DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 241

10 may 1867 Le Vigan CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Chère petite Mère. – Les Oblates de La Valette, celles de Rochebelle. – Dieu vous donne une mission très pénible, très délicate et très belle.

Informations générales
  • DR06_241
  • 2992
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 241
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 404; D'A., T.D. 29, n. 69, pp. 76-78; QUENARD, pp. 54-56.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT
    1 CADRE DE LA VIE RELIGIEUSE
    1 CHOIX
    1 CO-FONDATRICE DES OBLATES
    1 COUVENT D'AUTEUIL
    1 EFFORT
    1 OBLATES
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 SUPERIEURE
    1 TRAVAIL
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOCATION
    2 ARNAL DU CUREL, MADAME
    2 COURCY, MARIE-GABRIELLE DE
    2 DURAND, MADELEINE
    2 EVERLANGE, MARIE-EMMANUEL D'
    2 PETER, MARIE-MADELEINE DE
    2 REGIS, EULALIE DE
    2 SARRAN, VALERIE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 NIMES
    3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN
    3 VIGAN, LE
    3 VIGAN, PROPRIETE LAVALETTE
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Le Vigan, 10 mai [18]67.
  • 10 may 1867
  • Le Vigan
La lettre

Me voilà au Vigan depuis avant-hier, et je viens commencer avec vous, bien chère petite Mère, une correspondance que je prie Dieu de bénir et de rendre féconde pour notre oeuvre des Oblates, en même temps qu’utile à vous et à moi.

Je veux vous rendre compte de mes impressions sur les Soeurs qui se trouvent ici. Elles sont pour le moment partagées en deux groupes: cinq sont à La Valette(1), dix à douze à Rochebelle. Dès que j’eus pris quelque chose, je me rendis à La Valette, où ces pauvres filles se tuent de travail. On leur a donné pour supérieure la Soeur Marie-Madeleine(2), dont l’antiquité sert de chaperon aux autres, mais la vraie directrice au moins pour le travail, est Soeur Valérie qui me semble de beaucoup la plus capable. Et pour le sérieux, et pour la piété, et pour la tenue, et pour l’intelligence, ce sera, quand elle sera formée, une excellente supérieure, pleine de bon sens et de tact. La Mère Marie-Madeleine l’avait remarqué, elle a le malheur de déplaire à la Mère M.-Emmanuel, qui lui avait donné pour fonction de porter le chat au grenier. Mais cela ne m’étonne pas; elle a l’esprit trop vigoureux pour la supérieure actuelle.

A Rochebelle, où je suis allé seulement hier matin, les choses semblent bien marcher, mais on prétend que ce n’est qu’à la surface, au dire du P. Hippolyte et de Mme Arnal. La Mère M.-Emm[anuel] me reçut avec une très grande dignité. Je n’eus pas l’air de m’en apercevoir. J’étais accompagné du P. Hip[polyte], je parlai beaucoup d’Eulalie, un peu de vous, j’eus autant que je pus une bonne parole pour chacune, je leur racontai les faits et gestes de leurs Soeurs de Nîmes, puis je m’en allai. La Mère me proposa d’entrer dans mon cabinet, je refusai et je lui dis que ce serait pour aujourd’hui. J’y suis allé, en effet. Elle a été d’une amabilité parfaite, la leçon avait été bonne. J’ai cru voir qu’avant tout elle tenait à rester au Vigan. Tout cela est bon à noter, car voyant que Mme Arnal sera peut-être obligée de s’absenter du Vigan, l’hiver prochain, d’autre part, que le Père Hip[polyte] et elle commencent à en avoir par-dessus les yeux de la supérieure actuelle, j’avais pensé que si, dans quelques mois, vous croyez possible de venir, vous auriez pu rendre de très grands services, après avoir essayé de la vie religieuse ou au Prieuré ou à Auteuil. Peut-être même auriez-vous pu venir tout directement ici avec votre costume. Vous voyez que ma pensée allait vite en besogne.

Il importe de réfléchir et de bien prier. L’oeuvre grandit tout doucement, mais il vient une heure où il lui faut définitivement une tête. Seulement, puisqu’il est difficile que vous le soyez sur-le-champ à Nîmes, je me demande si vous pourriez l’être bientôt au Vigan. Ma conviction devient tous les jours plus profonde que Dieu vous donne une mission très pénible, très difficile, très délicate et très belle. Mais je puis me tromper et si vous n’avez pas, de votre côté, la même impression, je pense qu’il peut se faire que je sois dans l’illusion. Si, au contraire, vous êtes résolue à marcher en avant(3), il me semble bien difficile que Dieu ne couronne pas mes efforts. Je m’en veux presque de n’avoir pas à entretenir Notre-Seigneur d’autre sujet que de celui-là. J’ajoute que, tout en avouant la possibilité que je me trompe, en priant ou en méditant il m’est impossible d’avoir l’ombre d’un doute.

Voilà comme je me laisse entraîner. Je ne voulais vous parler que des Oblates et je vous entretiens bien longuement de votre grande décision; vous ne pouvez pourtant m’en vouloir de ce que vous m’êtes ainsi constamment présente à la pensée. Vous ai-je dit que le P. Hip[polyte] et Mme Arnal sont au bonheur de ce que je leur ai dit de vos intentions et vous appellent à cors et à cris?

Adieu, ma fille. Mille fois vôtre en Notre-Seigneur. Je vous bénis du fond du coeur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. De Rochebelle les Oblates ont essaimé à La Valette, propriété du P. d'Alzon faisant face au château de la Condamine où se trouve le noviciat des religieux.
2. L'aînée des soeurs Durand, née en 1813. Elle faisait partie du groupe des fondatrices du 23 mai 1865.
3. Le 12 mai, Mère Emmanuel-Marie répond au P. d'Alzon qu'elle serait heureuse de lui venir en aide tout de suite, mais que l'attitude de sa famille reste un grand obstacle. De plus, ajoute-t-elle, "il me semble que j'aurai plus besoin qu'une autre de faire un peu de noviciat". On ne peut guère compter pour cela sur l'actuelle supérieure des Oblates. Dès lors, où faire ce noviciat? A Auteuil? A Nîmes, auprès de Mère M.-Gabrielle?