DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 51

4 apr 1866 Nîmes CHAUDORDY_ANGELINA

Dieu frappe à la porte de votre coeur et je crois devoir être pour vous l’écho de sa voix. – Il faut que vos lettres me donnent de vous une photographie ressemblante. – Je veux faire de vous une sainte. – Vos terreurs de la mort sont un aiguillon utile.

Informations générales
  • DR06_051
  • 2779
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 51
  • Orig.ms. ACR, AM 46; D'A., T.D. 37, n. 11, pp. 22-23.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ANGOISSE
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 ENERGIE
    1 MORT
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    3 MONTAGNAC
  • A MADEMOISELLE ANGELINA CHAUDORDY
  • CHAUDORDY_ANGELINA
  • [Nîmes,] mercredi soir [4 avril 1866].
  • 4 apr 1866
  • Nîmes
La lettre

Je regrette, ma bien chère enfant, que vous n’ayez pas fait effort pour venir me voir ce soir. Vous êtes à un moment de crise. Il faut en sortir. Vous dirai-je que vous me faites quelquefois l’effet d’une personne enfoncée jusque par-dessus les oreilles dans un tas de plumes d’édredon? Elle y dort, elle s’y agite un peu paresseusement, elle veut en sortir, elle y reste, elle s’y endort, elle s’y étouffe. Dieu frappe à la porte de votre coeur. Quelque chose me pousse à être pour vous l’écho de ce que je crois la voix de Dieu. Quelquefois, je suis tenté de me taire. Il me semble que mes paroles tombent à faux; puis, quand je crois n’avoir trouvé aucun retentissement dans votre âme et que je suis sur le point de me décourager, je rencontre une fille sérieuse, préoccupée de pensées capables de la convertir, me demandant aide et appui.

J’attends votre volume. Vous me l’adresserez à Montagnac, mais je demande:

1° Que, dès que vous aurez rempli quatre pages, vous me les envoyiez, à moins qu’en vingt-quatre heures vous n’ayez la fécondité d’en remplir huit ou dix;

2° Que vous m’écriviez promptement et souvent;

3° Que vous me disiez, sans doute, ce qui vous soulagera le coeur, mais aussi que vous me rendiez compte de votre état actuel. Sans doute, votre lettre d’aujourd’hui m’en apprend quelque chose, mais cela ne suffit pas. Il faut quelques détails de plus. Je sais combien il est quelquefois difficile de s’analyser. Ce n’est pas une raison de se décourager. On fait mal d’abord, mais avec de la persévérance on vient à bout de réussir une ressemblante photographie.

Enfin, puisque vous continuez à avoir confiance en moi, je veux en profiter pour vous rendre une sainte, n’importe la voie où Dieu voudra que, plus tard, vous développiez votre sainteté. Vous êtes faite pour une certaine perfection, mais parce que vous avez laissé s’engourdir votre volonté, vous n’avez pas l’énergie d’arriver aussi haut que vous en auriez le sentiment. Croyez-moi pourtant, ma chère enfant, vous pouvez beaucoup. Croyez-vous que ces terreurs de la mort ne soient pas un aiguillon utile? Que présenteriez-vous à Dieu, si, dans quelques jours, vous étiez portée au tombeau entre quatre planches? Dieu vous a poussée doucement pendant le carême. Il vous secoue en ce moment par la terreur du choléra. Prenez garde que, s’il veut vous réduire à ses pieds et si vous vous débattez trop, il ne frappe un de ces coups, comme il fait quelquefois, qui vous feront regretter trop tard de n’avoir pas entendu sa voix d’ami et de père.

Adieu, mon enfant. Croyez que si je vous parle ainsi, c’est que j’ai la conviction profonde d’un devoir à accomplir.

Mille fois vôtre en N.-S.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum