- DR06_030
- 2754
- DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 30
- Orig.ms. ACR, AL 226; D'A., T.D. 36, n. 8, pp. 174-175.
- 1 DETACHEMENT
2 CABRIERES, ANATOLE DE
2 COURCY, MARIE-GABRIELLE DE
2 LAURENT, CHARLES
2 LAURENT, CHARLES PROPRIETAIRE - A SOEUR THERESE DE LA CONCEPTION BARDOU
- BARDOU Thérèse de la Conception ra
- Paris, 18 février [18]66.
- 18 feb 1866
- Paris
Ma bien chère enfant,
Ah! que je suis jaloux de Spitz(1)! Qu’il est heureux, ce personnage, de passer ainsi des mains de Soeur M.-Gab[rielle] à celles de Soeur Th[érèse] de la Conc[eption]! Heureux mortel, dirais-je, s’il était vivant! Vraiment, vous avez trouvé que le mardi gras était suivi du mercredi des cendres! Un de mes professeurs vint me dire, une fois: « Mon Père, je crois que, cette année-ci, le mercredi des cendres tombe un vendredi; qu’en pensez-vous? » et cela très sérieusement. Enfin, il paraît que, depuis, les choses ont repris le cours ordinaire de la nature et des jours de la semaine.
Vous avez donc bien peur de mourir? Je suis entouré de gens qui disent que le monde finira bientôt, et je suis à me demander ce que je préférerais: mourir avant ou tout près de la fin du monde. Je réserve la discussion de ce doute pour quand je serai auprès de vous. Enfin, il faut toujours mourir, il faut toujours s’y préparer, il faut toujours détruire en soi le péché; il faut toujours faire pénitence, s’exercer à la séparation des créatures par des séparations volontaires d’avec Spitz. Ah! ma fille, que de sacrifices dans la vie! Je ne vous en félicite pas moins de votre générosité. Vous pouvez en vous privant par moments de votre petit objet noir, cartonné, au nez retroussé et qui vous ressemble, acquérir plus de mérites que mon voisin M. Charles Laurent, (non pas le P. Laurent Charles), qui vient d’un coup de perdre 1.500.000 francs. Heureusement qu’il lui en reste!
Quoi qu’il en soit, (manière de ménager la transition), je vous arriverai pour le dimanche de la Passion, comptez-y. Je désire vous trouver une très grande sainte, non par vos pénitences, mais par le charme et la perfection de vos vertus. Offrez mes compliments à la Mère M.-Gabrielle et à vos Soeurs et croyez, ma bien aimée fille, que ce sera une vraie et grande joie de vous revoir.
E.D'ALZON.