DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 314

27 may 1865 Le Vigan MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Une ordination au Vigan. – Le 23, j’ai béni la maison des Oblates qui sont six. – Franchise et une plus grande liberté dans nos relations, mais je me tiendrai toujours à votre service. – Merci pour l’arrangement que vous proposez pour Joséphine. – Ci-joint la copie d’une lettre de Mgr Brunoni au P. Galabert. – Je vais écrire à Mgr Brunoni que j’insiste auprès de vous pour vous décider à envoyer du monde à Andrinople.

Informations générales
  • DR05_314
  • 2522
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 314
  • Orig.ms. ACR, AD 1379; D'A., T.D. 23, n. 838, pp. 167-168.
Informations détaillées
  • 1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CREANCES A PAYER
    1 LIBERTE
    1 NOTRE-DAME DE BULGARIE
    1 OBLATES
    1 ORDINATIONS
    1 ORDRES MINEURS
    1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SAINT-SACREMENT
    1 SAINTS DESIRS
    1 SOUS-DIACONAT
    1 STATUE DE LA SAINTE VIERGE
    1 TONSURE
    2 BANNEVILLE, GASTON MORIN DE
    2 BRUNONI, PAOLO
    2 CLAVIER, MARIE DES ANGES
    2 CRISENOY, MARIA DE
    2 FABRE, JOSEPHINE
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 HUGUES, MARIE DES ANGES
    2 JOULE, JEAN-MARIE
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 MARICHAL, MARIE-LEONIE
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 TOUVENERAUD, PIERRE
    2 VAILHE, SIMEON
    2 VERNAZZA, LES
    3 ALZON, GARD
    3 ANDRINOPLE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 NIMES
    3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN
    3 ROME
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Le Vigan, 27 mai 1865.
  • 27 may 1865
  • Le Vigan
La lettre

Ma bien chère fille,

Nous avons eu avant-hier une ordination. Mgr a ordonné 1 prêtre, 1 sous-diacre, 1 minoré, 3 tonsurés(1). C’est un événement pour Le Vigan et un grand bonheur pour notre Congrégation. L’avant-veille au soir, j’avais béni la maison des Oblates. Six filles y avaient couché. La veille au matin, j’y avais placé le Saint-Sacrement; la veille au soir, Mgr arrivant d’Alzon avait béni une statue de la Sainte Vierge placée sur l’un des points les plus ravissants de nos montagnes, vers le haut du jardin de ces filles(2).

J’ai reçu avant-hier et tout à l’heure vos deux lettres: l’une du 20, l’autre du 25(3). Que vous dirai-je, sinon que je me tiendrai à votre service pour les choses où vous aurez besoin de moi, et je tâcherai de vous donner tout ce qui dépendra de mon désir de vous être toujours bon; mais il m’est impossible, si je sens que vous vous retirez, de ne pas prendre de mon côté ma liberté sur certains points. Cette disposition est plus celle où Rome veut que les Congrégations de femmes et d’hommes soient les unes avec les autres. Cette plus grande liberté n’empêchera pas que nous ne soyons toujours à vos ordres, mais si vous souffrez, du moins la souffrance ne viendra pas de nous, ni de notre pression. Il est évident que j’ai eu l’intention de vous être utile en parlant à Soeur M. des Anges(4), et si je n’ai pas réussi, il faut en conclure que dans mes lettres aux religieuses je ne fais que gâter, au lieu d’arranger. Je dois faire pour vos filles ce que vous faites pour les miens, et voilà les choses très simplifiées.

