DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 165

6 oct 1864 Lamalou MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il n’y avait qu’ouverture de coeur là où elle a vu des injustices déraisonnables. – Il lui sera impossible d’aller à Paris de quelque temps.

Informations générales
  • DR05_165
  • 2347
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 165
  • Orig.ms. ACR, AD 1357; D'A., T.D. 23, n. 808, pp. 140-141.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 BONTE
    1 COLERE
    1 DESIR
    1 ERREUR
    1 ESPERANCE
    1 FRANCHISE
    1 IMPRESSION
    1 INJUSTICES
    1 JOIE
    1 MISERES DE LA TERRE
    1 MISERICORDE
    1 PENSEE
    1 SAINTETE
    1 SEVERITE
    1 SOUFFRANCE
    1 VOYAGES
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Lamalou, 6 oct[obre 18]64.
  • 6 oct 1864
  • Lamalou
La lettre

Ma chère fille,

Ma lettre, je le sais bien, pouvait être prise de deux manières: l’une pénible, parce que tout ce que j’y disais pouvait, en effet, n’être pas agréable; l’autre d’une manière amicale, si vous eussiez voulu voir plutôt une confidence, trop franche peut-être, une confession (si vous le voulez,) qu’autre chose, et dans cette confidence le désir très sincère de faire disparaître désormais tout malentendu. La prière que je vous faisais de me répondre prouvait, ce me semble, que je pouvais espérer une bonne réponse, parce que vous eussiez vu dans ma sincérité autre chose que de l’injustice et de la déraison(1). Mes appréciations pouvaient être fausses, et vous n’aviez qu’à le déclarer. Injustes, je ne vois pas trop en quoi, puisque je vous communiquais mes impressions afin que vous pussiez les rectifier, si elles étaient erronées. Déraisonnables? Je raisonnais d’après le passé, comme vous-même vous l’avez reconnu avoir été(2).

Les circonstances ne sont plus les mêmes, me dites-vous encore. Comment dois- je accepter cette explication, de votre part? Au fond, quel était le but de ma lettre? N’était-ce pas de vous dire que, par ma faute ou par la vôtre, nous avions perdu du temps à nous faire souffrir, (car si vous pouvez me faire quelques reproches en ce genre, je puis bien vous en renvoyer quelques-uns); que ce qui nous restait de vie devait être employé à nous prendre par le bon bout, si je puis parler ainsi; et qu’en nous pardonnant nos misères réciproques, en allant non par de continuelles récriminations, mais bonnement, amicalement et saintement, nous pouvions nous être un mutuel secours, un mutuel appui et même, si vous vouliez le permettre, une mutuelle joie.

Voilà ce que je voulais dire. Il est évident par votre lettre que je suis loin d’avoir atteint mon but. J’avais pensé qu’en vous disant tout, je vous fournissais le moyen de tout détruire, si je me trompais. Ce n’est pas ainsi que vous avez pris ma pensée à la première lecture; à la seconde, vous avez commencé à mieux me juger. Je souhaite de toute mon âme qu’à la fin je sois assez clair, pour que vous voyiez, dans tout ce que je dis, que mon plus ardent désir est que vous ne trouviez qu’une ouverture de coeur là où vous avez été choquée par des injustices déraisonnables.

Il me sera absolument impossible d’aller à Paris de quelque temps. Les motifs que je vous ai donnés sont toujours les mêmes. Tant que je n’aurai pas d’aide à donner au P. Hippolyte, il faudra que j’aille et que je vienne de Nîmes au Vigan; il faut aussi que j’aide le P. Vincent de Paul dans une certaine mesure.

Adieu, ma chère fille. Quand donc voudrez-vous voir que je suis très embarrassé? Faut-il vous montrer le fond de mon âme? Vous en êtes blessée. Faut-il la cacher? L’amitié entre nous me paraît en souffrir. Comment me tirer de cette situation? Il me semble qu’avec vous il ne devrait jamais y avoir une occasion où j’aurais trop parlé. Je ne demande plus rien.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. " Votre lettre [...] m'a fait de la peine, mon cher père, et puisque vous me dites d'y répondre, souffrez que je vous avoue que je la trouve injuste et déraisonnable [...]. Je m'étais dit jusqu'à présent que j'avais été assez souvent déraisonnable pour souffrir que vous le fussiez à votre tour. Mais vraiment vous passez un peu les bornes cette fois..." (Lettre n° 3035 du 5 octobre de Mère M.-Eugénie). - Malheureusement, la lettre du P. d'Alzon ayant provoqué cette vive réaction est perdue.
2. C'est-à-dire, comme vous-même avez reconnu l'avoir été.