DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 303

10 may 1865 Nîmes CHAUDORDY_ANGELINA

Des désirs qui expirent avant leur réalisation. – C’est sans aucune condition qu’il faut travailler à l’oeuvre de votre sainteté. – Tant que vous ne m’aurez pas dit: « Laissez-moi tranquille », je ne vous laisserai pas de repos. – Le mystère de la Passion. – Ne regardez pas en arrière.

Informations générales
  • DR05_303
  • 2510
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 303
  • Orig.ms. ACR, AM 38; D'A., T.D. 37, n.3, pp. 10-12.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 CAREME
    1 DESIR
    1 EFFORT
    1 ENFANTEMENT DES AMES
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 FIDELITE
    1 FRANCHISE
    1 FRUITS
    1 INTEMPERIES
    1 LACHETE
    1 MYSTERE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PERFECTION
    1 PERSEVERANCE
    1 PLANTES
    1 REGNE
    1 REPOS
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SIMPLICITE
    1 TRISTESSE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VOLONTE
    1 VOLONTE DE DIEU
  • A MADEMOISELLE ANGELINA CHAUDORDY
  • CHAUDORDY_ANGELINA
  • Nîmes, le 10 mai 1865.
  • 10 may 1865
  • Nîmes
  • Evêché de Nîmes
La lettre

Ma chère enfant,

Vous n’avez pas le temps d’écrire. Peut-être trouverai-je le moyen de vous adresser quelques mots, quoique j’aie bien aussi mes occupations. Lorsque je vous ai vue, ce soir, vous m’avez fait l’effet d’une personne pleine de bons désirs, mais désirs qui expirent avant d’arriver à la réalisation, comme tous ces petits fruits dont, après la floraison, se chargent les arbres d’un verger, mais qui tombent par l’effet de la gelée, du brouillard ou du vent, avant la maturité. On aurait eu une très belle récolte, si… Vous deviendriez une fille parfaite, si…

Eh bien! c’est sans aucune condition qu’il faut travailler à l’oeuvre de votre sainteté. Il ne s’agit pas du salut; il me semble que ce ne doit pas être là votre préoccupation, mais la perfection telle que Notre-Seigneur vous la demande. Car ce n’est ni à vous, ni à moi, mais à lui d’en poser les conditions. Nous n’avons, nous, qu’à chercher en simplicité, droiture et franchise, ce que nous croyons qu’il exige, et le réaliser. Or, je ne sais pourquoi vous me faites l’effet de vouloir beaucoup, mais puis de vous décourager. Vous l’avouerai-je? Je l’ai été moi-même quelquefois à votre égard. Mais il me semble tant que Dieu veut que je vous fasse du bien, je me suis senti si souvent poussé à demander votre âme à Notre-Seigneur, que je suis très résolu à ne point vous donner de repos, tant que vous ne m’aurez pas dit catégoriquement: « Laissez-moi tranquille ».

Puisque vous vous sentez attirée au mystère de la Passion, souvenez-vous donc que c’est là le grand mystère du sacrifice et la vraie source de toute immolation. Notre-Seigneur, à la Passion, est prêtre et victime, c’est-à-dire qu’il s’immole lui-même. Quand commencerez-vous à en faire autant? C’est ce que je voulais vous demander, ce soir. L’espèce de tristesse que j’ai cru apercevoir en vous m’a arrêté.

Je vous préviens toutefois que je ne vous dirai plus: « Mettons la main à l’oeuvre », mais que j’agirai, comme si vous l’aviez mise depuis quelque temps. Il m’est impossible de croire que les bonnes dispositions, où vous étiez ce carême, n’aient pas commencé à fructifier et que nous ne devions pas en voir bientôt de très féconds et très saints résultats. Quand Dieu s’empare d’une âme, il veut qu’elle obéisse à ses impulsions, qu’elle y soit fidèle, qu’elle persévère. Allons, mon enfant. Vous avez mis la main à la charrue, ne regardez pas en arrière; sans quoi, vous ne seriez pas propre au royaume de Dieu.

Que cette lettre vous soit une preuve de plus de mon désir de vous être utile, dans la mesure où N.-S. le demande! Je vous envoie, du fond du coeur, une paternelle bénédiction.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum