DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 286

21 apr 1865 Le Vigan DOUMET_MADAME

Emile. – Blanche. – Dieu veut que vous soyez toute du ciel. – Ce que faisaient les femmes chrétiennes d’il y a deux cents ans. – Une maison d’adoration en fondation dans nos montagnes. – Vos enfants: deux petits êtres exceptionnels dont il vous faut toujours élever le coeur et l’âme, et qu’il vous faut protéger contre les désirs trop inférieurs. – Ne sentez-vous donc pas que votre amitié m’est un bien immense?

Informations générales
  • DR05_286
  • 2493
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 286
  • Orig.ms. ACR, AP 395; D'A., T.D. 34, n. 42, pp. 92-94.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION
    1 AMITIE
    1 ANGES
    1 ANIMAUX
    1 D'ALZON FONDATEUR DES OBLATES
    1 DETACHEMENT
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 ENFANTS
    1 FEMMES
    1 FORMATION DES JEUNES AUX VERTUS
    1 GRACE
    1 HUMILITE
    1 INTELLIGENCE
    1 JOIE
    1 LECTURE DE LA VIE DES SAINTS
    1 MAITRES
    1 MATERIALISME
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 NOVICIAT DES ASSOMPTIONNISTES
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PENITENCES
    1 PERFECTION
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 REFECTOIRE
    1 REGNE
    1 SAINTETE
    1 SAINTS
    1 SENTIMENTS
    1 TRAVAIL
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 DOUMET, BLANCHE
    2 DOUMET, MARIE-CATHERINE
    2 DOUMET, PAUL-FRANCOIS
    3 CEVENNES
    3 NIMES, TOUR MAGNE
    3 PARIS
    3 SETE
  • A MADAME DOUMET
  • DOUMET_MADAME
  • Le Vigan, le 21 avril 1865.
  • 21 apr 1865
  • Le Vigan
La lettre

Votre lettre m’a comblé de joie, ma bien chère fille; je ne puis vous dire combien je suis heureux d’avoir de vos nouvelles.

Les étonnements d’Emile au sujet des professeurs de tous ses cousins sont bons pour le rendre modeste, mais l’expérience prouve que les perroquets qui savent le plus de mots ne sont pas pour cela les plus intelligents des bêtes de la création. Emile est un petit être à part; laissez-le pousser comme Dieu l’a fait et comme la grâce le refera, et ne vous plaignez pas de la portion qui lui est réservée. Quant à la pauvre Blanche(1), c’est une pauvre créature dévoyée dans la vase des préoccupations extérieures. Elle eût pu être un ange, elle préfère être une brave femme; chacun son goût.

Mais passons à ce qui vous concerne. Après avoir été un peu du monde, assez de la terre, Dieu veut que vous soyez toute du ciel. Vous avez à couper, à briser, mais ce n’est pas une raison pour vous arrêter en route. On nous lit, au réfectoire du noviciat, les chroniques des Carmélites, et, à travers l’histoire de quelques religieuses, on voit ce que faisaient les femmes chrétiennes d’il y a deux cents ans. Si je vous proposais d’aller pieds nus, tous les vendredis, de chez vous à la tour Magne, vous pousseriez les hauts cris, et bien d’autres autour de vous. C’est pourtant ce que faisaient à travers Paris de grandes dames de ce temps-là. Je ne vous propose rien de semblable, mais je vous conjure de vous armer d’une certaine force pour faire circuler dans tout votre être et autour de vous la vigueur de cette sève chrétienne, dont nous avons un si grand besoin.

Priez beaucoup pour une oeuvre qui me préoccupe bien ici. C’est la fondation d’une maison d’adoration confiée à de pauvres filles qui se consacreraient au travail, à la prière et à la pénitence(2). Il me semble que l’on peut faire quelque chose de très bien pour nos montagnes. Bien des difficultés s’aplanissent et il faut en bénir Dieu, mais elles n’ont pas toutes disparu, tant s’en faut.

Le séjour de Cette me semble devoir vous être très utile. Comparez les préoccupations qui s’agitent autour de vous avec les pensées d’Emile et même le fonds des sentiments d’Amélie. Qui a raison? Et ne voyez-vous pas que vos enfants, cherchant à leur manière le royaume de Dieu, sont bien plus dans le vrai que ceux qui ne cherchent que le prétendu positivisme des jouissances matérielles? Croyez-moi, élevez toujours leur coeur et leur âme, et ne permettez pas à leurs petits pieds si purs de se salir dans les fanges des désirs trop inférieurs. Dieu vous a fait une grâce immense, mon enfant, en vous confiant deux petits êtres, doués comme le sont votre fils et votre fille; c’est pour vous un double aiguillon qui doit vous porter à bien étendre vos ailes sur eux, mais aussi à leur apprendre à voler bien haut du côté de Dieu.

Je veux revenir sur un mot de votre première lettre; vous voudriez, me dites-vous, ne pas m’être désagréable. En êtes-vous encore là, ma fille, et ne sentez-vous pas que votre amitié m’est un bien immense et un de mes meilleurs repos? Si vous ne le comprenez pas depuis longtemps, permettez-moi de vous dire que je vous croyais plus clairvoyante. Mais ce n’est pas à quoi nous devons nous arrêter. Il me semble qu’il doit exister entre nous quelque chose d’intime qui aille au-delà de tout, parce que cela doit aller jusqu’à Dieu, en qui nous devons nous rencontrer pour nous appuyer l’un sur l’autre dans la mesure où Dieu le veut. Voilà comment je comprends non pas l’agrément, mais la perfection et la sainteté des relations d’amitié d’un père avec sa fille, quand Notre-Seigneur les a rapprochés pour les aider à devenir des saints l’un par l’autre.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Belle-soeur de Madame Doumet.
2. C'est bien au noviciat des Oblates que pense le P. d'Alzon (v. *Lettre* 2494).