DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 337

7 jun 1865 Le Vigan REGIS Eulalie

Simplicité et rondeur dans le sacrifice des montagnardes, besoin de consolation et nerfs délicats des filles de la plaine. – Je vous souhaite plus de vigueur dans la foi et un peu moins de faiblesse dans les nerfs. – A N.-D. de Bulgarie, le numéro 1 est moins nécessaire qu’on ne pense. – Le P. Hippolyte les mène à la baguette. – Choix à faire entre deux excellentes religieuses mises à ma disposition par la supérieure de l’Assomption. – Prise d’habit prévue pour le 14 août.

Informations générales
  • DR05_337
  • 2546
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 337
  • Orig.ms. ACR, AM 287; D'A., T.D. 37, n. 39, pp. 268-270.
Informations détaillées
  • 1 AGRICULTEURS
    1 AMOUR DES AISES
    1 BOURGEOISIE
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 COMPORTEMENT
    1 DETACHEMENT
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EFFORT
    1 ENERGIE
    1 EPREUVES
    1 FERMIER
    1 LACHETE
    1 MAITRESSE DES NOVICES
    1 MALADIES
    1 MOEURS ACTUELLES
    1 MORT
    1 NOTRE-DAME DE BULGARIE
    1 OBLATES
    1 PENTECOTE
    1 PRISE DE VOILE
    1 SACREMENTS
    1 SIMPLICITE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 SUPERIEURE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 DEROUDHILE, MARIE-SERAPHINE
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 PETER, MARIE-MADELEINE DE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
  • A MADEMOISELLE EULALIE DE REGIS
  • REGIS Eulalie
  • Le Vigan, 7 juin 1865.
  • 7 jun 1865
  • Le Vigan
  • *Mademoiselle*
    *Mademoiselle de Régis*
    *Lirac par Roquemaure*
    *Gard*.
La lettre

Ma chère enfant,

Je lis avec la plus grande attention votre lettre, j’entre dans toutes vos souffrances, mais savez-vous ce que j’en conclus? C’est que j’ai eu le plus grand tort dans l’action que j’ai eue en général sur mes filles de Nîmes, et sur vous en particulier. Lorsque je vois la simplicité, la rondeur dans le sacrifice de nos pauvres Oblates; quand je vois chez elles autant de filles délicates que dans mes filles de Nîmes et que je les vois marcher si souplement, si bonnement, je me demande pourquoi tant de récriminations, de plaintes et d’attendrissements sur soi-même, d’un côté, tant de rondeur, de don de soi, fait tout bonnement [et] sans soupirs, de l’autre. Les âmes comme les corps, dans certains pays, s’accoutument à être élevées dans du coton, et si on les touche un peu fort, elles poussent des cris affreux.

Je suis allé, hier soir, visiter un de mes fermiers, dont la femme est morte le jour de la Pentecôte d’une attaque d’apoplexie foudroyante. C’était un ménage parfait et, de plus, c’était une femme indispensable dans la position de la famille. Le mari et les enfants étaient pourtant résignés à la volonté de Dieu tout chrétiennement, sans révolte, sans murmure, sans désespoir. Pourquoi cette simple soumission à un coup si dur, chez des gens qui font leurs pâques et entendent la messe tous les dimanches? Pourquoi ces inexprimables efforts pour aboutir à peu, chez de saintes âmes qui communient tous les jours? Vous dirai-je une observation, peut-être moins honorable encore, pour les saintes filles élevées dans de la confiture spirituelle? Elles sont accoutumées à être consolées et, de là, se sont accoutumées à avoir besoin de consolations. Les autres n’ont aucune coutume de cette espèce, elles n’ont pas de mauvais pli. Enfin, il faut tenir compte de ce double fait: les unes ont des nerfs, les autres en ont moins.

Voyez-vous, ma chère fille, le résultat du parallèle, que je me permets d’établir entre les enfants de la plaine et les enfants de nos montagnes? Il est sûr que les moeurs sont encore, chez nous, plus imprégnées de foi, que cette foi porte tout uniment les âmes. C’est énorme. Je suis un homme affreux, mais j’en viens, pour que votre délicatesse de coeur ne fléchisse pas trop, à vous souhaiter un peu plus de vigueur dans la foi et un peu moins de faiblesse dans les nerfs.

Ce que je viens de vous dire, pour vous, appliqué aux filles de Notre-Dame de Bulgarie, conduit à cette conclusion qu’elles ont moins besoin du numéro 1 qu’on ne le pense. Ceci devient la conclusion de plus en plus forte du P. Hippolyte, qui les tient plus que vous ne sauriez le soupçonner. A cet égard, il ne faut pas se faire illusion. Il les mène à la baguette, et peut-être cela vaut-il mieux. La supérieure de l’Assomption met à ma disposition le choix de deux excellentes religieuses(1), mais ce ne serait que pour la fin d’août. Franchement, les choses ne vont pas mal et déjà des demandes d’une bonne espèce nous sont faites. Nous pourrions bien donner l’habit à une quinzaine pour le 14 août. Y serez-vous pour voir cette seconde étape dans la vie religieuse?

Adieu, ma bien chère fille. Mille fois tout à vous en N.-S.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Soeur Marie-Madeleine et Soeur Marie-Séraphine.