DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 323

31 may 1865 Le Vigan MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Je ne suis pas blessé, car il est normal qu’une supérieure trouve dans sa congrégation les conseils dont elle peut avoir besoin. – Nos rapports intimes. – En ce qui concerne Andrinople, je crois à une habileté du P. Jérôme. – Soeur Thérèse-Augustine.

Informations générales
  • DR05_323
  • 2530
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 323
  • Orig.ms. ACR, AD 1380; D'A., T.D. 23, n. 839, pp. 168-170.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 COLERE
    1 CONFESSEUR
    1 DIPLOMATIE
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 FRANCHISE
    1 FRERES CONVERS ASSOMPTIONNISTES
    1 GOUVERNEMENT DES RELIGIEUX
    1 JEUNE CORPOREL
    1 LITURGIE ROMAINE
    1 POLONAIS
    1 PRUDENCE
    1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RITE SLAVE
    1 SOUFFRANCE
    1 SUPERIEURE GENERALE
    1 TRAITEMENTS
    1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 BANNEVILLE, GASTON MORIN DE
    2 BRUNONI, PAOLO
    2 CANOVA, ANDREA
    2 DEMETRIADES, JEROME
    2 DEROUDHILE, MARIE-SERAPHINE
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 JOURDAN, RAPHAEL
    2 KAJZIEWICZ, JEROME
    2 MADELEINE-SOPHIE BARAT, SAINTE
    2 PETER, MARIE-MADELEINE DE
    2 PLUYM, ANTOINE-JOSEPH
    2 ROCHER, THERESE-AUGUSTINE DE
    2 VARIN, JOSEPH
    2 VERNAZZA, LES
    3 ANDRINOPLE
    3 BUCAREST
    3 CONSTANTINOPLE
    3 OCCIDENT
    3 ORIENT
    3 PHILIPPOPOLI
    3 SEDAN
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Le Vigan, 31 mai 1865.
  • 31 may 1865
  • Le Vigan
La lettre

Ma chère fille,

Je reçois votre lettre(1), où vous me dites être désolée de celle que vous recevez de moi. Vous me trouvez blessé et mécontent. Blessé et mécontent, non; attristé, oui. Mais vous comprenez que si votre lettre du 25(2) ne devait pas, dans votre pensée, produire sur moi un pareil effet, il n’est pas étonnant qu’à d’autres époques, et même dans ma dernière lettre, j’aie pu vous blesser sans le vouloir. Je me figure qu’il en sera de moi pour vous, comme il en a été du P. Varin pour Mme Barat. Après qu’il l’eût aidée à fonder le Sacré-Coeur, ils se séparèrent par une raison que je m’explique très bien, c’est qu’arrivée à un certain développement, une Congrégation a besoin d’une supérieure qui se suffise à elle-même, ou trouve dans sa Congrégation même l’appui et les conseils dont elle peut avoir besoin. Cela est en soi une très bonne chose. Mais qui veut la fin doit vouloir les moyens et même doit, je le comprends, être entraîné à accepter tel moyen qui dans le principe n’avait pas été prévu. Que cela m’attriste, vous ne pouvez m’en vouloir. Que cela me blesse, ce serait absurde, parce qu’il est absurde de se blesser de ce qui est dans la nature des choses.

Quant à nos rapports intimes, ils vous ont trop fait souffrir pour qu’il soit permis de supposer que Dieu les veuille. C’est ce que toutes vos lettres me disent. Alors que doit-il rester que des souvenirs? Peut-être trouverez-vous que je pousse les choses à l’extrême. Mais loyalement et devant Dieu, après vous avoir donné le temps, l’affection, le dévouement, que je vous avais offerts et que de tant de côtés on m’a reprochés, voir les déchirements et les peines que je vous ai causés et que je vous cause encore, et ne pas comprendre qu’il y a un vice radical qu’il faut extirper, c’est ce dont il m’est impossible de ne pas être profondément convaincu. Vous y mettez, me dites-vous, un sentiment surnaturel. C’est parce que je m’applique à le mettre aussi le plus profond possible, que je vous parle comme je le fais(3).

