- DR06_049
- 2777
- DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 49
- Brouillon de la main du P. d'Alzon ACR, AP 145; D'A., T.D. 40, n. 1, pp. 251-252.
- 1 AUTHENTICITE BIBLIQUE
1 ECRITURE SAINTE
1 HERESIE
1 JUIFS
1 PRIERE POUR L'EGLISE
1 PROTESTANTISME
1 UNIVERSITES D'ETAT
1 VENDREDI SAINT
2 DONEY, JEAN-MARIE
2 O'CONNELL, DANIEL
2 VAILHE, SIMEON
2 VEUILLOT, LOUIS - A MONSIEUR MELCHIOR DU LAC
- DU_LAC Melchior
- Nîmes, Vendredi saint [30 mars] 1866.
- 30 mar 1866
- Nîmes
Mon cher ami,
En célébrant ce matin l’office du vendredi saint, j’ai dû chanter les prières pour les hérétiques et pour les Juifs. Pour les Juifs, j’ai demandé que Dieu ôtât du coeur de ces perfides le voile qui le couvre: et pro perfidis Judaeis, ut Deus et Dominus noster auferat velamen de cordibus eorum… Exaudi preces nostras, quas pro illius populi obcaecatione deferimus. Quant aux hérétiques, j’ai demandé que Dieu les délivrât de toutes les erreurs, ut Deus et Dominus noster eruat eos ab erroribus universis… Respice ad animas diabolica fraude deceptas. Et c’est avec des hommes pour qui l’Eglise prie, mais qu’elle déclare perfides, aveuglés, plongés dans toutes les erreurs, trompés par les fourberies du démon, que des prêtres s’associent pour traduire le livre de la vérité par excellence! Ou l’Eglise sait ce qu’elle dit dans ses prières, ou elle ne le sait pas. Si elle ne le sait pas, qu’on le proclame tout haut. Si elle le sait, si les mêmes prières, avec les mêmes condamnations, ont été aujourd’hui, jour de la mort de J.-C., répétées d’un bout du monde à l’autre, quel espoir de trouver le vrai sens de la Bible à l’aide d’auxiliaires tels que les prières liturgiques nous les dépeignent?
On a prétendu que l’oeuvre de la traduction de la Bible était affaire purement philologique. Alors pourquoi un journal assurait-il que, dans la première séance, un des vénérables pasteurs a réclamé pour le succès du travail les prières des bonnes âmes? Si ce n’est que de la philologie qu’on veut faire, pourquoi ces prières? Autant vaudrait en demander pour l’Académie des sciences morales. S’il y a là-dessous quelque chose de plus qu’un enfantement philologique, je comprends des prières, mais je me rappelle que des prières sollicitées dans un but commun par des protestants anglais, animés des plus pures intentions auprès de leurs compatriotes catholiques, ont été tout récemment déclarées par le Saint-Office, avec l’approbation du Pape, le renversement de la foi et la proclamation de l’indifférence en matière de religion.
Des protestants reprochaient un jour à O’Connell de s’être, pendant un enterrement, éloigné d’eux au moment où leur ministre voulut faire des prières. « L’Eglise catholique, répondit-il, prie pour tous, mais ne prie avec personne ». J’attends que l’Eglise catholique ait déclaré consentir à traduire la Bible avec qui que ce soit(1).
Agréez, mon cher ami…
Le 8 avril, Melchior Du Lac informe le P. d'Alzon de la publication dans le *Monde* de sa lettre du Vendredi saint, avec, dit-il, un certain retard dû à son absence de Paris: "Votre lettre a fait bon effet et tous nos amis en sont enchantés de même que de celle de [l'évêque de] Montauban".
La séance d'ouverture d'une *Société nationale pour la traduction des Livres saints* s'était tenue à la Sorbonne le 28 mars. Cette société avait pour ambition de mettre au point une traduction de l'Ecriture "en style choisi et distingué", et dans ce but elle faisait appel à des personnes compétentes sur le plan philologique et littéraire choisies dans les confessions israélite, catholique et protestante. Mais comme on le voit par la réaction du P. d'Alzon, qui fut celle de bien d'autres comme Mgr Doney de Montauban, l'atmosphère n'était pas encore à une traduction oecuménique de la Bible... La *Semaine religieuse de Nîmes*, dans ses numéros des 1er et 8 avril, fit écho à cet événement dans le même sens que le P. d'Alzon.