DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 263

7 mar 1865 Nîmes PITRA Cardinal

Il rétablit les faits en ce qui regarde les sommes qu’il aurait promises et non fournies à Mgr Brunoni. – Mgr Calomati. – Son testament.

Informations générales
  • DR05_263
  • 2467
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 263
  • Cop. du P. Emm. Bailly ACR, AO 208; D'A., T.D. 40,n.12, pp. 83-86.
Informations détaillées
  • 1 ACHAT DE TERRAINS
    1 ARGENT DU PERE D'ALZON
    1 BULGARES
    1 CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
    1 CONTRAT DE VENTE
    1 CREANCES A PAYER
    1 ECOLES ASSOMPTIONNISTES D'ORIENT
    1 GRECS
    1 IMPROBITE
    1 INTERETS
    1 LEGS
    1 LUXURE
    1 MENSONGE
    1 MISSION DE BULGARIE
    1 MORT
    1 RECONNAISSANCE
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 SEMINAIRES
    1 TESTAMENTS
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VICAIRE APOSTOLIQUE
    1 VICAIRE GENERAL
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 BAROCHE, PIERRE-JULES
    2 BISMONT, DE
    2 BRUNONI, PAOLO
    2 CALOMATI, ANDREA
    2 HASSOUN, ANTOINE
    2 HOWARD, EDWARD
    2 LANGRAND-DUMONCEAU
    2 LASCOURS, DE
    2 LAVIGERIE, CHARLES
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SIMEONI, GIOVANNI
    3 BULGARIE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 JERUSALEM, CENACLE
    3 LIBAN
    3 NIMES
    3 PHILIPPOPOLI
    3 ROME
  • AU CARDINAL PITRA
  • PITRA Cardinal
  • Nîmes, le 7 mars 1865.
  • 7 mar 1865
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Monseigneur,

C’est encore moi qui viens entretenir Votre Eminence de quelques observations qu’on a faites, à Rome, à Monseigneur de Nîmes, à propos de quelques plaintes formulées par Mgr Brunoni à mon égard. Le vicaire apostolique de Constantinople se serait plaint de ce que je n’aurais point fourni les sommes que j’aurais promises. Je vous demande la permission de rétablir exactement les faits.

1° J’avais manifesté à Mgr Howard l’intention d’acheter à Jérusalem le Cénacle; celui-ci m’en détourna et me poussa, de concert avec Mgr Lavigerie, à m’occuper de la Bulgarie. Il me mit en relation avec Mgr Simeoni, qui parla au Pape de ce nouveau projet. Pie IX me fit dire d’en parler au cardinal Barnabo. Je fis répondre qu’ayant l’année précédente promis de m’occuper du Liban et ayant déjà reçu, pour les élever, quelques jeunes Maronites et Syriens, je ne me sentais pas assez fort pour tenter, à moins d’un ordre exprès, une seconde entreprise. Le Pape eut la bonté de se plaindre de ce que je ne lui avais pas demandé d’audience et de m’en indiquer une pour le vendredi 6 juin 1862.

2° Dans cette audience le Pape me témoigna le désir que j’établisse un séminaire en Bulgarie.

3° Fort de cette invitation, je me présentai devant le cardinal Barnabo, qui me renvoya à Mgr Brunoni. Je revis le cardinal en présence de Mgr Hassoun, et devant ce dernier il me recommanda, de la manière la plus expresse, de suivre la direction que me donnerait Mgr Brunoni(1).

4° Je partis pour Constantinople, et, après avoir visité plusieurs terrains, je laissai à Mgr Calomati, vicaire général de Mgr Brunoni, pleins pouvoirs pour acheter un local destiné à construire un séminaire. De plus, sur les indications de Mgr Brunoni, je préparai un mémoire à présenter à la Propagande. Je sus que mon mémoire n’avait pas été agréé(2); ce qui, je vous l’avoue, m’importait peu, parce que ce qui plaisait le moins n’était pas de moi et n’était que le résultat de mon respect pour la direction du cardinal Barnabo(3).

