DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 131

23 aug 1866 Le Vigan CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Vos répugnances seront un jour un sujet de très profonde humiliation. – Je n’ai pas su assez vous prêcher d’exemple la vraie vie apostolique. – Sans doute cela me fait-il un peu souffrir, mais c’est une occasion d’offrir réparation à N.-S. pour les blessures que j’ai pu lui faire. – Que N.-S. vous aide à devenir une sainte.

Informations générales
  • DR06_131
  • 2865
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 131
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 404; D'A., T.D. 29, n. 65, pp. 72-73; QUENARD, pp. 50-51.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST A L'ASSOMPTION
    1 CHATIMENT
    1 DEGOUTS
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 LACHETE
    1 OBLATES
    1 PEUPLE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    2 ROSE DE LIMA, SAINTE
    3 NIMES
  • A MADEMOISELLE MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Le Vigan, 23 août [18]66.
  • 23 aug 1866
  • Le Vigan
La lettre

Ma bien chère enfant,

Je ne suis pas surpris de votre lettre(1). Je vous avoue que je l’attendais un peu, mais je pense que ces répugnances seront pour vous, un jour, un sujet de très profonde humiliation, lorsque cherchant à marcher sur les traces de Notre-Seigneur, vous penserez qu’après tout, pour s’unir à l’humanité, Notre-Seigneur a fait un peu plus de chemin du ciel jusqu’aux pécheurs, que vous n’en auriez fait, de votre position à celle de mes pauvres enfants. Vous dirai-je, ma chère Marie, que j’attribue à ma faute votre découragement? Si j’avais su vous prêcher un peu plus d’exemple la vraie vie apostolique, vous auriez un peu mieux compris la beauté de cette vie pour laquelle Notre-Seigneur commença par prendre d’abord des pêcheurs et des hommes grossiers, comme nous avons commencé par nos fileuses et nos montagnardes. Tout cela, je vous le répète, est fort simple à mes yeux, et je vous remercie de m’avoir parlé avec votre admirable franchise. Que vous étant attaché, comme je le suis, cela me fasse un peu souffrir, je mentirais si je disais le contraire. Mais voyez-vous, Marie, il y a quelqu’un que j’aime mille fois plus que vous, c’est Notre-Seigneur, et je ne trouve pas de meilleure occasion de lui offrir une très incomplète réparation de toutes les blessures que j’ai pu lui faire, que de prendre, comme il a pris tant de fois mes procédés, qui, de ma part, ont été mille fois plus pénibles pour son coeur que ne pourrait être pour le mien la nouvelle, que je serais seul là où je comptais que nous serions deux. J’éprouve un peu d’embarras, j’ai peur que ce qui précède ne vous chagrine, et d’autre part, mon amitié me dit que je dois vous montrer tous les replis de mon âme. Que sera la véritable amitié, si elle n’est pas cela?

Vous n’êtes pas encore parfaite, je le sais, mais vous voulez le devenir. Vous le deviendrez, je ne connais rien de meilleur pour vous y pousser que la manière dont je vais avec vous. Si je me trompe, dites-le moi. Du reste, je pense que votre nid n’est pas encore fait. Si vous eussiez voulu prêter à l’oeuvre autre chose qu’un concours extérieur, j’y eusse vu de l’inconvénient jusqu’à nouvel ordre.

Adieu, ma chère enfant. Que Notre-Seigneur vous aide à devenir une sainte et vous montre en même temps la route à prendre pour le devenir. Je serai à Nîmes le 30 au matin, juste pour dire la messe de sainte Rose de Lima. J’aurai, en ce jour-là, 56 ans. Les Oblates arriveront le lendemain. Je dirai la messe pour moi le 29. La voulez-vous pour vous le 30? A huit jours.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
En me relisant je trouve mes phrases un peu embrouillées, mais je sais bien ce que je dis, et il me semble que vous le comprenez.1. A peine le P. d'Alzon a-t-il répondu à la lettre de Marie Correnson du 20 août (v. *Lettre* 2863 et les notes), qu'il en reçoit une autre. Elle n'était pas datée, et c'est le P. d'Alzon qui y a inscrit la date du *23 août 66*. Mais cette date doit être celle de la réception, car la réponse, c'est-à-dire notre lettre, est datée du même jour. - Voici ce que lui écrivait Marie: "Décidément, je ne serai jamais Oblate car plus j'y réfléchis et moins je me sens la force d'entreprendre cette oeuvre. Je vous aiderai *extérieurement* tant que je le pourrai, à moins que vous soyez d'avis que j'entre au couvent, alors je m'arrangerai pour entrer chez les Dames de l'Assomption." Ce n'est pas la vie dure qui lui fait peur, mais le milieu dans lequel elle va devoir vivre. Ses parents d'ailleurs ne lui permettraient pas d'entrer "dans une maison qui n'est pas assise". Et elle conclut en disant: "Ne comptez donc plus sur moi. Le bon Dieu ne le veut pas puisqu'il me permet d'entrevoir toutes les difficultés qui surgiraient de mon *pas de clerc*."