DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 78

23 jun 1864 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il faut laisser tomber toutes nos misères et nous faire l’un à l’autre le plus de bien que nous pourrons. – La tristesse de sa lettre est le résultat fort tristes préoccupations.

Informations générales
  • DR05_078
  • 2235
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 78
  • Orig.ms. ACR, AD 1351; D'A., T.D. 23, n. 791, pp. 125-126.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 DEFAUTS
    1 EPREUVES
    1 FAUTE D'HABITUDE
    1 MALADES
    1 MISERES DE LA TERRE
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
    1 TRISTESSE
    3 NIMES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 23 juin 1864.
  • 23 jun 1864
  • Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Je veux immédiatement répondre à votre lettre, que j’ai reçue il y a un moment(1). Eh bien, il faut, je crois, laisser tomber toutes nos misères et nous faire l’un [à] l’autre le plus de bien que nous pourrons. Je ne puis vous dissimuler que, vous aussi, vous m’avez causé des peines bien grandes. La conclusion est, ce me semble, que nous avons beaucoup à nous tolérer réciproquement. Il me sera bien bon d’être tout vôtre, ma fille, mais, vous l’avouerai-je, il faudra que vous y mettiez du vôtre; car si dans le temps j’ai pu vous trouver inexcusable, je sens que je le deviendrais, si la disposition où je croyais vous voir se prolongeait trop.

Je désire de toute mon âme que vous trouviez dans la manière dont je vous parle mon ancienne affection, et mon plus vif désir que le passé ne soit qu’une expérience et nous aide à nous retrouver ce que nous devons être devant Dieu l’un pour l’autre, moins nos imperfections, nos défauts et nos blessures.

Adieu, ma bien chère fille. Je vous quitte avec un bon espoir dans le coeur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
En relisant ma lettre, j'y trouve une tristesse qui est surtout le résultat d'une journée passée au milieu de fort tristes préoccupations, qui ne me regardent que parce que j'ai dû me donner à des affligés, à des malades et à des gens impatientés. Votre lettre aurait dû dissiper tout cela.1. A la lettre du P. d'Alzon du 20 juin, Mère M.-Eugénie avait répondu le 22 par la suivante:
"Mon cher Père, il y a du vrai dans ce que vous me dites dans la lettre que je reçois à l'instant, mais non pas si absolument que vous le posez. Permettez-moi de vous dire que c'est le résultat involontaire d'une bonne résolution. Après les extrêmes douleurs que j'ai trouvées à Nîmes dans les premiers jours de 1862 et en réfléchissant à l'ennui que je vous y avais causé avec les meilleures intentions du monde, je me suis rappelée que jamais dans les meilleurs temps vous n'aviez pu supporter cette infirmité d'esprit et de coeur qui crée en moi des besoins d'apaisements, d'explications, de rassurements; je me suis donc proposé de mettre de côté ma nature et ses mouvements pour ne vous faire plus trouver en moi que la chrétienne humble et dévouée; toutes les fois que je vous ai vu, j'ai été dans une grande crainte de conscience de sortir de là et de retomber par trop d'expansion sur les côtés faibles de ma nature. Réfléchissez-y, mon cher père, et je ne crois pas que vous trouviez autre chose dans ces deux ans et demi. Si le résultat n'est pas aussi bon que je l'avais espéré rappelez-vous aussi que toute ma vie vous me disiez dans mes troubles de prendre les choses plus surnaturellement et d'y mettre plus d'humilité, j'ai cru le faire. Je n'accepterai pas sans chagrin la situation que vous exprimez. Dieu, mon âme et notre Congrégation sont dans cette question: décidez vous-même ce que j'y dois faire. Quoiqu'il en soit je ne prendrais jamais votre conclusion actuelle que dans cette pensée que nous n'avons plus ni vous, ni moi qu'une vie assez courte devant nous et que nous nous retrouverons et nous expliquerons toujours au-delà dans ce monde meilleur où notre affection pure et réelle restera pour nous unir et où nos défauts cesseront de se mettre à la traverse.
Ne craignez pas de me troubler, mon cher père, j'attends et désire l'expression de votre pensée et suis bien vôtre en N.S."
Sr M.Eug. de Jésus
(D.S.)
C'est à cette lettre qu'à son tour répond le P. d'Alzon.