Je vous remercie de l’arrangement que vous proposez pour Joséphine, et je m’arrangerai avec elle pour les 2.000 francs. Je vous envoie la copie d’une lettre de Mgr Brunoni au P. Galabert(5). Je vais écrire à Mgr Brunoni et lui dire que j’insiste auprès de vous, autant que je puis, pour vous décider à envoyer du monde à Andrinople(6). J’espère que vous aussi, ma bien chère fille, vous serez contente de la manière dont je vous parle franchement, et j’espère que peu à peu, avec des explications de cette espèce, nous arriverons à ce que le bon Dieu veut de nous.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le prêtre est le P. Jean-Marie Joulé.
2. 23 mai: bénédiction de la maison des Oblates à Rochebelle.
24 mai: une première messe y est célébrée par le P. d'Alzon: c'est ce jour qui est considéré par les Oblates de l'Assomption comme celui de la fondation de la congrégation. Le soir du même jour, Mgr Plantier bénit une statue de la Vierge qui domine le couvent des Oblates.
Sur la fondation des Oblates de l'Assomption, consulter:
la note du P. d'Alzon lui-même *Fondation de l'oeuvre de Bulgarie* dans *Ecrits spirituels*, pp. 1182-1184,
les souvenirs d'un témoin oculaire rédigés en 1911 : Soeur Marie des Anges CLAVIER, *La septième petite pierre brute. Souvenirs de la fondation des Oblates de l'Assomption*, Paris, 1965,
VAILHE, *Vie* II, pp. 380-415,
Maria de CRISENOY, *Les Oblates de l'Assomption*, Paris, 1955,
*Documentation Biographique*, pp. 699-702 et 720-729,
P. TOUVENERAUD et Soeur MARIE-LEONIE, *La fondation des Soeurs Oblates de l'Assomption*, Série Centenaire n° 4, Rome, 1980.
3. Dans sa lettre du 20, Mère M.-Eugénie insiste pour avoir une explication orale avec le P. d'Alzon, seul moyen de mettre fin à tous les malentendus. - La lettre du 25 mérite d'être largement citée: "Mon cher père, en réfléchissant à ce que vous me disiez dans votre lettre précédente *que j'avais bien raison de penser que nous n'étions pas au même point de vue*, et en cherchant le vôtre, il m'est venu une idée lumineuse, qui contient peut-être toute l'explication de ce qui remplit nos lettres depuis quelque temps. Quand vous m'avez proposé de redevenir plus étroitement un appui pour moi, j'ai été assez sotte pour ne penser qu'à ce qui dans mon âme peut en avoir besoin, mes tentations, mes peines, mes péchés, mes obscurités, mes défaillances, toutes choses dont je vous ai assommé dans le passé [...] C'est pour me faire du bien sur ce terrain intime et délicat qu'il m'a semblé impossible que des lettres pussent suffire. Mais il y a un autre point de vue [...] c'est la direction de la Congrégation et de ses oeuvres; là, mon père, je n'ai pas besoin d'attendre quoi que ce soit et je croyais vous l'avoir bien montré à mon dernier voyage à Nîmes. Je vois bien que quelquefois vous vous figurez que j'ai des idées, des vues, des systèmes, des je ne sais quoi, en opposition avec les vôtres, et je voudrais au moins que vous me les disiez pour que je les fisse tomber. Je ne suis sur ce terrain ni susceptible, ni anxieuse comme sur le premier; je suis sûre de vouloir et de pouvoir m'entendre avec vous, et je ne vois absolument rien de changé à ce que nous avons été sur ce point pendant 20 ans, vous, me laissant ma légitime liberté de Supérieure Générale, et moi tenant le plus grand compte de vos avis et de vos opinions. Quant à votre Congrégation, j'ai pris il y a quelques années la sage résolution de ne point m'en mêler du tout [...] Permettez que je m'y tienne, rendant service à l'occasion, en recevant avec beaucoup d'affection et de reconnaissance, offrant ce que je croirai bon, et du reste vous laissant avec les vôtres arranger et décider ce qui vous va le mieux."
4. Soeur Marie des Anges, à qui le P. d'Alzon avait dit que Mère M.-Eugénie était mécontente d'elle, a écrit une lettre désolée à cette dernière.
5. Dans cette lettre du 3 mars, le vicaire apostolique de Constantinople parle du "mauvais effet qui en résulterait si les Dames de l'Assomption je ne dis pas *ne réalisaient point* mais si seulement elles différaient trop de réaliser leur projet..."
6. Mère M.-Eugénie répondit le surlendemain: "Pour Andrinople ce que vous me dites m'oblige à une explication [...] J'ai reçu il y a quelques jours la visite du P. Kajziewicz [...qui] est arrivé à me dire *confidentiellement* que si nous pouvions ne pas aller à Andrinople il en serait très content, il m'a avertie [...] que le consul français n'y voulait pas de nous; de plus je l'ai trouvé imbu de l'idée qu'il fallait, pour ne pas scandaliser, faire là le Carême à la bulgare, c'est-à-dire 50 jours sans acheter je ne dis pas seulement de viande mais pas même de poisson. Voyez-vous, mon père, je trouve, après cette conversation, que le P. Galabert nous a engagées là dans une position qui sera intolérable. Nous ne pouvons pas nous confesser toutes seules. Que feront des pauvres filles avec des confesseurs qui les souhaiteront à 500 lieues et qui leur imposeront, pour ne pas scandaliser, des choses qui leur seront impossibles? Est-ce la peine d'aller pour n'y pas tenir? Tandis que dans une autre ville nous pourrions faire le même bien sans les mêmes difficultés? [...] Ici M. de Banneville m'a fait dire qu'une subvention dépendrait beaucoup de la demande du consul français. Il paraît que ce consul (peut-être uniquement pour contrecarrer les Vernazza) mettra en avant si on le consulte que vous êtes un ennemi du Gouvernement. Cette réponse serait désagréable même pour les vôtres."