DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 188

17 dec 1866 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Soeur Marie-Augustine. – Votre trop prompt départ de Rome. – Vous vous repentirez un jour de tout vouloir faire par vous-même. – Formez des sujets capables de commander. – Votre démission était impensable.

Informations générales
  • DR06_188
  • 2930
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 188
  • Orig.ms. ACR, AD 1431; D'A., T.D. 23, n. 909, pp. 237-239.
Informations détaillées
  • 1 COLERE
    1 CONGREGATIONS A SUPERIEURE GENERALE
    1 CONSTITUTIONS DES RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 CORRECTION FRATERNELLE
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 DETACHEMENT
    1 ERREUR
    1 GOUVERNEMENT DES RELIGIEUX
    1 INJURES
    1 LACHETE
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PRUDENCE DE LA CHAIR
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SENS DES RESPONSABILITES
    1 SUPERIEUR ECCLESIASTIQUE
    1 SUPERIEURE GENERALE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 FAUDOAS, SAINT-FRANCOIS
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SURAT, AUGUSTE-ALEXIS
    2 VERON, PAUL
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 17 décembre [18]66.
  • 17 dec 1866
  • Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Je tiens à faire vite cesser un malentendu entre nous au sujet de Soeur M.- Aug[ustine]. Vous êtes complètement dans l’erreur, si vous croyez que je la désire le moins du monde et que j’aie pu vous écrire avec un peu de mauvaise humeur(1). J’étais plutôt peiné que vous eussiez cru avoir à me donner des raisons pour m’engager à ne pas la prendre. Maintenant, que tout en la déclarant folle, j’eusse agi avec elle autrement que vous, franchement je le crois; mais c’est une tout autre question, où je vous laisse votre manière de voir, tout en gardant la mienne, qui est que depuis longtemps elle aurait dû être hors de la communauté.

Quant à ce que je vous ai dit sur mon regret de votre départ trop prompt de Rome, Mgr de Nîmes ne cesse d’y revenir de lui-même et s’applaudit de tout ce qu’il a fait pour décider la sup[érieu]re g[énéra]le de Saint-Maur à rester. Le motif que vous donnez était le même pour M. Surat que pour M. Véron(2). Si de Rome vous eussiez envoyé à M. Véron la seconde partie de vos Constitutions, il eût eu la bouche close(3).

Mais ceci est un détail, et c’est le fond même du système que j’envisage et qui consiste à tout faire par vous-même. Je suis convaincu que vous vous en repentirez un jour ou plutôt que votre Congrégation en souffrira. De deux choses l’une: ou il n’y a que vous qui puissiez faire, et alors que devient votre Congrégation après vous? Ou il y a d’autres filles capables, et alors pourquoi ne pas les employer? Que Soeur Thérèse-Em[manuel] eût souffert dans votre absence des incartades Véron, c’eût été triste sans doute, mais vos Soeurs eussent pris un peu d’expérience, et vous n’auriez pas exposé votre réputation aux absurdes déblatérations d’un homme, en face de qui vous ne vous seriez pas trouvée. Pour l’affaire en elle-même, maintenant qu’elle touche à son terme, à un triple point de vue: à cause de vous, à cause de la Congrégation, à cause de l’approbation, j’eusse préféré que vous fussiez restée à Rome; mais encore une fois, ceci n’est qu’un détail. Le fond de ma pensée est qu’il faut que vous formiez des sujets capables de commander, et que pour cela vous acceptiez qu’ils se trompent quelquefois, afin qu’ils acquièrent de l’expérience. Mais je vous avoue que telle est ma constante préoccupation, c’est-à-dire de savoir, quand vous ne serez plus là, comment les choses iront. J’ai grand’peur que la Congrégation ne se trouve en face de beaucoup de sainteté couvrant un peu trop d’incapacité.

Voilà ce qui me préoccupe, et, pour vous le dire aussi, voilà ce qui fait que je ne puis comprendre comment vous avez pu avoir l’idée de donner votre démission. Je crois que vous n’en aurez le droit que quand vous aurez un successeur capable. Or si, à vos yeux, Soeur Thérèse-Em[manuel] n’a pas pu gouverner la Congrégation pendant quatre ou cinq mois, comment à vos yeux le pourrait-elle pendant six ans? Il faut être logique.

Adieu, chère fille. Tout à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. "C'est ennuyeux d'être si loin, surtout avec vous, mon cher père, et il est difficile de s'entendre" (14 décembre).
2. Je ne pouvais, disait en substance Mère M.-Eugénie, abandonner la congrégation aux violences de M. Véron (13 décembre). - M. Surat était le supérieur ecclésiastique des Dames de Saint-Maur.
3. La seconde partie des constitutions des Religieuses de l'Assomption (1866) avait trait au gouvernement de la congrégation.