON_PIERRE
  • [Péra, 4 avril 1863].
  • 4 apr 1863
  • Péra
La lettre

Monsieur le directeur,

Vous annoncez, dans votre numéro du 2 avril, une nouvelle pleine d’intérêt au sujet du mouvement des Bulgares vers l’Eglise catholique(1). Permettez-moi toutefois quelques réflexions sur le récit que vous donnez et que j’ai tout lieu de croire exact.

Qu’il faille la sanction de la Porte pour autoriser le changement politique des Bulgares unis dans leurs rapports avec l’autorité, c’est plus clair que le jour; mais ce qui ne l’est pas moins, c’est que pour constater les conséquences de l’union et les approuver, il faut que l’union soit faite. Or, s’il se trouvait dans l’acte de séparation du patriarcat grec des conditions inacceptables en droit et inacceptées en fait par l’Eglise catholique, les Bulgares se trouveraient n’être unis ni avec les catholiques ni avec les orthodoxes, et, dès lors, indépendants. Serait-ce ce que désirent, dit-on, quelques ambitieux?

Laissant de côté l’affaire de Sistovo, j’ai quelques motifs de penser que plus d’une fois l’espoir de ne pas acquitter certains droits exigés étaient le grand mobile de la rupture avec le Phanar et du retour vers Rome. Or, l’honneur de Rome exige que l’union soit une affaire non d’intérêt et d’argent, mais de foi et de vérité.

Les populations bulgares sont trop intéressantes pour qu’il soit permis à quelques hommes de faire de leur adhésion à telle ou telle Eglise matière à spéculation; et, d’autre part, quelle que soit la distance qui les sépare, les personnes placées à la tête des deux grandes communions se doivent porter un respect réciproque assez grand pour ne pas permettre que la forme de certaines agitations soit le succès de certaines intrigues subalternes.

Quant à l’acte de la commune de Sistovo dont vous faites mention, je crois être sûr qu’il a été communiqué il y a huit jours à peine, à Mgr le Délégat apostolique, que la traduction de cette pièce lui a été remise d’une manière qui n’avait rien d’officiel; que n’ayant pas l’original, Mgr le Délégat n’a pu faire vérifier l’exactitude de la traduction, qu’il a pourtant ordonné un examen, mais que le rapport demandé par lui, lui a été remis le 2 avril seulement(2), et que ce rapport réclamait de profondes modifications dans la pièce qui en était l’objet.

Rome appelle de tous ses voeux la réalisation du mouvement que vous constatez et qui pousse de vastes contrées vers l’unité catholique, mais quelque amour qu’elle porte aux nombreuses populations qui tournent les yeux vers elle, de tristes expériences lui font préférer à un empressement trop peu éclairé, une sage lenteur qui lui permettra d’éviter les inconvénients de certaines ingérences plus ou moins acceptables.

Veuillez agréer, etc.

E.D'ALZON.|*Péra, 4 avril 1863*.
Notes et post-scriptum
1. Le *Journal de Constantinople* du 2 avril avait annoncé la séparation de la commune de Svistov du patriarcat grec et son accession à l'union catholique "au moyen d'un acte spécial... qui a été envoyé à Constantinople pour être revêtu de la sanction de la Porte". Le journal annonçait ensuite que Tirnovo, siège du métropolitain, suivrait probablement bientôt cet exemple et que par suite "la complète union de l'Eglise bulgare à l'Eglise de Rome ne se ferait plus longtemps attrendre" (Cop.ms. CV 1).
2. Il est daté du 29 mars (*Lettre* 1957).