DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 328

2 jun 1865 Le Vigan MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Votre confiance n’est plus la même. – Vous suis-je devenu inintelligible? – Je suis tout à vos ordres devant Dieu. – Je ferai pour Soeur M.-Gabrielle tout ce qui dépendra de moi. – Seul le Saint-Esprit peut dénouer ce qu’il y a au fond de nos désaccords.

Informations générales
  • DR05_328
  • 2535
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 328
  • Orig.ms. ACR, AD 1381; D'A., T.D. 23, n. 840, pp. 170-171.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 COLERE
    1 ESPRIT D'INDIFFERENCE
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 INCONSTANCE
    1 INFIDELITE
    1 PARENTE
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 REFLEXION
    1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SAINT-ESPRIT
    1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
    2 COURCY, MARIE-GABRIELLE DE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Le Vigan, 2 juin 1865.
  • 2 jun 1865
  • Le Vigan
La lettre

Ma chère fille,

Je reçois votre lettre du 31 ce matin même et je vais vous répondre catégoriquement. Vous me parlez de places que je pourrais donner(1). Vous savez bien qu’il y en avait une qui vous appartenait et que je ne songeais point à vous enlever; mais j’avais cru voir que vous n’en vouliez plus, et franchement quand je vous ai questionnée là-dessus et que vous m’avez répondu: J’y songeais(2), j’avais bien le droit de voir dans cette réponse la confirmation de ma pensée. J’ai cherché quels pouvaient être vos motifs; je vous en ai touché un mot dans ma lettre d’avant-hier, où je vous disais que j’étais attristé, mais non pas blessé ou mécontent. Et cela est, il me semble, très vrai, parce que les motifs que je croyais trouver à vos dispositions étaient des torts que vous m’attribuez sans doute, mais surtout le résultat du développement de votre Congrégation et de l’appui que vous trouvez dans votre Congrégation même. Quant à moi, je me trouve toujours le même, mais il m’est impossible de ne pas sentir, de votre part, une différence immense entre votre confiance d’autrefois et votre confiance d’aujourd’hui. Voilà la très pure vérité.

S’il en est ainsi entre vous et moi devant Dieu, qu’y a-t-il à faire? Vous m’avez assez souvent reproché de ne pas vous comprendre, pour que peut-être, à mon tour, je vous sois inintelligible, alors que je croyais aller à vous, il y a quinze jours, avec une amitié vraiment humble, autant que j’en suis capable du moins. Je serais presque tenté de croire que votre lettre de ce matin demande, de ma part, la même amitié et une confiance plus indépendante. Peut-être suis-je, moi, trop d’une pièce et ne sais-je pas tant raffiner? Enfin, ma fille, ainsi que je vous le disais il y a quelque temps, comme je ne vous écris qu’avec beaucoup de réflexion et sans aucun mécontentement, je suis tout à vos ordres devant Dieu.

Quant à la bonne Soeur M.-Gabrielle, il ne peut en être question. Vous pouvez bien être assurée que je ferai pour elle ce qui dépendra de moi, tant que vous la laisserez, comme pour toute autre supérieure du prieuré que vous me confierez(3).

Adieu, ma chère fille. Laissez-moi vous redire, une fois de plus, qu’il ne peut être question, qu’il ne s’agit point pour moi de vous faire tenir un autre rang que celui que vous voudrez prendre entre vous et moi. Je crois que le Saint-Esprit seul peut dénouer tout ce qu’il y a au fond de nos désaccords, et je le lui demande du fond du coeur, si c’est pour notre bien et la gloire de Dieu.

J’ai oublié de vous remercier de ce que vous avez bien voulu faire pour une parente de mon beau-frère.

Notes et post-scriptum
1. Dans cette lettre, Mère M.-Eugénie écrivait: "... en quelque rang que vous me teniez, je vous resterai toujours amie et dévouée. Quels que soient les désaccords de détail, ce point n'en est que plus clair et plus lumineux pour moi."
2. *J'y songeais*: c'est ainsi que le P. d'Alzon (*Lettre* 2519) résume la réponse donnée le 12 mai par Mère M.-Eugénie à la question qu'il lui a posée le 10 (v. *Lettre* 2507 et n. 2). Le 4 juin, Mère M.-Eugénie mettra un point final à cette discussion en écrivant: "Je ne sais dans quelle phrase j'ai employé le *j'y songeais* que vous me répétez, mais ce que je sais c'est que ma pensée à cet égard était fort différente de ce que je vous ai fait comprendre. Je songeais depuis quelque temps à ce qui empêchait nos rapports d'être aussi intimes qu'autrefois, et à la possibilité de les rétablir sur un pied plus utile et plus consolant. Je concluais au besoin de nous voir plus souvent".
3. "Je vous en prie, ne vous retirez pas de votre place de père à l'égard de Sr M.Gabrielle, vous savez que j'y ai compté en lui donnant sa charge..." (31 mai).