Je dois vous avouer que, pour ce qui concerne Andrinople, je crois à toute finesse de la part du P. Jérôme(4). Sa conduite à mon égard est des plus extraordinaires. Vous n’avez pas de place à Philippopoli, du moins pour le moment; toute la question serait que vous vous établissiez à la porte d’Andrinople, et peut-être vous donnerions-nous le P. Raphaël pour confesseur résidant auprès de vous avec un Frère convers. Tant pis pour les Polonais! Par prudence on pourrait commencer avec les Polonais, et je vous garantirais quelqu’un dans le cas où les choses iraient mal avec ces Pères. La question du consul n’en est pas une. Le consul passera et les Vernazza resteront. Je suis connu, et tout ce qu’il dira sur mon compte ne fera rien à l’opinion que l’on a de moi.

Quant à l’idée de cinquante jours maigres, c’est une idée des plus absurdes qui puissent passer par la tête d’un homme. A Constantinople, chez Mgr Brunoni, on [ne] faisait pas quatre jours par semaine, et il était établi que chacun agissait selon son rite. Vous resteriez religieuses occidentales et tout serait dit. Je vais plus loin. Le P. Jérôme – le Grec – m’a répété sur tous les tons que les Orientaux préféraient les prêtres d’occident qui gardaient simplement leur rite à ceux qui avaient l’air d’en changer. Mgr Canova suit ce système à Philippopoli, Mgr Pluym à Bucarest. Laissez dire les Polonais. Est-ce que leurs religieuses feront plus que les vôtres à cet égard? J’avoue ne pas comprendre que vous ayez pu donner dans une pareille habileté. Quant au silence, je vous le promets, mais à quoi bon? Vraiment je n’en vois pas le motif.

Quant à Soeur Thérèse-Augustine, je tâcherai d’entrer dans votre manière de voir(5). Adieu, ma chère fille. Je ne veux pour rien au monde passer outre à rien de ce qui peut vous faire souffrir, mais vous devez sentir que ce rôle de crucificateur doit finir par être trop répugnant.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Du 29 mai.
2. Longuement citée plus haut: v. *Lettre* 2522, n. 3.
3. Mère M.-Eugénie répondit le 2 juin: "Mon cher père, [...] je suis désolée de vous donner la peine de tant écrire, je ne puis arriver aux mêmes conclusions, et chose étrange, j'arrive à de tout opposées. Les secousses me font voir mon coeur plus à vous encore que je ne croyais, ma confiance établie pour le fond de manière à ce que j'éprouverais de l'embarras si je ne pouvais comme avant faire de ce que vous me diriez une des bases de mes décisions. Je crois que la souffrance vient précisément pour moi de l'importance extrême que j'attache à tout ce qui me vient de vous, et dans cet état je crois que votre retraite serait absolument le plus pénible."
4. Le P. d'Alzon répond ici aux propos du P. Kajziewicz que lui a rapportés Mère M.-Eugénie (v. *Lettre* 2522, n. 6). A propos d'Andrinople, cette dernière dira le 2 juin: "Quant à Andrinople, c'est bien en vue d'y aller que je garde ici Sr M.Séraphine et à Sedan Sr M.Madeleine. [...] J'ai fait demander à M. de Banneville une audience, je saurai par là et par la réponse du P. Galabert ce qu'on pourra faire pour nous à Andrinople. Je ne voudrais rien fixer qu'après. Vous avez été si à court de prêtres, êtes-vous bien sûr de pouvoir plus tard donner le P. Raphaël? Et pour deux congrégations quel avantage voyez-vous à des stations si séparées? Pourquoi ne pas s'établir à Constantinople avec l'adoration ou près de Constantinople?"
Après réception de la réponse du P. Galabert, Mère M.-Eugénie écrira au P. d'Alzon: "Le P. Galabert m'écrit qu'il ne faut plus compter sur aucune subvention à Andrinople depuis que les Polonais ont offert leurs soeurs pour rien. Cela ne change-t-il pas la question pour Andrinople? J'aimerais bien mieux Constantinople ou les environs." (26 juin).
5. Mère M.-Eugénie mettait le P. d'Alzon en garde contre la propension de cette religieuse à mettre en opposition la direction reçue du P. d'Alzon et celle de Mère M.-Eugénie elle-même.