5° Quant au terrain, il ne fut point acheté, mais tout à coup par dépêche télégraphique on m’en demanda le prix pour fournir aux besoins du vicariat apostolique. Je répondis que la somme serait envoyée, lorsque j’appris de la source la plus certaine que Calomati n’avait point acheté le terrain convenu, afin de ménager l’établissement des Jésuites(4). Joué de la sorte, pouvais-je continuer à accepter ce rôle de dupe vis-à-vis du vicaire général, qui, par parenthèse, m’avait prié de dire au cardinal Barnabo que si l’on voulait qu’il continuât de prêter de l’argent au vicariat apostolique, il fallait qu’on le nommât évêque?

6° Mgr Brunoni m’avait dit qu’il devait 200.000 francs, dont il payait le 12 %, que je lui rendrais un vrai service si je lui procurais cette somme à 6 %. Je la trouvai, en effet, précisément en m’adressant à M. Langrand par l’intermédiaire de M. de Bismont. Monseigneur n’a pas cru devoir accepter la combinaison proposée(5), mais ce n’est pas ma faute. Moi-même, j’avais mis en vente une de mes terres dont je devais lui envoyer le prix; la mort d’une des personnes intéressées a fait rompre le contrat.

7° De plus, le Pape m’ayant fait dire que c’était surtout un séminaire en Bulgarie qu’il désirerait, j’ai dirigé tous mes efforts vers Philippopoli. J’y mets chaque année une somme considérable, qui ira toujours en augmentant. Nous avons commencé une école; nous aurions un séminaire, si l’immoralité des jeunes Bulgares et leur improbité inouïe ne nous montraient la nécessité de nous en emparer, dès l’âge le plus tendre; nous irons plus lentement, mais plus sûrement.

Quant à Constantinople, j’y ai entièrement renoncé pour travailler uniquement sur le point que nous a indiqué le Saint-Père.

Voilà, Monseigneur, ce que je tenais à dire à Votre Eminence pour vous expliquer ma conduite envers Mgr Brunoni. Je tiens à constater toutefois que j’établis la différence la plus absolue entre Mgr Brunoni et son grand- vicaire, et qu’on m’a peint celui-ci sous les couleurs les plus odieuses, auxquelles j’avais refusé de croire jusqu’à ce qu’il m’eût joué un vrai tour de Grec. Mgr Brunoni, au contraire, a été plein de bontés pour moi et je lui en témoignerai toujours la plus profonde reconnaissance. Ce qui m’étonne, c’est que le cardinal Barnabo ait paru accueillir certaines plaintes. A mon passage à Rome, je lui avais dit que j’avais fait mon testament, dans la prévision où je viendrais à mourir avant d’avoir fait notre établissement définitif là où le Pape le désire, et que je lui léguais dans ce but 400.000 francs. Bien entendu, Monseigneur, que si le Saint-Père veut donner un autre emploi à cette somme, avant que je ne l’aie transportée en Bulgarie, il en sera toujours le maître. Je puis procéder avec une certaine lenteur, mais c’est parce que je suis certain que tôt ou tard les intentions pontificales seront réalisées; et si je prends du temps, c’est pour les exécuter avec plus de sûreté et d’intelligence.

Je demande pardon à Votre Eminence de La fatiguer de tous ces détails, mais je tenais à les lui donner, afin qu’Elle puisse en faire tel usage qu’Elle jugera à propos si les circonstances l’exigent.

Je joins à cette lettre qui vous sera remise par M. de Lascours, un de nos plus excellents catholiques, une copie d’une lettre de Mgr de Nîmes au ministre des Cultes, et qui pourra vous intéresser.

Je prie Votre Eminence d’agréer l’hommage de mon plus tendre et plus respectueux dévouement.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Pour tous ces faits, voir notamment la *Chronologie* de l'année 1862 dans cette série de lettres (tome IV, p.2-3).
2. De passage à Rome à son retour de Constantinople, le P. d'Alzon présenta à la Propagande un rapport daté du 25 avril 1863 (*Lettre* 1979). Sur l'accueil qui fut fait à ce rapport, voir *Lettres* 2027, n. 2 et 3, et 2038, n. 2.
3. Qui, comme il est dit plus haut, l'avait formellement engagé à suivre la direction de Mgr Brunoni.
4. Voir *Lettres* 2070 et 2092. Dans cette dernière lettre du 3 octobre 1863, le P. d'Alzon avait cependant eu l'air de se satisfaire des explications de Mgr Calomati.
5. Le P. d'Alzon le déplore dans sa *Lettre* 2435 du 12 janvier.